Savitri - Book Two - Canto 14

B OOK T WO – C ANTO 14 – T HE W ORLD -S OUL L IVRE D EUX – C HANTE 14 – L’A ME DU M ONDE

SAVITRI S RI A UROBINDO

French translation by: Divakar Jeanson www.divakar-publications.com

BOOK TWO - The Book of the Traveller of the Worlds

LIVRE DEUX – Le Livre du Voyageur des Mondes

Canto Fourteen - The World-Soul

Chant Quatorze – L’Ame du Monde

A covert answer to his seeking came. In a far shimmering background of Mind-Space A glowing mouth was seen, a luminous shaft; A recluse gate it seemed, musing on joy, A veiled retreat and escape to mystery. Away from the unsatisfied surface world It fled into the bosom of the unknown, A well, a tunnel of the depths of God. It plunged as if a mystic groove of hope Through many layers of formless voiceless self To reach the last profound of the world's heart, And from that heart there surged a wordless call Pleading with some still impenetrable Mind, Voicing some passionate unseen desire. As if a beckoning finger of secrecy Outstretched into a crystal mood of air, Pointing at him from some near hidden depth, As if a message from the world's deep soul, An intimation of a lurking joy That flowed out from a cup of brooding bliss, There shimmered stealing out into the Mind A mute and quivering ecstasy of light, A passion and delicacy of roseate fire. As one drawn to his lost spiritual home Feels now the closeness of a waiting love, Into a passage dim and tremulous That clasped him in from day and night's pursuit,

Une réponse voilée parvint à sa quête. Dans un lointain scintillement d’Espace mental, Une bouche apparut, une creusée de lumière, Comme une porte recluse, méditant sur la joie, Une retraite couverte, un passage au mystère. Laissant la surface insatisfaite du monde, Cela s’échappait dans le sein de l’inconnu, Tel un puits ou un tunnel dans les tréfonds de Dieu. Cela plongeait comme un sillon d’espoir A travers des strates sans forme ni voix Pour atteindre enfin le cœur même du monde, Et de ce cœur, sans mots, surgissait un appel Plaidant auprès d’un impénétrable Mental, Exprimant un invisible désir passionné. Comme le signe secret d’un doigt levé Dans la transparence cristalline de l’air Lui désignant une profondeur toute proche, Comme un message issu de l’âme même du monde, Une intimation d’une joie occulte versée D’une coupe secrète de félicité, Etincelante s’insinua dans le Mental, Muette, frémissante, une extase de lumière,

La délicate intensité d’un feu de rose. Tel celui qui, ramené vers son vrai foyer, Sent la proximité d’un amour qui l’attend, Dans un passage indistinct et tremblant Qui l’abrita du jour et de la nuit,

He travelled led by a mysterious sound. A murmur multitudinous and lone, All sounds it was in turn, yet still the same. A hidden call to unforeseen delight In the summoning voice of one long-known, well-loved, But nameless to the unremembering mind, It led to rapture back the truant heart. The immortal cry ravished the captive ear. Then, lowering its imperious mystery, It sank to a whisper circling round the soul. It seemed the yearning of a lonely flute That roamed along the shores of memory And filled the eyes with tears of longing joy. A cricket's rash and fiery single note, It marked with shrill melody night's moonless hush And beat upon a nerve of mystic sleep Its high insistent magical reveille.

Il suivit le guide d’un son mystérieux. Un murmure à la fois multiple et unique, C’était tous les sons tour à tour et pourtant le même. Un appel dérobé à un plaisir imprévu Par la voix d’un être longtemps aimé et connu, Dont le mental ne se rappelle plus le nom, Ramenait au bien-être le cœur vagabond. Le cri immortel d’abord captivait l’oreille, Puis atténuait son impérieux mystère En un chuchotement qui encerclait l’âme. C’était la prière d’une flûte solitaire Qui errait sur les rives de la mémoire, Emplissant les yeux de larmes de joie ; Ou la note ardente, persistante d’un grillon, Sa mélodie aigue dans la nuit sans lune Battant sur un nerf de sommeil mystique Sa haute diane insistante et magique ; Ou un tintement argenté d’anneaux de chevilles Dansait sur les routes d’un cœur isolé, Soulageant une solitude éternelle - Et, sanglotante, s’approchait une ancienne douceur. Ou c’étaient, perçus d’une harmonieuse distance, Les grelots d’une longue caravane qui passe, Ou bien c’était l’hymne d’une forêt vaste, Ou le rappel solennel d’un carillon de temple, Un bourdonnement d’abeilles ivres de miel Sur les îles d’été dans un midi somnolent, Ou la lointaine antienne d’une mer pèlerine. Un encens flottait dans l’air frémissant, Un bonheur mystique tremblait dans la poitrine Comme si soudain l’invisible Bien-aimé S’était revêtu d’un visage adorable

A jingling silver laugh of anklet bells Travelled the roads of a solitary heart; Its dance solaced an eternal loneliness: An old forgotten sweetness sobbing came. Or from a far harmonious distance heard The tinkling pace of a long caravan It seemed at times, or a vast forest's hymn, The solemn reminder of a temple gong, A bee-croon honey-drunk in summer isles Ardent with ecstasy in a slumbrous noon, Or the far anthem of a pilgrim sea. An incense floated in the quivering air, A mystic happiness trembled in the breast As if the invisible Beloved had come Assuming the sudden loveliness of a face

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And close glad hands could seize his fugitive feet And the world change with the beauty of a smile.

Et les mains joyeuses pouvaient saisir Ses pieds Et le monde changer par la beauté d’un sourire.

Into a wonderful bodiless realm he came, The home of a passion without name or voice, A depth he felt answering to every height, A nook was found that could embrace all worlds, A point that was the conscious knot of Space, An hour eternal in the heart of Time. The silent Soul of all the world was there: A Being lived, a Presence and a Power, A single Person who was himself and all And cherished Nature's sweet and dangerous throbs Transfigured into beats divine and pure. One who could love without return for love, Meeting and turning to the best the worst, It healed the bitter cruelties of earth, Transforming all experience to delight; Intervening in the sorrowful paths of birth It rocked the cradle of the cosmic Child And stilled all weeping with its hand of joy; It led things evil towards their secret good, It turned racked falsehood into happy truth; Its power was to reveal divinity. Infinite, coeval with the mind of God, It bore within itself a seed, a flame, A seed from which the Eternal is new-born, A flame that cancels death in mortal things. All grew to all kindred and self and near; The intimacy of God was everywhere, No veil was felt, no brute barrier inert, Distance could not divide, Time could not change.

En un merveilleux domaine sans corps il parvint, La demeure d’une passion sans nom et sans voix, Dont la profondeur égalait toutes les cimes, Un lieu qui pouvait embrasser tous les mondes, Un point qui était le nœud conscient de l’Espace, Une heure éternelle dans le cœur du Temps. L’Ame silencieuse du monde était là : Un Etre vivait, une Présence et un Pouvoir, Une Personne qui était lui-même et chaque autre Et chérissait toutes les pulsations naturelles Transfigurées en battements purs et divins. Quelqu’Un qui pouvait aimer sans retour pour l’amour, Rencontrant le pire pour en faire le meilleur, Guérissait les amères cruautés de la terre, Transformant toute l’expérience en félicité ; Intervenant dans les chemins de la naissance Cela berçait l’Enfant de l’univers Et apaisait les pleurs de sa main de joie, Menait les choses mauvaises vers leur bien secret Et le mensonge torturé au bonheur du vrai ; Son pouvoir était de révéler le divin. Infini, aussi ancien que le mental de Dieu, Cela portait une semence, une flamme, Une semence dont renaît l’Eternel, Un feu qui annule la mort dans l’être mortel. Tous devenaient proches et parents les uns des autres ; L’intimité de Dieu était partout,

Il n’y avait plus de voile, ni de barrière inerte, La distance ni le temps ne pouvaient diviser.

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A fire of passion burned in spirit-depths, A constant touch of sweetness linked all hearts, The throb of one adoration's single bliss In a rapt ether of undying love. An inner happiness abode in all, A sense of universal harmonies, A measureless secure eternity Of truth and beauty and good and joy made one. Here was the welling core of finite life; A formless spirit became the soul of form. All there was soul or made of sheer soul-stuff; A sky of soul covered a deep soul-ground. All here was known by a spiritual sense: Thought was not there but a knowledge near and one The touch of consciousness on consciousness And being's look on being with inmost gaze And heart laid bare to heart without walls of speech And the unanimity of seeing minds In myriad forms luminous with the one God. Life was not there, but an impassioned force, Finer than fineness, deeper than the deeps, Felt as a subtle and spiritual power, A quivering out from soul to answering soul, Seized on all things by a moved identity, A sympathy of self with other selves,

Une flamme intense brûlait au fond de tout, Une constante douceur liait tous les cœurs, Le souffle bienheureux d’une même adoration Dans le vibrant éther d’un amour impérissable. Un bonheur intérieur demeurait en tous, Un sens en chacun de l’harmonie des univers, Une éternité sûre, incommensurable, De vérité, de beauté, de bien et de joie. Ici était le centre même de l’existence ; L’esprit sans forme devenait l’âme de la forme. Là, tout était d’âme ou fait d’un matériau d’âme ; Un ciel d’âme couvrait un profond terrain d’âme. Tout y était connu par un sens spirituel : Sans la pensée, une connaissance une et directe Se saisissait de tout par vibrante identité, Une sympathie de chaque être avec les autres, Le toucher de la conscience sur la conscience, Le regard le plus intérieur de l’être sur l’être, Le cœur ouvert au cœur sans les murs du langage Et l’unanimité d’esprits voyants En des myriades de formes de l’Un. La vie n’était pas là, mais une force intense, Plus fine que finesse, plus profonde que l’abîme, Ressentie comme un pouvoir spirituel et subtil, Un frémissement de réponse mutuelle, Un mouvement mystique, une influence intime, Une approche libre et heureuse et ardente De l’être à l’être, transparente et entière, Sans quoi la vie ni l’amour ne pourraient exister. Le corps n’était pas là, il n’était pas nécessaire, L’âme était sa propre forme sans mort

A mystic movement, a close influence, A free and happy and intense approach Of being to being with no screen or check,

Without which life and love could never have been. Body was not there, for bodies were needed not, The soul itself was its own deathless form

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And met at once the touch of other souls Close, blissful, concrete, wonderfully true.

Et rencontrait le toucher d’autres âmes, Bienheureux, concret, merveilleusement vrai.

As when one walks in sleep through luminous dreams And, conscious, knows the truth their figures mean, Here where reality was its own dream, He knew things by their soul and not their shape: As those who have lived long made one in love Need word nor sign for heart's reply to heart, He met and communed without bar of speech With beings unveiled by a material frame. There was a strange spiritual scenery, A loveliness of lakes and streams and hills, A flow, a fixity in a soul-space, And plains and valleys, stretches of soul-joy, And gardens that were flower-tracts of the spirit, Its meditations of tinged reverie. Air was the breath of a pure infinite. A fragrance wandered in a coloured haze As if the scent and hue of all sweet flowers Had mingled to copy heaven's atmosphere. Appealing to the soul and not the eye Beauty lived there at home in her own house,

Comme, endormi, l’on parcourt des songes lumineux Et reconnaît la vérité que leurs formes signent, Ici où le réel était son propre songe, Il reconnaissait les âmes, sans le besoin des formes : Comme ceux qui ont longtemps vécu unis d’amour Livrent leur cœur sans le besoin de mots ni de gestes, Il pouvait communier sans l’écart du langage Avec des êtres que ne voilait pas la matière. Il y avait d’étranges paysages d’esprit, Un charme de lacs, de ruisseaux et de collines, Un flot, une fixité dans un espace d’âme, Et des plaines, des vallées, des étendues de joie, Et des jardins et des champs des fleurs de l’esprit, Ses méditations et rêveries de couleur. L’air était le souffle d’un pur infini. Dans une brume irisée flottait une senteur Comme si les parfums de toutes les fleurs S’étaient mêlés pour reproduire le paradis. Attrayante pour l’âme et non pour les yeux, La Beauté vivait là dans sa propre demeure, Tout y était beau de son propre droit, Sans le besoin de la splendeur d’une robe. Tous les objets étaient des corps pour les Dieux,

There all was beautiful by its own right And needed not the splendour of a robe. All objects were like bodies of the Gods, A spirit symbol environing a soul, For world and self were one reality.

Un symbole d’esprit environnant une âme, Car l’être et le monde étaient une réalité.

Immersed in voiceless internatal trance The beings that once wore forms on earth sat there In shining chambers of spiritual sleep.

Immergés dans une transe internatale, les êtres Qui portèrent des formes sur terre, demeuraient là, En des chambres radiantes de sommeil spirituel.

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Passed were the pillar-posts of birth and death, Passed was their little scene of symbol deeds, Passed were the heavens and hells of their long road; They had returned into the world's deep soul. All now was gathered into pregnant rest: Person and nature suffered a slumber change. In trance they gathered back their bygone selves, In a background memory's foreseeing muse Prophetic of new personality Arranged the map of their coming destiny's course: Heirs of their past, their future's discoverers, Electors of their own self-chosen lot, They waited for the adventure of new life. A Person persistent through the lapse of worlds, Although the same for ever in many shapes By the outward mind unrecognisable, Assuming names unknown in unknown climes Imprints through Time upon the earth's worn page A growing figure of its secret self, And learns by experience what the spirit knew, Till it can see its truth alive and God. Once more they must face the problem-game of birth, The soul's experiment of joy and grief And thought and impulse lighting the blind act, And venture on the roads of circumstance, Through inner movements and external scenes Travelling to self across the forms of things.

Franchies, les bornes de la naissance et de la mort, Franchie, leur petite scène d’actes symboliques, Franchis, les cieux et les enfers de leur longue route, Ils s’en étaient retournés dans l’âme du monde. Tout était maintenant rassemblé dans le repos : L’être et la nature y subissaient un changement. Dans la transe ils réunissaient leurs soi passés Et, de leur mémoire, en une calme clairvoyance Prophétique de nouvelles personnalités, Préparaient la carte du cours de leur destinée : D’eux-mêmes les héritiers et les découvreurs, Electeurs de leur propre lot librement choisi, Ils attendaient l’aventure d’une autre existence. Une Personne qui persiste à travers les mondes, Méconnaissable pour le mental extérieur Bien que la même à jamais dans beaucoup de formes, Prenant des noms inconnus d’une contrée à l’autre, Imprime dans le Temps sur la page de la terre Une figure croissante de son soi secret, Et apprend par l’expérience ce que l’esprit sait, Jusqu’à trouver Dieu, et sa propre vérité. A nouveau ils affrontent le jeu de la naissance, L’épreuve que fait l’âme de la joie, de la peine, De la pensée et de l’impulsion à l’acte aveugle, Et se risquent sur les routes de la circonstance, Par mouvements intérieurs et scènes externes Voyageant au soi véritable à travers les formes. Il était parvenu au coeur de la création. L’esprit qui vagabonde d’un état à un autre Trouve ici le silence de son point de départ Dans la force sans forme et la calme permanence

Into creation's centre he had come. The spirit wandering from state to state Finds here the silence of its starting-point In the formless force and the still fixity

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And brooding passion of the world of Soul. All that is made and once again unmade, The calm persistent vision of the One Inevitably re-makes, it lives anew: Forces and lives and beings and ideas Are taken into the stillness for a while; There they remould their purpose and their drift, Recast their nature and re-form their shape. Ever they change and changing ever grow, And passing through a fruitful stage of death And after long reconstituting sleep Resume their place in the process of the Gods Until their work in cosmic Time is done. Here was the fashioning chamber of the worlds. An interval was left twixt act and act, Twixt birth and birth, twixt dream and waking dream, A pause that gave new strength to do and be. Beyond were regions of delight and peace, Mute birthplaces of light and hope and love, And cradles of heavenly rapture and repose. In a slumber of the voices of the world He of the eternal moment grew aware; His knowledge stripped bare of the garbs of sense Knew by identity without thought or word; His being saw itself without its veils, Life's line fell from the spirit's infinity. Along a road of pure interior light, Alone between tremendous Presences, Under the watching eyes of nameless Gods, His soul passed on, a single conscious power, Towards the end which ever begins again,

Et la tranquille passion du monde de l’Ame. Tout ce qui est fait et défait encore et encore,

La sereine vision persistante de l’Un Inévitablement refait et rend à la vie :

Les forces, les existences, les êtres, les idées Sont pris dans le silence pour un temps ; Là, ils rénovent leur dessein et leur direction, Refondent leur nature, reforment leur apparence. Toujours ils changent, grandissant par le changement, Et, après une fructueuse étape de mort Et le repos d’un long sommeil reconstituant, Reprennent leur place dans la progression des Dieux Jusqu’à ce que leur tâche ici-bas soit accomplie. Là, était la chambre où se façonnent les mondes. Un intervalle était laissé entre deux actes, Entre naissance et naissance, entre un songe et un autre, Une pause qui donnait une force nouvelle. Au-delà s’étendaient des régions de joie paisible,

Sources de lumière et d’espoir et d’amour, Et berceaux d’extase et de céleste repos.

Dans un apaisement des voix du monde Il devint conscient du moment éternel ;

Sa connaissance, dépouillée des habits sensuels, Savait par identité, sans pensées et sans mots ; Son être se voyait soi-même sans ses voiles, La vie, à l’infinité de l’esprit, s’était tue. Sur une route de pure lumière intérieure, Seul entre de formidables Présences, Sous les yeux attentifs de Déités sans nom, Son âme s’en fut, un unique pouvoir conscient, Vers la fin qui toujours et encore recommence,

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Approaching through a stillness dumb and calm To the source of all things human and divine. There he beheld in their mighty union's poise The figure of the deathless Two-in-One, A single being in two bodies clasped, A diarchy of two united souls, Seated absorbed in deep creative joy; Their trance of bliss sustained the mobile world. Behind them in a morning dusk One stood Who brought them forth from the Unknowable. Ever disguised she awaits the seeking spirit; Watcher on the supreme unreachable peaks, Guide of the traveller of the unseen paths, She guards the austere approach to the Alone. At the beginning of each far-spread plane Pervading with her power the cosmic suns She reigns, inspirer of its multiple works And thinker of the symbol of its scene. Above them all she stands supporting all, The sole omnipotent Goddess ever-veiled Of whom the world is the inscrutable mask; The ages are the footfalls of her tread, Their happenings the figure of her thoughts, And all creation is her endless act. His spirit was made a vessel of her force; Mute in the fathomless passion of his will He outstretched to her his folded hands of prayer. Then in a sovereign answer to his heart A gesture came as of worlds thrown away, And from her raiment's lustrous mystery raised One arm half-parted the eternal veil.

Dans un calme muet s’approchant de la source De toutes les choses humaines et divines. Là il vit, dans la pose de leur union sublime, La figure impérissable des Deux-Qui-Sont-Un, Un seul être puissant en deux corps étreints, Une diarchie de deux âmes unies, Absorbées dans une profonde joie créative ; Leur transe ainsi soutenait le monde mobile. Derrière eux dans un jeune matin se tenait Celle Qui depuis l’Inconnaissable les enfanta. Toujours déguisée, Elle attend l’esprit pèlerin ; Vigile sur les cimes suprêmes, inaccessibles, Guide du voyageur sur les chemins invisibles, Elle garde la voie austère qui mène au Seul. Au commencement de chaque plan déployé Animant de sa puissance les astres cosmiques Elle règne, inspiratrice des œuvres multiples Et intelligence du symbole de la scène. Au-dessus d’eux tous Elle les supporte tous, La Déesse omnipotente et seule, toujours voilée, De Qui le monde est le masque inscrutable ; Les âges marquent les pas de Sa marche, Leurs évènements sont les formes de Ses pensées, Et toute la création est Son acte infini. Son esprit fut changé en un vaisseau de Sa force ; Muet dans l’insondable passion de son vouloir Il tendit vers Elle ses mains jointes de prière. Alors, une réponse souveraine à son cœur, Un geste vint comme de mondes écartés, Et, se levant du mystère lustré de Sa robe, Un bras entrouvrit le voile éternel.

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A light appeared still and imperishable. Attracted to the large and luminous depths Of the ravishing enigma of her eyes, He saw the mystic outline of a face. Overwhelmed by her implacable light and bliss, An atom of her illimitable self Mastered by the honey and lightning of her power, Tossed towards the shores of her ocean-ecstasy, Drunk with a deep golden spiritual wine, He cast from the rent stillness of his soul A cry of adoration and desire And the surrender of his boundless mind And the self-giving of his silent heart. He fell down at her feet unconscious, prone.

Une lumière apparut, tranquille, impérissable. Attiré aux larges profondeurs irradiantes De l’énigme ravissante de Ses yeux, Il vit le contour mystique d’un visage. Submergé par Sa béatitude implacable, Un atome de Son être illimitable Maîtrisé par le miel et l’éclair de Sa puissance, Emporté vers les rivages de Son extase, Ivre de l’or profond d’un vin spirituel, Il jeta, du silence déchiré de son âme,

Un cri d’adoration et de désir Et le don de son mental libéré

Et l’offrande entière de son cœur muet. Il tomba à Ses pieds, inconscient, prostré.

Fin du Chant Quatorze

End of Canto Fourteen

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