La Presse Bisontine 125 - Octobre 2011

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 125 - Octobre 2011

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SANTÉ

Taxe sur les mutuelles “Le gouvernement dupe les Français”

Président de la Mutualité Française Franche-Comté, Pierre Alixant revient sur la décision du gouvernement d’augmenter la taxe sur les conventions d’assurance. Ce sont les titulaires d’une mutuelle qui vont payer.

L a Presse Bisontine : Comment jugez- vous la hausse de la taxe sur les conven- tions d’assurance qui passe de 3,5 % à 7 % ? Pierre Alixant : Assez mal. Les mutua- listes commencent à être exaspérés du mépris gouvernemental dont ils font l’objet, lequel gouvernement s’appuie par ailleurs sur des mensonges pour justifier cette mesure. Dire par exemple que les mutuelles sont riches est faux. S’il y a des riches, c’est plutôt du côté des banquiers qui spolient leurs clients. Les mutuelles ne sont pas riches, elles ont des réserves qui appartiennent en totalité à leurs adhérents. Dire enco- re que cette taxe est une taxe sur les entreprises mutualistes est un men-

rien le déficit de la Sécurité sociale qui continue de se creuser. L.P.B. : Pourquoi répercuter cette taxe sur les adhérents ? Les mutuelles n’ont-elles pas les ressources nécessaires pour assumer son coût ? P.A. : Il y a deux solutions. Soit on bais- se le niveau des prestations, soit on augmente le coût des cotisations. Aujourd’hui, on s’aperçoit que des citoyens sacrifient des prestations pour diminuer le coût de leur cotisation. L.P.B. : Les cotisations des adhérents vont aug- menter, ils vont devoir payer plus, mais com- bien exactement ? P.A. : Sur 100 euros de cotisation, il y a désormais 11,72 euros de taxe. Tout cela pour produire 2,2 milliards d’euros de recettes pour l’État face à un défi- cit abyssal. Nous sommes dans un sys- tème où les mutuelles deviennent des collecteurs de taxe. Aujourd’hui, 95 % des gens ont une complémentaire san- té et 65 % sont assurés par des mutuelles. Le risque est que l’on conti- nue de faire supporter des charges de plus en plus lourdes sur des adhérents sans pour autant améliorer le fonc-

songe. Les mutuelles n’existent que par leurs adhérents sur lesquelles elles répercuteront auto- matiquement cette taxe. Le gouvernement dupe les Français dans cette affaire. Il ne considère pas que la santé est un produit de première nécessité. J’ajoute que cette hausse ne règle en

“Les mutuelles deviennent des collec- teurs de taxe.”

Pierre Alixant : “Cette hausse ne règle en rien le déficit de la Sécurité sociale qui continue de se creuser.”

prises et en particulier celles du C.A.C. 40 se chiffrent en centaine de milliards, tout cela pour rémunérer des action- naires. L.P.B. : Les mutuelles ne font-elles pas des économies notamment avec les patients en affection longue durée pris en charge par la Sécurité sociale ? P.A. : C’est un mensonge également. Un patient en A.L.D. est pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale pour sa pathologie. Or, en général, ces patients ont d’autres problèmes de santé en dehors de cette maladie. Ce sont les mutuelles qui prennent en charge les frais inhérents au traitement des patho- logies qui surviennent en plus de la maladie pour laquelle ils sont pris en charge à 100 %. L.P.B. : Vous dites que les mutuelles ne sont pas riches. Pour autant, la Mutualité Françai- se a les moyens d’investir dans des cliniques et des E.H.P.A.D. Il y a donc bien une recherche de rentabilité ? P.A. : Nous sommes dans unmodèle éco- nomique social à but non lucratif. Cela signifie que nous devons avoir des ser- vices de soin d’accompagnement mutua- listes équilibrés. Notre but est de peser sur les coûts des prestations pour limi- ter le reste à la charge de nos adhé- rents. C’est le cas avec la Polyclinique de Franche-Comté où, grâce à un accord avec les professionnels libéraux, nous parvenons à limiter le reste à charge. Plus on pèse en amont sur le coût des prestations, plus on pèse sur l’évolution des cotisations. La totalité des excé- dents est réinvestie dans l’outil de tra- vail et ne sert en rien à rémunérer des actionnaires. La Polyclinique de Franche-Comté est la propriété de tous les mutualistes. L.P.B. : Cette taxe est donc une injustice socia- le ? P.A. : Le problème de cette taxe est qu’elle touche surtout les classes moyennes pour lesquelles la complé- mentaire santé est indispensable. Quand une famille doit faire contrô- ler l’état bucco-dentaire de deux ou trois enfants, il y a un reste à charge important. Sans mutuelle, des parents ne peuvent pas faire bénéficier de l’orthodontie à leurs enfants par

tionnement du système de lutte contre les déficits. Depuis 20 ans, on ne fait que du replâtrage. On se trompe de cible quand on sait que les exonéra- tions fiscales dont bénéficient des entre-

exemple.

L.P.B. : Les mutuelles n’ont pas été consul- tées dans ce projet gouvernemental. Com- ment peut réagir maintenant la Mutualité Fran- çaise qui représente près de 38 millions de personnes. Vous avez un vrai pouvoir de lob- bying ? P.A. : Cette mesure a été adaptée sans débat. Le président de la Mutualité a été informé par téléphone à 17 heures de cette réforme qui était adoptée à 18 heures. C’est une forme de mépris de la part de Xavier Bertrand,ministre de la Santé. La Mutualité ne va pas en rester là. Depuis 1994, nous faisons régulièrement des propositions. Nous allons produire une plate-forme de pro- positions afin que la santé, qui est le souci principal des Français, soit inté- grée dans le débat de la présidentielle. Le 28 novembre, Étienne Caniard, le président de la Mutualité Française, viendra défendre et expliquer cette pla- te-forme de propositions à Besançon. L.P.B. : Quel est le poids économique de la Mutualité Française en Franche-Comté ? P.A. : Dans le Doubs, la Mutualité c’est 1 300 salariés dont 700 à Besançon. En Franche-Comté, nous employons 3 000 personnes. Nous sommes là pour gérer nos entreprises. Il est préférable d’augmenter les excédents que de creu- ser les déficits. Nous n’avons d’ailleurs pas d’actionnaires pour les renflouer. Propos recueillis par T.C. La Mutualité Française en Franche-Comté 1 300 salariés dans le Doubs dont 700 à Besançon Chiffre dʼaffaires 80 millions dʼeuros 30 sites 2 cliniques (Besançon et Dole) 120 lits dʼhospitalisation à domicile 13 établissements pour personnes âgées dépendantes, un quatorzième est en projet 6 espaces dentaires 8 centres optiques 5 centre dʼaudition 4 relais assistantes maternelles

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