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POINT FORT: MARCHÉ DU TRAVAIL

«Les chômeurs plus âgés sont les plus touchés»

Boris Zürcher, chef de la Direction du travail au sein du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), évoque dans un entretien avec «Commune Suisse» la pénurie de personnel qualifié, les chômeurs âgés, le coaching et le coworking.

6% de notre PIB à la formation. Il appar- tient toutefois aux entreprises de recru- ter des travailleurs et d’offrir des condi- tions d’engagement attrayantes. Le marché doit jouer son rôle. Les employeurs sont-ils, selon vous, préparés à affronter ces défis démogra- phiques? Oui, ils en sont conscients. Les associa- tions sectorielles et professionnelles font de gros efforts pour devenir plus attrayantes, par exemple pour encoura- ger davantage de femmes à choisir des métiers techniques. Grâce au progrès technique, chaque personne qui prend sa retraite ne devra peut-être pas être remplacée. Et des lacunes pourront être remplies grâce à la hausse de la produc- tivité. La Suisse connaît d’ailleurs une pénurie de personnel qualifié depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et ce n’est pas à priori négatif. Les travail- leurs qualifiés ont leur prix et ils ne doivent donc pas être en surnombre. Nous ne voulons pas former des univer- sitaires et des bons professionnels qui doivent ensuite travailler pour de bas salaires. Du fait des changements tech- nologiques, la pénurie de personnel qualifié s’est néanmoins accentuée ces dernières décennies. Jusqu’ici, les postes vacants pouvaient être assez facilement pourvus grâce à des ressortissants de l’UE.Voulue par le peuple, la limitation de leur accès au marché du travail pourrait encore ag- graver la pénurie de personnel qualifié. La situation va s’aggraver suite à l’accep- tation de l’initiative «contre l’immigra-

tion de masse». Même s’il est limité, car nous sommes proches du plein emploi, le potentiel de main-d’œuvre indigène doit encore être mieux exploité. L’initia- tive de la Confédération sur le personnel qualifié va dans ce sens. Elle vise notam- ment les travailleurs âgés, les femmes et les personnes moins qualifiées. Les employeurs sont appelés à faire des ef- forts, mais aussi les salariés qui doivent constamment améliorer leurs qualifica- tions afin d’être à la hauteur de notre marché du travail hautement perfor- mant. Nous sommes aujourd’hui sensi- blement plus productifs. Nous vivons dans une société du savoir qui exige des spécialistes. A la place d’un boulanger, c’est un ingénieur en sciences alimen- taires qui est demandé. La réalité montre toutefois que les trois catégories visées ne sont pas vraiment les bienvenues sur le marché de travail. Ce n’est pas vrai. Ces travailleurs sont même plus que bienvenus! Ils sont car- rément aspirés par le marché du travail. Ce que confirment aussi des études in- ternationales. Selon un rapport de l’OCDE, aucun pays, à l’exception de l’Islande et du Luxembourg, n’exploite son potentiel de main-d’œuvre de ma- nière aussi intense que nous. Ce rapport montre aussi que la situation des plus de 50 ans sur le marché suisse du travail est objectivement très bonne. Ils ont clai- rement le taux de chômage le moins élevé par rapport à toutes les autres tranches d’âge.

«Commune Suisse»: Boris Zürcher, dans notre pays vieillissant, les salariés prenant leur retraite seront bientôt plus nombreux que ceux qui entrent sur le marché du travail. De combien de travailleurs qualifiés allons nous manquer? Boris Zürcher: Le nombre exact de tra- vailleurs qualifiés qui vont nous man- quer dépend de divers facteurs. Une chose est sûre: sur le marché du travail, le groupe des plus de 50 ans est celui qui croît le plus rapidement et qui, en chiffres, est l’un des plus importants. Autre certitude, dans dix à 15 ans, de nombreux baby boomers prendront leur retraite. Né en 1964, je fais moi aussi par- tie de cette génération. 1964 a été une année record avec 140000 naissances. Aujourd’hui, celles-ci oscillent entre 70 et 80000, avec une population de 8 mil- lions de personnes, soit le double de celle de 1964. Les effets de cette évolu- tion démographique sont déjà percep- tibles. Il est devenu plus difficile de trou- ver des apprentis. L’offre dépasse la demande. Une pénurie de personnel qualifié est attendue dans les secteurs de la santé, de la formation et de l’éducation, ainsi que de la justice. Il nous manquera aussi des ingénieurs, des techniciens, des in- formaticiens et des cadres. Le rôle de l’Etat est de créer de bonnes condi- tions-cadres afin que ces postes puissent être pourvus, notamment grâce à une offre de formation de haute qualité. Nous consacrons aujourd’hui quelque Quelles sont les branches qui sont le plus touchées par cette pénurie?

Boris Zürcher Né en 1964, Boris Zürcher est chef de la Direction du travail au sein du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) depuis le 1 er août 2013. Auparavant, il a été économiste en chef et directeur de BAK Basel Economics AG, à Bâle, ainsi qu’écono- miste en chef et sous-directeur d’Avenir Suisse. De 2002 à 2007, il a été conseiller économique des conseillers fédéraux Pascal Couchepin et Joseph Deiss, puis de la conseillère fédérale Doris Leuthard, au Département fédéral de l’économie. De 1999 à 2002, il a déjà été actif au sein du SECO en tant que chef du secteur Politique du marché du travail. Après un apprentissage de dessinateur sur machines, Boris Zürcher a obtenu la maturité fédérale en cours d’emploi, puis a étudié l’économie politique et la sociologie à l’Université de Berne.

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COMMUNE SUISSE 12 l 2016

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