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POINT FORT: MARCHÉ DU TRAVAIL

Un coach qui mise sur les points forts des chômeurs Werner Studer s’engage passionnément pour les sans-emploi. Son modèle de «coaching de transfert» a tant de succès que sa commune de résidence d’Illnau-Effretikon mise sur son service depuis quelques années.

«C’est exactement le bon métier pour moi», dit Türker Oezaydin. Depuis sept mois, il travaille comme chauffeur de bus pour les entreprises de transport du Glattal. Il aime être assis seul der- rière son volant mais avoir beaucoup de contact avec les passagers et les collègues de travail. Et il aime le senti- ment de conduire: «C’est comme dans un petit bateau. Je n’aurais jamais pensé que la conduite d’un bus me fe- rait tant plaisir.» Ce père de famille de 40 ans a traversé une période difficile. Il a été longtemps au chômage. Peu de mois avant d’arri- ver en fin de droit, le centre régional de placement (ORP) de Fehraltorf l’a en- voyé chez Werner Studer. Celui-ci tra- vaille à Illnau-Effretikon en tant que coach indépendant. En collaboration avec la ville, il a lancé en 2013 le projet «coaching de transfert» pour éviter aux chômeurs de longue durée de de- voir aller à l’aide sociale. Le placement prend du temps Pour une durée de six mois au moins, il soutient les personnes concernées à se réorienter et à chercher un travail. Lorsqu’elles ont commencé à travailler, il est là pour elles pendant quatre mois de plus. Placer quelqu’un sur la durée prend du temps, dit le propriétaire de SteCo AG, mais c’est plus durable que de forcer quelqu’un à prendre un travail le plus vite possible. «Il faut accepter la per- sonne comme elle est», dit Studer, «il faut construire sur ses points forts, et non pas vouloir changer ses points faibles.» Il parle de client(e)s motivés sans exception. «Ils veulent travailler et sont contents d’obtenir de l’aide.» Dans un premier pas, il évalue leurs penchants en s’appuyant sur un test de trois fois 60 questions. Puis il détermine avec eux de possibles métiers et voies de formation. Il les aide à rédiger un cur- riculum vitae attractif et une lettre de motivation. Parfois, il se met lui-même à l’ordinateur pour écrire à l’employeur potentiel. Un artisan ne doit pas se

qualifier par de bons textes, mais par des capacités pratiques, selon Studer. Une fois la direction claire, il veut avan- cer. Semaine après semaine, il confie des tâches à ses clients. Il ne vise pas toujours l’aspect professionnel. Il a ainsi conseillé à un chômeur de longue durée qui n’avait plus goût à la vie de passer à nouveau une soirée avec ses collègues. «Lorsque la profession disparaît, la relation et les loisirs en souffrent souvent», dit Werner Studer. C’est aussi de là qu’il part.

ces de travail temporaires. Depuis sep- tembre, Werner Studer partage le pla- cement chronophage avec un gérant. Il aimerait désormais avoir plus de temps pour transmettre ses expérien- ces de coach. «J’ai toujours été un praticien», dit-il, ajoutant qu’il avait acquis cette manière de coacher par le travail direct. Cet homme de 64 ans a derrière lui une carrière qui n’est presque plus possible aujourd’hui. Il est resté fidèle aux CFF pendant 38 ans, en commençant par être agent du mouvement; plus tard, il a été notamment chef de vente pour les produits du trafic ferroviaire de marchandises et à la fin responsable de la réorientation d’employés. Du point de vue contenu, c’est cela qui correspondait à la profession de ses rêves. Mais ce qui le gênait, c’est de ne pas pouvoir décider et organiser tout lui-même. C’est pourquoi il a franchi le pas vers l’indépendance en 2007. Avant, il avait été membre de l’autorité d’assistance d’Illnau-Effretikon, où il avait vu que son concept d’entreprise pourrait être demandé. Succès dans 65% des cas Depuis, dans les combles de sa maison familiale, il a conseillé plus de 380 per- sonnes, mais pas seulement des chô- meurs de longue durée et des bénéfi- ciaires de l’aide sociale. Studer offre aussi des bilans de compétences et des «outplacements». Son taux de place- ment s’élève à 65%. Il bouillonne d’exemples positifs. On peut lire dans l’e-mail d’une ancienne cliente: «Je me suis enfin sentie à nouveau comme un être humain à part entière.» Illnau-Effretikon porte aussi un juge- ment positif sur ses services. «Il répond vraiment aux besoins des gens», dit Samuel Wüst du comité so- cial. Le «coaching de transfert» est aussi financièrement avantageux pour la commune, qui a annuellement be- soin de 50 000 francs pour accompa- gner 18 personnes. Les économies au niveau de l’aide sociale dépassent de loin ce montant.

Werner Studer est un ancien em- ployé des CFF qui a franchi le pas vers l’indépendance en 2007. En 2013, il a

lancé le projet «coa- ching de transfert» en collaboration avec la commune.

L’allemand est un gros obstacle Il décrit le placement en soi comme prenant énormément de temps. Vu le nombre de professions, de branches et de possibilités de qualification, il doit à chaque fois repartir de zéro. «Il ne suffit pas d’activer mon réseau.» Pour beaucoup de ses clients, l’allemand est un gros obstacle. Le coach expéri- menté n’accepte certes dans son pro- gramme que des gens sachant déjà plus ou moins se faire comprendre. Mais utiliser des termes spécifiques à la profession n’est pas la même chose que discuter pendant la pause. «On n’en est souvent pas conscients», dit Studer, qui a une fois engagé l’une de ses deux filles pour aider une migrante à préparer des examens. A cela s’ajoute le fait que le marché du travail a pro- fondément changé ces dernières années: les travaux simples viennent toujours plus attribués par des agen-

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COMMUNE SUISSE 12 l 2016

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