La Presse Bisontine 78 - Juin 2007

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n°78 - Juin 2007

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CRÉATION

Une technique ancestrale Quand l’homme rencontre la matière À 28 ans, Nicolas Perruche a créé son atelier de peintre verrier dans le quartier de Palente. Il réalise des vitraux, les rénove, et utilise sa technique pour créer d’autres objets à base de verre.

Précision du geste. “Quand je

pose un trait sur le verre, ça doit être le bon. Je n’ai pas droit à l’erreur.” dit l’artisan.

N icolas Perruche le sait mieux que personne : on ne naît pas maître- verrier, on le devient. Le chemin est long pour apprivoiser la matière et affiner son art. Le fait que ce jeu- ne artisan de 28 ans soit le fils d’Isa- belle Debras, maître-verrier reconnu, qui a quitté Besançon pour s’instal- ler à Montréal, n’y change rien. Elle lui a transmis le virus, certes, main- tenant c’est à lui de faire ses preuves. “Il ne faut pas brûler les étapes. Quand j’aurai dix ans d’expérience, alors oui, je pourrais prétendre accéder au titre

voie. Il façonne le verre, le découpe, l’assemble, le peint pour donner vie au vitrail. “Le verre est un matériau très spécifique. Il faut en quelque sor- te s’accoupler avec lui pour ne pas se couper.” La technique est ancestrale. L’artisan tranche la matière avec un petit outil, le coupe-verre, pour assem- bler ensuite les pièces comme un puzz- le. Il suit avec précision les contours du vitrail qu’il a dessinés préalable- ment, à l’échelle, sur du papier. “ Tous les gabarits sont numérotés, et une couleur de verre est associée à chaque gabarit” explique Nicolas Perruche. Pour unir le tout, l’artisan n’a rien inventé puisqu’il utilise le plomb indis- sociable de cette méthode. “C’est pour ses propriétés mécaniques qu’on emploie ce métal. Par exemple, une fenêtre d’église fait 5 m de hauteur par 1,30 de largeur. Le vent pousse sur le vitrail. Et pour que le verre ne casse pas, la seule matière qui peut absorber les vibrations c’est le plomb.” Mais l’usage régulier de ce métal nocif dans son métier impose à Nicolas Per- ruche de respecter une hygiène irré- prochable. “Quand je fais du monta- ge, j’ai les mains noires de plomb. Je me les lave toutes les heures. Dans une opération de rénovation, je démonte le vitrail dans un bac d’eau afin d’éviter d’absorber les poussières. Tous les six

mois, je me plie à un contrôle sanguin pour mesurer la teneur en plomb. Si on aime ce métier, il faut être prudent, car le risque de saturnisme existe.” Ce jeune professionnel utilise ces pro- cédés anciens pour explorer de nou- veaux univers très design , qui placent le vitrail au cœur de la décoration inté- rieur des habitations particulières. Il rompt ainsi avec la connotation reli- gieuse propre à ce genre de réalisa- tions. Recherche de l’effet matière, travail sur la couleur du verre et sur la lumiè- re qui va le traverser, Nicolas Per- ruche joue sur ces trois constantes pour avancer sur les sentiers de la création. Il tâtonne parfois, essaie de nouvelles techniques, est exigeant avec lui-même pour affirmer son sty- le qui le distinguera dans la profes- sion. La mère suit le parcours du fils. “Elle m’a dit qu’elle me donnerait des secrets de fabrication. Mais elle veut que je fasse d’abord mon chemin” com- me l’alchimiste doit avancer dans sa quête de la pierre philosophale. Nico- las Perruche apprivoise le verre. Il le décline désormais à travers différents objets. Au regard de ses réalisations, c’est sûr, ce jeune homme a de la grai- ne d’artiste.

de maître-verrier” dit-il. Dans son atelier de Palente dans lequel il s’est installé en sep- tembre, Nicolas Per- ruche se met à l’ouvra- ge sans relâche. Titulaire d’un B.T.S. agencement et d’un C.A.P. de vitrailliste, il a monté sa société après avoir été licencié en mars 2006 d’une coopé- rative des métiers d’art implantée en Bourgogne qui a fermé ses portes. C’est donc là, dans une des cellules de la pépi- nière d’entreprise bison- tine, qu’il cherche sa

“Une couleur de verre est associée à chaque gabarit.”

T.C.

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