Savitri-Book One-Canto 4

B OOK O NE – C ANTO 4 – T HE S ECRET K NOWLEDGE L IVRE U N – C HANTE 4 – L A C ONNAISSANCE S ECRETE

SAVITRI S RI A UROBINDO

French translation by: Divakar Jeanson www.divakar-publications.com

BOOK ONE - The Book of Beginnings

LIVRE UN – Le Livre des Commencements

Canto Four - The Secret Knowledge

Chant Quatre – La Connaissance Secrète

On a height he stood that looked towards greater heights. Our early approaches to the Infinite Are sunrise splendours on a marvellous verge While lingers yet unseen the glorious sun. What now we see is a shadow of what must come. The earth's uplook to a remote Unknown Is a preface only of the epic climb Of human soul from its flat earthly state To the discovery of a greater self And the far gleam of an eternal Light. This world is a beginning and a base Where Life and Mind erect their structured dreams; An unborn Power must build reality. A deathbound littleness is not all we are: Immortal our forgotten vastnesses Await discovery in our summit selves; Unmeasured breadths and depths of being are ours. Akin to the ineffable Secrecy, Mystic, eternal in unrealised Time, Neighbours of Heaven are Nature's altitudes. To these high-peaked dominions sealed to our search,

Devant lui s’élevaient de plus grandes hauteurs. Nos premières approches de l’Infini Sont les splendeurs d’une aurore merveilleuse Quand s’attarde encore invisible l’astre glorieux. Ce que nous voyons est une ombre de l’avenir. Le regard levé de la terre vers l’Inconnu N’est qu’une préface à l’épopée de l’âme S’élevant de son état terrestre ordinaire A la découverte d’un soi plus grand Et l’éclat distant d’une Lumière éternelle. Ce monde est un commencement et une base Où la Vie et le Mental érigent leurs songes ; Un Pouvoir doit naître qui construira le réel. Attendent la découverte aux sommets de nos êtres ; Des profondeurs sont nôtres, des largeurs immesurées. Apparentées à l’ineffable Secret, mystiques, Eternelles dans le Temps irréalisé, Voisines du Ciel sont les cimes de la Nature. Vers ces hauts domaines scellés à notre quête, Trop distants des routes postales de notre terre Et trop altiers pour le souffle de nos vies brèves, Profonde en nous se tend une ancienne affinité Et une voix étouffée d’extase et de prière Appelle ces lumineuses immensités. Cette petitesse mortelle n’est pas tout : Impérissables, nos vastitudes oubliées

Too far from surface Nature's postal routes, Too lofty for our mortal lives to breathe, Deep in us a forgotten kinship points And a faint voice of ecstasy and prayer Calls to those lucent lost immensities.

Even when we fail to look into our souls

Quand même nous manquons de regarder en nos âmes

Or lie embedded in earthly consciousness Still have we parts that grow towards the light, Yet are there luminous tracts and heavens serene And Eldorados of splendour and ecstasy And temples to the godhead none can see. A shapeless memory lingers in us still And sometimes, when our sight is turned within, Earth's ignorant veil is lifted from our eyes; There is a short miraculous escape. This narrow fringe of clamped experience We leave behind meted to us as life, Our little walks, our insufficient reach. Our souls can visit in great lonely hours Still regions of imperishable Light, All-seeing eagle-peaks of silent Power And moon-flame oceans of swift fathomless Bliss And calm immensities of spirit space. In the unfolding process of the Self Sometimes the inexpressible Mystery Elects a human vessel of descent. A breath comes down from a supernal air, A Presence is born, a guiding Light awakes, A stillness falls upon the instruments: Fixed, motionless like a marble monument, Stone-calm, the body is a pedestal Supporting a figure of eternal Peace. Or a revealing Force sweeps blazing in; Out of some vast superior continent Knowledge breaks through trailing its radiant seas, And Nature trembles with the power, the flame. A greater Personality sometimes

Ou gisons enclavés dans la conscience terrestre, Des parts de nous-mêmes croissent pourtant vers le jour, Il y a pourtant des champs lumineux et sereins, Et des Eldorados de splendeur et d’extase, Des temples à la déité que nul ne peut voir. Une mémoire informe subsiste encore en nous Et si, parfois, notre vue se tourne au-dedans, Le voile ignorant de la Terre se retire ; Il y a une brève, miraculeuse évasion. Cette étroite frange d’expérience bridée Nous laissons, qui nous est impartie comme vie, Nos petits parcours, notre médiocre portée. Nos âmes peuvent, en de grandes heures solitaires, Visiter des régions de Lumière impérissable, Des pics d’aigle omnivoyants de Pouvoir silencieux, Des océans de lune d’un Bonheur insondable, De calmes immensités d’un espace d’esprit.

Dans le processus de déploiement du Soi L’inexprimable Mystère quelquefois Elit un vaisseau humain de descente. Un souffle vient ici-bas d’un air supérieur, Une Présence naît, un guide s’éveille, Une immobilité saisit les instruments : Le corps, figé comme un monument de marbre Et calme comme la pierre, est un piédestal Supportant une figure de Paix éternelle. Ou bien une Force se rue flamboyante ; De quelque vaste continent au-dessus Jaillit la Connaissance et sa traîne radiante, Et la Nature tremble du pouvoir et du feu. Une plus grande Personnalité parfois

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Possesses us which yet we know is ours: Or we adore the Master of our souls. Then the small bodily ego thins and falls; No more insisting on its separate self, Losing the punctilio of its separate birth, It leaves us one with Nature and with God. In moments when the inner lamps are lit And the life's cherished guests are left outside, Our spirit sits alone and speaks to its gulfs. A wider consciousness opens then its doors; Invading from spiritual silences A ray of the timeless Glory stoops awhile To commune with our seized illumined clay And leaves its huge white stamp upon our lives. In the oblivious field of mortal mind, Revealed to the closed prophet eyes of trance Or in some deep internal solitude Witnessed by a strange immaterial sense, The signals of eternity appear. The truth mind could not know unveils its face, We hear what mortal ears have never heard, We feel what earthly sense has never felt, We love what common hearts repel and dread; Our minds hush to a bright Omniscient; A Voice calls from the chambers of the soul; We meet the ecstasy of the Godhead's touch In golden privacies of immortal fire. These signs are native to a larger self That lives within us by ourselves unseen; Only sometimes a holier influence comes, A tide of mightier surgings bears our lives

Nous possède, que nous savons pourtant nôtre : Ou bien nous adorons le Maître de nos âmes.

Alors succombe le petit ego corporel ; Cessant d’insister sur son soi séparé,

Perdant l’étiquette de sa naissance distincte, Il nous laisse nous unir au monde et à Dieu. Lorsque les lampes intérieures sont allumées Et les hôtes chéris de la vie restent dehors, Notre esprit se tient seul et parle à ses abîmes. Une conscience plus large alors ouvre ses portes ; Nous pénétrant depuis les silences d’en-haut, Un rai de la Gloire se penche un moment Pour communier avec notre argile saisie Et laisse sur nos vies son énorme empreinte blanche. Dans le champ oublieux du mental mortel, Révélés aux yeux clos d’une transe prophétique, Ou bien dans une solitude interne profonde Observés par un étrange sens immatériel, Apparaissent les signaux de l’éternité. L’inaccessible vérité dévoile sa face, Nous entendons ce que nul jamais n’entendit, Sentons ce que le sens humain jamais ne sentit, Aimons ce que craignent des cœurs ordinaires ; Notre mental se tait devant l’Omniscient, Une Voix appelle depuis les chambres de l’âme ; Nous rencontrons l’extase au toucher du Divin Dans les retraites d’or d’une flamme immortelle. Ces signes sont naturels à un soi plus vaste Qui vit au-dedans de nous, bien qu’invisible ; Parfois nous vient une influence plus sacrée, Une marée plus puissante emporte nos vies,

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And a diviner Presence moves the soul; Or through the earthly coverings something breaks, A grace and beauty of spiritual light, The murmuring tongue of a celestial fire. Ourself and a high stranger whom we feel, It is and acts unseen as if it were not; It follows the line of sempiternal birth, Yet seems to perish with its mortal frame. Assured of the Apocalypse to be, It reckons not the moments and the hours; Great, patient, calm it sees the centuries pass, Awaiting the slow miracle of our change In the sure deliberate process of world-force And the long march of all-revealing Time. An unwalled wideness and a fathomless point, The truth of all these cryptic shows in Space, The Real towards which our strivings move, The secret grandiose meaning of our lives. A treasure of honey in the combs of God, A Splendour burning in a tenebrous cloak, It is our glory of the flame of God, Our golden fountain of the world's delight, An immortality cowled in the cape of death, The shape of our unborn divinity. It guards for us our fate in depths within Where sleeps the eternal seed of transient things. Always we bear in us a magic key It is the origin and the master-clue, A silence overhead, an inner voice, A living image seated in the heart,

Une Présence plus divine anime notre âme ; Ou quelque chose perce l’enveloppe terrestre, Une grâce et beauté de lumière spirituelle, La langue murmurante d’un feu céleste. Nous-même et un noble étranger que nous sentons, Est cela, et pourtant agit invisible, - Qui suit la ligne de naissance sempiternelle, Pourtant semble périr avec sa forme mortelle. Assuré de l’Apocalypse à venir, Cela ne compte ni les moments ni les heures ; Grand, patient, calme, cela voit les siècles passer, Attendant le miracle de notre changement Dans le sûr processus de la force du monde Et la longue marche révélatrice du Temps. Cela est l’origine et le maître indice, Un silence au-dessus, une voix intérieure, Une image vivante sise dans le cœur, Une ampleur sans murs et un point insondable, La clé de tous ces drames cryptiques dans l’Espace, Le Réel vers quoi tendent tous nos efforts, Le sens grandiose et secret de nos vies. Un trésor de miel dans les ruches de Dieu, Une Splendeur brûlant dans un manteau de ténèbre, Cela est notre gloire de la flamme de Dieu, Notre fontaine d’or du délice du monde, Une immortalité sous la cape de la mort, La forme de notre future divinité. Cela garde notre destin en des profondeurs Où dort la graine éternelle des choses qui passent. Nous portons en nous toujours une clé magique Dissimulée dans la gaine scellée de la vie. Un Témoin enflammé dans le sanctuaire

Concealed in life's hermetic envelope. A burning Witness in the sanctuary

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Regards through Time and the blind walls of Form; A timeless Light is in his hidden eyes; He sees the secret things no words can speak And knows the goal of the unconscious world And the heart of the mystery of the journeying years. But all is screened, subliminal, mystical; It needs the intuitive heart, the inward turn, It needs the power of a spiritual gaze. Else to our waking mind's small moment look A goalless voyage seems our dubious course Some Chance has settled or hazarded some Will, Or a Necessity without aim or cause Unwillingly compelled to emerge and be. In this dense field where nothing is plain or sure, Our very being seems to us questionable, Our life a vague experiment, the soul A flickering light in a strange ignorant world, The earth a brute mechanic accident, A net of death in which by chance we live. All we have learned appears a doubtful guess, The achievement done a passage or a phase Whose farther end is hidden from our sight, A chance happening or a fortuitous fate. Out of the unknown we move to the unknown. Ever surround our brief existence here Grey shadows of unanswered questionings; The dark Inconscient's signless mysteries Stand up unsolved behind Fate's starting-line. An aspiration in the Night's profound, Seed of a perishing body and half-lit mind, Uplifts its lonely tongue of conscious fire

Regarde à travers le Temps et les murs de la Forme ; Une Lumière intemporelle dans ses yeux Voit les choses secrètes qu’aucun mot ne peut dire Et connaît le but du monde inconscient Et le cœur du périple mystérieux des années. Mais tout est dérobé, subliminal, mystique ; Il faut le cœur intuitif, l’élan intérieur, Il faut le pouvoir d’un regard spirituel. Sinon, pour notre vision mentale instantanée, Dénuée de but semble notre course douteuse, Fixée par la Chance ou par quelque Volonté Ou, par une Nécessité sans objet ni cause, Contrainte malgré elle d’émerger et de vivre. Dans ce champ dense où rien n’est simple ni sûr, Notre être même nous semble contestable, Notre vie une vague expérience, l’âme Une lueur vacillante dans un monde ignorant, La terre un accident matériel mécanique, Un filet de mort où par hasard nous vivons. Tout ce que nous avons appris semble incertain, Ce qui est accompli un passage ou une phase Dont l’issue ultérieure est cachée de notre vue, Un évènement casuel ou un destin fortuit. Venus de l’inconnu nous allons à l’inconnu. Toujours entourent ici notre brève existence Les ombres grises de questionnements sans réponse ; Les mystères sans signes de l’obscur Inconscient Restent en arrière, oubliés par le Destin. Une aspiration dans le profond de la Nuit, Issue d’un corps périssable et d’un mental aveugle, Darde sa langue solitaire de feu conscient

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Towards an undying Light for ever lost; Only it hears, sole echo of its call, The dim reply in man's unknowing heart And meets, not understanding why it came Or for what reason is the suffering here, God's sanction to the paradox of life And the riddle of the Immortal's birth in Time. Along a path of aeons serpentine In the coiled blackness of her nescient course The Earth-Goddess toils across the sands of Time. A Being is in her whom she hopes to know, A Word speaks to her heart she cannot hear, A Fate compels whose form she cannot see. In her unconscious orbit through the Void Out of her mindless depths she strives to rise, A perilous life her gain, a struggling joy; A Thought that can conceive but hardly knows Arises slowly in her and creates The idea, the speech that labels more than it lights; A trembling gladness that is less than bliss Invades from all this beauty that must die. Alarmed by the sorrow dragging at her feet And conscious of the high things not yet won, Ever she nurses in her sleepless breast An inward urge that takes from her rest and peace. Ignorant and weary and invincible, She seeks through the soul's war and quivering pain The pure perfection her marred nature needs, A breath of Godhead on her stone and mire. A faith she craves that can survive defeat, The sweetness of a love that knows not death,

Vers une Lumière sans mort à jamais perdue ; Elle entend seulement, en écho de son appel, Le faible répons dans le cœur humain ignorant Et rencontre seulement, sans comprendre pourquoi Ni pour quelle raison existe ici la souffrance, La sanction de Dieu au paradoxe de la vie Et l’énigme de l’Immortel né dans le Temps. Le long du chemin des éons, serpentine Dans la noirceur enroulée de sa course nesciente, La Déesse peine sur les sables du Temps. Un Etre est en elle qu’elle espère connaître, Un Verbe parle à son cœur qu’elle ne peut entendre, Un Destin contraint dont elle ne peut voir la forme. Dans son orbite inconsciente à travers le Vide De ses fonds ignorants elle s’efforce de surgir, Un constant péril son gain, une joie laborieuse ; Une Pensée qui peut concevoir mais demeure Ignorante, s’élève alors en elle et crée l’idée, Le langage qui désigne plus qu’il n’éclaire ; Une gaieté tremblante, qui est moins que le bonheur, L’envahit, de toute la beauté qui doit périr. Alarmée par la détresse qui retient ses pas Et consciente de tout ce qu’il lui faut acquérir, Elle nourrit sans cesse dans sa poitrine anxieuse Un besoin qui lui ôte le repos et la paix. Ignorante et lasse et invincible elle cherche A travers la guerre, l’angoisse et la douleur de l’âme La perfection qui manque à sa nature troublée, Un souffle du Divin sur sa pierre et sa fange.

Une foi elle implore qui survive à l’échec, La douceur d’un amour qui ignore la mort,

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The radiance of a truth for ever sure. A light grows in her, she assumes a voice, Her state she learns to read and the act she has done, But the one needed truth eludes her grasp, Herself and all of which she is the sign. An inarticulate whisper drives her steps Of which she feels the force but not the sense; A few rare intimations come as guides, Immense divining flashes cleave her brain, And sometimes in her hours of dream and muse The truth that she has missed looks out on her As if far off and yet within her soul. A change comes near that flees from her surmise And, ever postponed, compels attempt and hope, Yet seems too great for mortal hope to dare. A vision meets her of supernal Powers That draw her as if mighty kinsmen lost Approaching with estranged great luminous gaze. Then is she moved to all that she is not And stretches arms to what was never hers. Outstretching arms to the unconscious Void, Passionate she prays to invisible forms of Gods Soliciting from dumb Fate and toiling Time What most she needs, what most exceeds her scope, A Mind unvisited by illusion's gleams, A Will expressive of soul's deity, A Strength not forced to stumble by its speed, A Joy that drags not sorrow as its shade. For these she yearns and feels them destined hers: Heaven's privilege she claims as her own right. Just is her claim the all-witnessing Gods approve, Clear in a greater light than reason owns:

La radiance d’une vérité à jamais sûre. Une lumière grandit, elle assume une voix, Elle apprend à déchiffrer son état et son acte, Mais l’une vérité nécessaire lui échappe, Elle-même et tout ce dont elle est le signe. Un murmure inarticulé conduit ses pas Dont elle éprouve la force mais non le sens ; De rares intimations viennent comme des guides, D’immenses éclairs fendent son cerveau, Et parfois, aux heures de songe et de rêverie, Cette vérité qui lui a manqué la regarde Comme de très loin et pourtant dedans son âme. Un changement l’effleure qu’elle ne peut saisir Et, toujours différé, force l’effort et l’espoir, Pourtant semble trop grand pour être tenté. Une vision la touche de Pouvoirs supérieurs Qui l’attirent comme des parents perdus Avec leur étrange regard de lumière. Alors est-elle mue à tout ce qu’elle n’est pas Et tend les bras vers ce qui jamais ne fut sien. Ses bras ainsi tendus au Vide inconscient, Elle prie des formes invisibles des Dieux, Sollicitant du Destin et du Temps cela même Qu’il lui faut le plus, excède le plus sa portée, - Un Mental immun aux lueurs de l’illusion, Un Vouloir expressif de la déité de l’âme, Une Energie qui ne trébuche pas dans sa hâte, Une Joie qui ne traîne pas l’ombre du chagrin. Car elle sent que ces choses lui sont destinées : Au privilège du Ciel elle affirme son droit. Juste est sa demande, que les Dieux témoins approuvent, Claire en une lumière surpassant la raison :

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Our intuitions are its title-deeds; Our souls accept what our blind thoughts refuse. Earth's winged chimaeras are Truth's steeds in Heaven, The impossible God's sign of things to be. But few can look beyond the present state Or overleap this matted hedge of sense. All that transpires on earth and all beyond Are parts of an illimitable plan The One keeps in his heart and knows alone. Our outward happenings have their seed within, And even this random Fate that imitates Chance, This mass of unintelligible results, Are the dumb graph of truths that work unseen: The laws of the Unknown create the known. The events that shape the appearance of our lives Are a cipher of subliminal quiverings Which rarely we surprise or vaguely feel, Are an outcome of suppressed realities That hardly rise into material day: They are born from the spirit's sun of hidden powers Digging a tunnel through emergency. But who shall pierce into the cryptic gulf And learn what deep necessity of the soul Determined casual deed and consequence? Absorbed in a routine of daily acts, Our eyes are fixed on an external scene; We hear the crash of the wheels of Circumstance And wonder at the hidden cause of things. Yet a foreseeing Knowledge might be ours, If we could take our spirit's stand within, If we could hear the muffled daemon voice.

Nos intuitions en sont les titres légitimes ; Nos âmes acceptent ce que nos pensées refusent. Les chimères ailées de la Terre sont au Ciel Les coursiers du Vrai, le signe divin de promesse. Mais rares sont ceux qui regardent en avant Ou franchissent cette épaisse clôture des sens. Tout ce qui transpire ici-bas et tout au-delà, Sont des éléments d’un plan illimitable Que l’Un garde dans son cœur et seul connaît. Nos circonstances ont leur semence au-dedans, Et même ce Destin qui imite la Chance, Cette masse de résultats inintelligibles, Sont l’obscure graphie d’une action invisible : Les lois de l’Inconnu créent le connu. Les évènements qui donnent forme à nos vies Sont un code de vibrations subliminales Que rarement nous surprenons ou sentons à peine, Sont une issue pour des réalités réprimées Qui ne peuvent s’élever dans le jour matériel : Nées du soleil des pouvoirs cachés de l’esprit, Elles creusent un tunnel à travers l’occurrence. Mais qui osera pénétrer le gouffre cryptique Et apprendre quelle nécessité de l’âme Détermina le fait fortuit et la conséquence ? Absorbés dans la routine du quotidien, Nos yeux sont fixés sur une scène externe ; Nous entendons le fracas des roues et spéculons Sur la cause secrète des choses. Et pourtant Une Connaissance prévoyante serait nôtre, Si nous prenions la position de notre esprit, Si nous écoutions la voix daemone assourdie.

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Too seldom is the shadow of what must come Cast in an instant on the secret sense Which feels the shock of the invisible, And seldom in the few who answer give The mighty process of the cosmic Will Communicates its image to our sight, Identifying the world's mind with ours. Our range is fixed within the crowded arc Of what we observe and touch and thought can guess And rarely dawns the light of the Unknown Waking in us the prophet and the seer. The outward and the immediate are our field, The dead past is our background and support; Mind keeps the soul prisoner, we are slaves to our acts; We cannot free our gaze to reach wisdom's sun. Inheritor of the brief animal mind, Man, still a child in Nature's mighty hands, In the succession of the moments lives; To a changing present is his narrow right; His memory stares back at a phantom past, The future flees before him as he moves; He sees imagined garments, not a face. Armed with a limited precarious strength, He saves his fruits of work from adverse chance. A struggling ignorance is his wisdom's mate: He waits to see the consequence of his acts, He waits to weigh the certitude of his thoughts, He knows not what he shall achieve or when; He knows not whether at last he shall survive, Or end like the mastodon and the sloth And perish from the earth where he was king. He is ignorant of the meaning of his life,

Trop rarement est l’ombre de ce qui doit venir Projetée un instant sur le sens intérieur Qui éprouve le choc de ce qui est invisible, Et trop rarement, en ceux-là qui donnent réponse Le puissant procédé de la Volonté cosmique Communique son image à notre vue, Identifiant notre mental à celui du monde. Notre portée est fixée dans l’arc bondé De ce que nous observons, touchons et devinons, Et rarement se lève le jour de l’Inconnu Eveillant en nous le prophète et le voyant. L’extérieur et l’immédiat sont notre champ, Le passé mort est notre arrière-plan et support ; Esclaves de nos actes, notre âme prise en otage, Notre regard ne peut atteindre la vraie sagesse. Héritier du brusque mental animal, l’homme, Encore un enfant dans les mains de la Nature, Existe dans la succession des instants ; Il n’a de droit qu’à un présent fluctuant ; Sa mémoire ne trouve qu’un passé fantôme Et l’avenir fuit devant lui comme il avance ; Il voit un habit imaginaire, non un visage. Armé d’une énergie précaire et limitée, Il sauve de l’adversité les fruits de son oeuvre. Un effort ignorant accompagne son savoir : Il attend de voir la conséquence de ses actes Et de peser la certitude de ses pensées, Il ne sait ce qu’il accomplira, ni quand ; Il ne sait si finalement il survivra, Ou, comme le mastodonte et le paresseux, Périra da la terre où il fut roi. Il est ignorant du sens de son existence,

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He is ignorant of his high and splendid fate.

Ignorant de sa haute et splendide destinée.

Only the Immortals on their deathless heights Dwelling beyond the walls of Time and Space, Masters of living, free from the bonds of Thought, Who are overseers of Fate and Chance and Will And experts of the theorem of world-need, Can see the Idea, the Might that change Time's course, Come maned with light from undiscovered worlds, Hear, while the world toils on with its deep blind heart, The galloping hooves of the unforeseen event, Bearing the superhuman Rider, near And, impassive to earth's din and startled cry, Return to the silence of the hills of God; As lightning leaps, as thunder sweeps, they pass And leave their mark on the trampled breast of Life. Above the world the world-creators stand, In the phenomenon see its mystic source. These heed not the deceiving outward play, They turn not to the moment's busy tramp, But listen with the still patience of the Unborn For the slow footsteps of far Destiny Approaching through huge distances of Time, Unmarked by the eye that sees effect and cause, Unheard mid the clamour of the human plane.

Seuls les Immortels sur leurs cimes pérennes Par-delà les murailles de l’Espace et du Temps, - Maîtres de l’existence, libres de la Pensée, Contrôleurs du Sort, du Hasard, de la Volonté, Experts du théorème du besoin du monde,- peuvent Voir l’Idée puissante qui change le cours du Temps Se ruer crinière en feu de régions inconnues, Et entendre, alors que peine le cœur du monde, Les troupes de l’imprévu s’approcher, Portant au galop le Cavalier surhumain, Et, insensibles à la frayeur de la terre, Retourner au silence des collines de Dieu ; Comme bondit l’éclair et roule le tonnerre, Elles laissent leur marque sur le sein de la Vie. Au-dessus du monde se tiennent ses créateurs ; Dans le phénomène ils voient sa source mystique. Sans se soucier du jeu extérieur qui trompe Ni se joindre à l’affluence affairée du moment, Ils attendent, avec la patience du Sans Naissance, D’entendre les pas de la lointaine Destinée S’avancer par d’énormes distances de Temps, A l’insu de l’œil qui voit l’effet et la cause, Inaudible dans la clameur du plan humain. Des voix porteuses d’une signifiance insondable, Des grondements qui sourdent du sommeil matériel. Ils saisissent, par l’écoute profonde du cœur, Les murmures ignorés par la Vie, une langue De prophétie dans la transe de la Pensée. Attentifs à une Vérité occulte, ils captent Un son comme d’invisibles ailes d’augure,

Attentive to an unseen Truth they seize A sound as of invisible augur wings, Voices of an unplumbed significance,

Mutterings that brood in the core of Matter's sleep. In the heart's profound audition they can catch The murmurs lost by Life's uncaring ear, A prophet-speech in Thought's omniscient trance.

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Above the illusion of the hopes that pass, Behind the appearance and the overt act, Behind this clock-work Chance and vague surmise, Amid the wrestle of force, the trampling feet, Across the cries of anguish and of joy, Across the triumph, fighting and despair, They watch the Bliss for which earth's heart has cried On the long road which cannot see its end Winding undetected through the sceptic days And to meet it guide the unheedful moving world. Thus will the masked Transcendent mount his throne. When darkness deepens strangling the earth's breast And man's corporeal mind is the only lamp, As a thief's in the night shall be the covert tread Of one who steps unseen into his house. A Voice ill-heard shall speak, the soul obey, A Power into mind's inner chamber steal, A charm and sweetness open life's closed doors

Au-dessus de l’illusion des espoirs passagers, Derrière l’apparence et l’acte visible Et l’horlogerie du Hasard et la conjecture, Parmi les tournois de force et les piétinements, A travers les plaintes d’angoisse et les cris de joie, Le triomphe, le combat et la détresse, ils attendent La Félicité qu’implora le cœur de la terre Sur la longue route qui ne peut voir sa fin Sinuant imperçue entre les jours incrédules, Et guident à sa rencontre le monde mouvant. Ainsi le Transcendant masqué gravira son trône. Quand la ténèbre étranglera le sein de la terre Et le mental corporel sera l’unique lampe, Comme d’un voleur dans la nuit seront les pas De celui qui rentre inconnu dans sa demeure. Une Voix murmurera, l’âme obéira, Un Pouvoir pénétrera la chambre du mental, Une douceur ouvrira les portes de la vie Et la beauté conquerra le monde résistant, La Vérité s’emparera de la Nature, Furtivement Dieu contraindra le cœur à la joie Et la terre, sans s’y attendre, deviendra divine. Le feu de l’esprit s’allumera dans la Matière Et de corps en corps prendra la naissance sacrée ; La nuit s’éveillera à l’antienne des étoiles, Chaque jour deviendra un heureux pèlerinage, Notre volonté une force de l’Eternel, Et la pensée les rayons d’un soleil spirituel. Certains verront ce que nul ne comprend encore ; Dieu Grandira tandis que les sages parlent et dorment ; Car l’homme ne saura l’avènement qu’à son heure

And beauty conquer the resisting world, The Truth-Light capture Nature by surprise, A stealth of God compel the heart to bliss And earth grow unexpectedly divine. In Matter shall be lit the spirit's glow, In body and body kindled the sacred birth; Night shall awake to the anthem of the stars, The days become a happy pilgrim march,

Our will a force of the Eternal's power, And thought the rays of a spiritual sun. A few shall see what none yet understands; God shall grow up while the wise men talk and sleep; For man shall not know the coming till its hour

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And belief shall be not till the work is done.

Et ne croira qu’une fois l’œuvre accomplie.

A Consciousness that knows not its own truth, A vagrant hunter of misleading dawns, Between the being's dark and luminous ends Moves here in a half-light that seems the whole: An interregnum in Reality Cuts off the integral Thought, the total Power; It circles or stands in a vague interspace, Doubtful of its beginning and its close, Or runs upon a road that has no end; Far from the original Dusk, the final Flame In some huge void Inconscience it lives, Like a thought persisting in a wide emptiness. As if an unintelligible phrase Suggested a million renderings to the Mind, It lends a purport to a random world. A conjecture leaning upon doubtful proofs, A message misunderstood, a thought confused Missing its aim is all that it can speak Or a fragment of the universal word. It leaves two giant letters void of sense While without sanction turns the middle sign Carrying an enigmatic universe, As if a present without future or past Repeating the same revolution's whirl Turned on its axis in its own Inane. Thus is the meaning of creation veiled; For without context reads the cosmic page: Its signs stare at us like an unknown script, As if appeared screened by a foreign tongue Or code of splendour signs without a key

Une Conscience qui ignore sa vérité, Une chasseuse d’aubes qui la fourvoient, Se meut ici entre la nuit et le jour En une pénombre qui semble être le tout : Un interrègne dans la Réalité Tranche la Pensée intégrale, le Pouvoir entier ; Elle tourne ou se tient dans un espace incertain, Doutant de son commencement et de sa fin, Ou s’en va sur une route qui n’a pas d’issue ; Loin de l’ombre originelle, de la Flamme ultime, Elle vit dans une sorte d’énorme Inconscience, Telle une pensée qui persisterait dans le vide. Comme si une phrase inintelligible Suggérait un million de versions au Mental, Elle prête un propos à un monde incohérent. Hypothèse s’appuyant sur des preuves douteuses Ou message mal compris, - une pensée confuse Qui manque son but, voilà tout ce qu’elle peut dire, Ou un fragment de la parole universelle. Elle laisse deux lettres géantes, vides de sens, Tandis que, de lui-même, tourne le signe médian, Emportant un univers énigmatique, Comme si un présent sans avenir ni passé Répétant le circuit d’une même révolution Tournait sur son axe en sa propre inanité. Ainsi le sens de la création est-il voilé ; Car sans contexte se lit la page cosmique : Ses signes nous fixent, une écriture inconnue, Comme si, voilée par une langue étrangère Ou un code splendide sans une clé, poignait

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A portion of a parable sublime. It wears to the perishable creature's eyes The grandeur of a useless miracle; Wasting itself that it may last awhile, A river that can never find its sea,

Une portion d’une parabole sublime. Aux yeux de la créature périssable Elle revêt la grandeur d’un miracle inutile ; Se consumant pour durer un moment, Un fleuve qui ne peut trouver son océan, Elle traverse vie et mort sur un bord du Temps ; Un fanal dans la Nuit, est son acte flamboyant. C’est notre besoin profond de joindre à nouveau Ce qui est dissocié, opposé et duel, Deux sphères souveraines à jamais séparées Ou les deux pôles distants de la Nuit et du Jour. Nous devons combler la lacune qui s’est formée,

It runs through life and death on an edge of Time; A fire in the Night is its mighty action's blaze.

This is our deepest need to join once more What now is parted, opposite and twain, Remote in sovereign spheres that never meet Or fronting like far poles of Night and Day. We must fill the immense lacuna we have made, Re-wed the closed finite's lonely consonant With the open vowels of Infinity, A hyphen must connect Matter and Mind, The narrow isthmus of the ascending soul: We must renew the secret bond in things, Our hearts recall the lost divine Idea, Reconstitute the perfect word, unite The Alpha and the Omega in one sound; Then shall the Spirit and Nature be at one. Two are the ends of the mysterious plan. In the wide signless ether of the Self, In the unchanging Silence white and nude, Aloof, resplendent like gold dazzling suns Veiled by the ray no mortal eye can bear, The Spirit's bare and absolute potencies Burn in the solitude of the thoughts of God. A rapture and a radiance and a hush, Delivered from the approach of wounded hearts,

Remarier la consonne isolée du fini Aux voyelles ouvertes de l’Infinité,

Un trait d’union doit relier Matière et Pensée, L’isthme étroit que construit l’âme ascendante : Nous devons renouveler le lien dans les choses, Nos cœurs doivent rappeler la divine Idée,

Reconstituer le mot parfait et unir L’Alpha et l’Omega en un seul son ; Alors l’Esprit et la Nature seront unis.

Deux sont les extrémités du plan mystérieux. Dans l’éther immense du Soi, vierge de signes, Dans le Silence invariable, blanc et nu, Lointaines, splendides comme des astres d’or Voilés par le rai que nul ne peut supporter, Brûlent les puissances absolues de l’Esprit Dans la solitude des pensées de Dieu. Un enchantement, une radiance et un calme, Délivrées de l’approche des cœurs blessés,

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Denied to the Idea that looks at grief, Remote from the Force that cries out in its pain, In his inalienable bliss they live. Immaculate in self-knowledge and self-power, Calm they repose on the eternal Will. Only his law they count and him obey; They have no goal to reach, no aim to serve. Implacable in their timeless purity, All barter or bribe of worship they refuse; Unmoved by cry of revolt and ignorant prayer They reckon not our virtue and our sin; They bend not to the voices that implore, They hold no traffic with error and its reign; They are guardians of the silence of the Truth, They are keepers of the immutable decree. A deep surrender is their source of might, A still identity their way to know, Motionless is their action like a sleep. At peace, regarding the trouble beneath the stars, Deathless, watching the works of Death and Chance, Immobile, seeing the millenniums pass, Untouched while the long map of Fate unrolls, They look on our struggle with impartial eyes, And yet without them cosmos could not be. Impervious to desire and doom and hope, Their station of inviolable might Moveless upholds the world's enormous task, Its ignorance is by their knowledge lit, Its yearning lasts by their indifference. As the height draws the low ever to climb, As the breadths draw the small to adventure vast, Their aloofness drives man to surpass himself.

Déniées à l’Idée qui contemple le malheur, Eloignées de la Force qui crie dans sa douleur, En Sa félicité inaliénable elles vivent. Immaculées dans leur connaissance et leur pouvoir, Elles reposent sur la Volonté éternelle. Sa loi seule elles comptent, et n’obéissent qu’à Lui ; Elles n’ont ni but à atteindre, ni fin à servir. Implacables dans leur pureté intemporelle, Elles refusent tout troc ou présent de culte ; Ni le cri de révolte, ni la prière ignorante, Ni notre pêché, ni notre vertu ne les touchent ; Elles ne s’inclinent pas vers les voix qui implorent, Elles n’ont pas d’échange avec l’erreur et son règne ; Elles gardent le silence de la Vérité, Dépositaires de l’immuable décret. D’une profonde soumission est née leur puissance, L’identité est leur mode de connaissance, Immobile est leur action comme un sommeil. Paisibles, regardant le tourment sous les étoiles, Impérissables, surveillant la Mort et la Chance, Imperturbables, voyant les millénaires passer Tandis que la carte du Destin se déroule, Elles observent, impartiales, notre lutte et notre effort, Et pourtant sans elles le cosmos ne serait pas. Insensibles au désir, au sort, à l’espérance, C’est leur station d’inviolable éminence Qui soutient l’énorme ouvrage du monde, - Son ignorance est éclairée par leur connaissance, Son élan subsiste par leur indifférence. Comme le haut attire le bas à toujours monter, Comme l’ample attire le petit à s’aventurer, Leur distance conduit l’homme à se surpasser.

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Our passion heaves to wed the Eternal's calm, Our dwarf-search mind to meet the Omniscient's light, Our helpless hearts to enshrine the Omnipotent's force. Acquiescing in the wisdom that made hell And the harsh utility of death and tears, Acquiescing in the gradual steps of Time, Careless they seem of the grief that stings the world's heart, Careless of the pain that rends its body and life; Above joy and sorrow is that grandeur's walk: They have no portion in the good that dies, Mute, pure, they share not in the evil done; Else might their strength be marred and could not save.

Notre passion se soulève pour épouser le Calme, Notre mental de nain pour trouver l’Omniscient, Nos cœurs démunis pour enchâsser le Tout-Puissant. Acquiescant à la sagesse qui créa l’enfer Et à l’âpre utilité de la mort et des larmes, Acquiescant à l’avance graduelle du Temps, Indifférentes au malheur qui perce nos cœurs, A la douleur qui déchire nos corps et nos vies, Au-dessus de la joie et de la peine est leur amble : Elles n’ont aucune part dans le bien qui succombe, Elles ne partagent rien du mal qui est commis ; Leur force rédemptrice, sinon, serait abîmée. Alerte à la vérité des extrêmes de Dieu Et au mouvement d’une Force omnivoyante, - A la lente issue des longues années ambiguës Et au bien inattendu de faits déplorables -, L’immortel ne voit pas comme en vain nous voyons. Il regarde des aspects et des pouvoirs voilés, Il connaît la loi et la nature des choses. Le vouloir d’une vie brève ne peut l’émouvoir, Ni l’éperon de la pitié ou de la peur ; Sans se hâter de dénouer le noeud cosmique Ni de réconcilier le cœur discordant du monde, Il attend l’heure de l’Eternel dans le Temps. Il y a pourtant, secrète, une aide spirituelle ; Tandis que lentement serpente l’Evolution

Alive to the truth that dwells in God's extremes, Awake to a motion of all-seeing Force, The slow outcome of the long ambiguous years And the unexpected good from woeful deeds, The immortal sees not as we vainly see. He looks on hidden aspects and screened powers, He knows the law and natural line of things. Undriven by a brief life's will to act, Unharassed by the spur of pity and fear, He makes no haste to untie the cosmic knot Or the world's torn jarring heart to reconcile. In Time he waits for the Eternal's hour. Yet a spiritual secret aid is there; While a tardy Evolution's coils wind on And Nature hews her way through adamant A divine intervention thrones above. Alive in a dead rotating universe

Et la Nature taille son chemin dans le roc, Une intervention divine siège au-dessus. Habitants d’un univers inerte et mécanique Nous ne tournoyons pas sur un globe fortuit Abandonnés à une tâche qui nous dépasse ;

We whirl not here upon a casual globe Abandoned to a task beyond our force;

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Even through the tangled anarchy called Fate And through the bitterness of death and fall An outstretched Hand is felt upon our lives. It is near us in unnumbered bodies and births; In its unslackening grasp it keeps for us safe The one inevitable supreme result No will can take away and no doom change, The crown of conscious Immortality, The godhead promised to our struggling souls When first man's heart dared death and suffered life. One who has shaped this world is ever its lord: Our errors are his steps upon the way; He works through the fierce vicissitudes of our lives, He works through the hard breath of battle and toil, He works through our sins and sorrows and our tears, His knowledge overrules our nescience; Whatever the appearance we must bear, Whatever our strong ills and present fate, When nothing we can see but drift and bale, A mighty Guidance leads us still through all. After we have served this great divided world God's bliss and oneness are our inborn right. A date is fixed in the calendar of the Unknown, An anniversary of the Birth sublime: Our soul shall justify its chequered walk, All will come near that now is naught or far. These calm and distant Mights shall act at last.

Même dans l’anarchie que l’on nomme Destin Et l’amertume de la déchéance et la mort L’on peut sentir une Main tendue sur nos vies. Près de nous en des corps et naissances innombrables, Elle garde pour nous dans son étreinte constante Le seul inévitable et suprême résultat Que nulle volonté, nul sort ne peuvent changer, La couronne d’Immortalité consciente, La divinité qui fut promise à nos âmes Quand le cœur de l’homme risqua la mort et la vie. Lui qui a formé ce monde est toujours son seigneur : Nos erreurs sont ses pas sur le chemin ; Il œuvre dans les vicissitudes de nos vies, Dans le souffle du combat et du labeur, Dans nos pêchés et nos chagrins et nos pleurs, Sa connaissance l’emporte sur notre nescience ; Quelle que soit l’apparence que nous devions porter, Quels que soient nos maux et notre présent destin, Quand nous ne pouvons rien voir que dérive et fléau, Toujours à travers tout un grand Guide nous conduit. Quand nous avons servi ce grand monde divisé, La béatitude et l’union sont notre héritage. Une date est fixée dans le grand calendrier, Un anniversaire de la Naissance sublime : Notre âme justifiera son parcours inégal, Tout nous viendra, qui nous semble nul ou lointain. Ces calmes, distantes Grandeurs agiront enfin. Immuablement prêtes à leur tâche ordonnée, Les Brillances sages et compatissantes Attendent que sonne la voix de l’Incarné Pour d’un bond franchir les abîmes de l’Ignorance

Immovably ready for their destined task, The ever-wise compassionate Brilliances Await the sound of the Incarnate's voice To leap and bridge the chasms of Ignorance

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And heal the hollow yearning gulfs of Life And fill the abyss that is the universe.

Et guérir le besoin tout au fond de la Vie Et combler l’abysse qui est l’univers.

Here meanwhile at the Spirit's opposite pole In the mystery of the deeps that God has built For his abode below the Thinker's sight, In this compromise of a stark absolute Truth With the Light that dwells near the dark end of things, In this tragi-comedy of divine disguise, This long far seeking for joy ever near, In the grandiose dream of which the world is made, In this gold dome on a black dragon base, The conscious Force that acts in Nature's breast, A dark-robed labourer in the cosmic scheme Carrying clay images of unborn gods, Executrix of the inevitable Idea Hampered, enveloped by the hoops of Fate, Patient trustee of slow eternal Time, Absolves from hour to hour her secret charge. All she foresees in masked imperative depths; The dumb intention of the unconscious gulfs Answers to a will that sees upon the heights, And the evolving Word's first syllable Ponderous, brute-sensed, contains its luminous close, Privy to a summit victory's vast descent And the portent of the soul's immense uprise. All here where each thing seems its lonely self Are figures of the sole transcendent One: Only by him they are, his breath is their life; An unseen Presence moulds the oblivious clay. A playmate in the mighty Mother's game,

Ici cependant, au pôle opposé de l’Esprit Dans le mystère des fonds que Dieu a bâtis Pour Son séjour au-dessous du Penseur, Dans ce compromis d’une Vérité absolue Avec la Lumière qui demeure dans la Nuit, Cette tragi-comédie de divin camouflage, Cette longue quête d’une joie toujours proche, Dans le rêve grandiose qui constitue le monde, Dans ce dôme d’or sur la base d’un dragon noir, La Force consciente qui agit dans la Nature, Une sombre ouvrière dans le plan cosmique Portant des figures d’argile de dieux subtils, Exécutrice de l’Idée inévitable Entravée, alourdie par les cerceaux du Destin, Patiente administratrice du Temps éternel, S’affranchit d’heure en heure de sa charge secrète. Profonde, impérative, elle prévoit toutes choses ; L’intention muette des gouffres inconscients Répond à une volonté qui voit sur les cimes, Et la première syllabe de l’Evolution, Lourde et grossière, contient sa fin lumineuse, Instruite d’une vaste et victorieuse descente, - Le présage du lever immense de l’âme. Tous ici, où chaque chose semble être isolée, Sont des figures de l’Un seul et transcendant ; Ils ne sont que par Lui, Son souffle est leur vie ; Sa Présence modèle l’argile oublieuse. Un camarade dans le jeu de la grande Mère,

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One came upon the dubious whirling globe To hide from her pursuit in force and form. A secret spirit in the Inconscient's sleep, A shapeless Energy, a voiceless Word, He was here before the elements could emerge, Before there was light of mind or life could breathe. Accomplice of her cosmic huge pretence, His semblances he turns to real shapes And makes the symbol equal with the truth: He gives to his timeless thoughts a form in Time. He is the substance, he the self of things; She has forged from him her works of skill and might: She wraps him in the magic of her moods And makes of his myriad truths her countless dreams. The Master of being has come down to her, An immortal child born in the fugitive years. In objects wrought, in the persons she conceives,

L’Un est venu sur le globe tournoyant Se cacher d’elle dans la force et la forme. Un esprit secret dans le sommeil de l’Inconscient, Une énergie informe, un Verbe sans voix, Il était ici avant même les éléments, Avant le jour mental ou le souffle de la vie. Il est son complice dans son énorme feinte : Ses propres semblances, Il change en formes réelles, Rend le symbole égal à la vérité, et donne A Ses propres pensées un corps dans le Temps. Il est la substance, Lui qui est l’être des choses ; De Lui elle a forgé ses œuvres d’adresse : Dans la magie de ses états elle L’enveloppe Et fait de Ses vérités ses rêves sans nombre. Le Maître de l’existence est descendu à elle, Un enfant immortel dans les années fugitives. Dans les objets et les personnes qu’elle conçoit, Elle poursuit en rêve son idée de Lui, Et capture ici un regard et là un geste : Toujours Il y répète Ses naissances sans nombre. Il est le Créateur et le monde qu’Il créa, Il est la vision et Il est le Voyant ;

Dreaming she chases her idea of him, And catches here a look and there a gest: Ever he repeats in them his ceaseless births. He is the Maker and the world he made, He is the vision and he is the Seer; He is himself the actor and the act, He is himself the knower and the known, He is himself the dreamer and the dream.

Il est Lui-même l’acteur et Il est l’acte, Il est le connaisseur et Il est le connu, Il est le rêveur et Il est Lui-même le rêve.

There are Two who are One and play in many worlds; In Knowledge and Ignorance they have spoken and met And light and darkness are their eyes' interchange; Our pleasure and pain are their wrestle and embrace, Our deeds, our hopes are intimate to their tale; They are married secretly in our thought and life.

Il y a Deux qui sont Un et jouent dans les mondes ; Dans la Connaissance et l’Ignorance Ils se rencontrent, Dans la lumière et l’obscurité Ils se regardent ; Nos plaisirs, nos douleurs sont leur lutte et leur étreinte, Nos faits, nos espoirs sont intimes de leur histoire ; Ils sont mariés dans notre pensée et notre vie.

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The universe is an endless masquerade: For nothing here is utterly what it seems; It is a dream-fact vision of a truth Which but for the dream would not be wholly true, A phenomenon stands out significant Against dim backgrounds of eternity; We accept its face and pass by all it means; A part is seen, we take it for the whole. Thus have they made their play with us for roles: Author and actor with himself as scene, He moves there as the Soul, as Nature she. Here on the earth where we must fill our parts, We know not how shall run the drama's course; Our uttered sentences veil in their thought. Her mighty plan she holds back from our sight: She has concealed her glory and her bliss And disguised the Love and Wisdom in her heart; Of all the marvel and beauty that are hers, Only a darkened little we can feel. He too wears a diminished godhead here; He has forsaken his omnipotence, His calm he has foregone and infinity. He knows her only, he has forgotten himself; To her he abandons all to make her great. He hopes in her to find himself anew, Incarnate, wedding his infinity's peace To her creative passion's ecstasy. Although possessor of the earth and heavens, He leaves to her the cosmic management And watches all, the Witness of her scene. A supernumerary on her stage, He speaks no words or hides behind the wings.

L’univers est une mascarade sans fin : Car rien ici n’est tout à fait ce qu’il parait ; C’est la vision rêvée d’une vérité Qui, sans le rêve, ne serait pas tout à fait vraie ; Un phénomène se profile signifiant Contre un vague arrière-plan d’éternité ; Nous acceptons sa face, sans comprendre son sens ; Une part est perçue, nous la prenons pour l’ensemble. Ainsi ont-Ils monté leur pièce avec nous pour rôles : Auteur et acteur avec Lui-même pour scène, Il y joue l’Ame, elle y joue la Nature. Ici sur la terre où nous devons remplir nos parts, Nous ne savons comment se déroulera le drame ; Les phrases que nous disons nous voilent leur pensée. Son plan sublime elle soustrait à notre vue : Elle a dissimulé sa gloire, sa félicité, Déguisé l’Amour et la Sagesse dans son cœur ; De toute la merveille et la beauté qui sont siennes, Un peu seulement parvient obscurci à nos sens. Lui aussi revêt une moindre divinité ; Il s’est délaissé de Son omnipotence, A Son calme Il a renoncé, et à l’infini. Elle seule Il connaît, Lui-même S’est oublié ;

Il lui abandonne tout pour la grandir. Il espère en elle Se trouver à nouveau, Incarné, mariant la paix de Son infinité A l’extase de sa passion créatrice. Bien qu’Il possède la terre et les cieux, Il lui laisse la direction du cosmos Et observe tout, le Témoin de sa scène. Un simple figurant sur son plateau Il ne dit mot, ou Se cache dans les coulisses.

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