Journal C'est à Dire 159 - Octobre 2010

L E P O R T R A I T

47

L’abbé en tête de peloton À 85 ans, le curé de Belleherbe est un des doyens de l’archevêché encore en activité. Jean Munnier est un des plus énergiques. Et ses prêches collent toujours à l’actualité. Rencontre. Belleherbe

L orsqu’il quitte sa chasuble blanche et son étole une fois la messe terminée, l’abbé Jean Munnier enfile ses baskets et une veste légère. Pas democassins. Enco- re moins de costumes. Son bâton de pèle- rin, c’est sa simplicité et une activité débordante qui font de lui une figure de la paroisse de Belleherbe car à 85 ans, il enfourche toujours son vélo, un Peu- geot des années quatre-vingt dont les étriers de freins sont un peu rouillés. Direction Cour-Saint-Maurice ou San- cey-le-Grand pour mieux remonter ensuite. Aux étapes plates, Jean Munnier préfère la difficulté, tout en n’oubliant pas de mettre sa casquette à l’envers “pour ne pas être ébloui par le soleil” dit-il. Ce n’est pas pour autant que c’est un rebelle. Ordonné prêtre le 25 mars 1950, l’homme d’église vit avec son temps et n’hésite pas lors d’un prêche à dénon- cer les excès du capitalisme : “J’essaye toujours de coller à l’actualité. C’est vrai que j’ai évoqué la dérive de l’économie mais il faut que ça rejoigne l’évangile, prévient-il. Ç a le rejoignait dans le sens où Jésus a toujours dénon- cé la mauvaise richesse, celle qui exploi- te, qui fait souffrir les autres…” Pour “montrer l’exemple” , il a stoppé son abonnement au quotidien régio- nal, si bien que l’argent qu’il a éco- nomisé est reversé au Secours catho-

lique. “J’en suis fier et comme ça, je ne perds pas de temps en le lisant…” tranche-t-il. Le temps, voilà sans dou- te ce qui fait le plus défaut à notre “curé volant”, obligé de caler une invita- tion entre deux enterrements et un office. Lors de la rentrée de la catéchèse, il n’a d’ailleurs pas hésité à se rendre dans tous les foyers de sa paroisse pour distribuer en main propre des invita- tions aux enfants en âge d’entrer au catéchisme. Au total, près de 85 feuilles (89 ans) et sa sœur Claire (88 ans) à Chamesey pour déjeuner. Son aîné, aujourd’hui en maison de retraite à Maîche, est un “ancien” prêtre qui offi- cia lui aussi à Belleherbe, d’où des retrouvailles chaleureuses. Son autre bonheur, toujours aussi simple, est de voir que les trois quarts des jeunes de la paroisse se rendent à la messe. Après avoir évoqué ses bonheurs, il nourrit des regrets comme celui “de n’avoir pu organiser un camp de vélo cette année en raison d’une santé capri- cieuse.” Jean Munnier se sait vulné- rable et à Belleherbe, il dit “jouer les prolongations” tout en espérant qu’elles soient les plus longues possibles. Ses livrées à de potentiels fidèles. “J’ai reçu des réponses de nom- breux parents et ça m’a fait plai- sir.” Ses bonheurs sont simples. L’un d’entre eux, c’est retrou- ver chaque jeudi son frère Albert

“Pas là que pour dire des messes.”

L’activité physique entretient l’activité mentale” assure Jean Munnier, un curé pas comme les autres.

fidèles l’espèrent également car après lui, pas sûr que quelqu’un d’autre pren- ne la place. Du coup, lorsqu’un fidèle l’invite “à se reposer” , le père répond ironiquement : “Mettez-moi en conser- ve !” Pour lui, l’avenir de l’Église “rési-

surer, disons que l’amateur de vélo qu’il est se retrouve avec ces lignes à la tête d’un peloton qu’il conduit vers la foi de Dieu. Après lui, d’autres prendront le relais… E.Ch.

de dans l’implication des fidèles. Le curé n’est pas là que pour dire des messes” assure-t-il. Enfin, l’abbé Jean Munnier a une demande : “De ne surtout pas le mettre en avant avec cet article…” Pour le ras-

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker