Journal C'est à dire 203 - Octobre 2014

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L E P O R T R A I T

Villers-le-Lac Son bonheur est dans le pré Catherine Faivre-Pierret a quitté le monde du commerce pour celui des vaches peu avant ses 40 ans. Représentante de diverses instances agricoles, la jeune fem- me milite pour la cause des agricultrices tout en conciliant sa famille et sa passion pour la course à pied. Une vie à 100 à l’heure, après avoir combattu la maladie.

L a veille de l’entrevue, Catherine assistait à Châteauroux à une réunion de la F.N.S.E.A. où elle représentait la com- mission des agricultrices. Le lendemain, après un long tra- jet en voiture, elle était fidèle au poste pour la traite matinale. Deux heures plus tard, elle nous Bio express Âge : 40 ans Agricultrice depuis 2009 Secrétaire générale adjointe de la commission nationale des agricultrices à la F.N.S.E.A., représentante de la Bourgogne- Franche-Comté Responsable planning du ser- vice de remplacement pour le canton de Morteau Vice-présidente du G.A.D. 25, groupe dʼagricultrices diversifiés Membre du Conseil dʼadministration du service de remplacement du Doubs Membre de la commission agri- cultrice à la F.D.S.E.A. Membre de F.A.R.A.H., femmes en agriculture respon- sables et autonomes en com- plémentarité avec les hommes

C’est ici, dans ce lieu paisible bercé par le son des cloches de vaches que la famille Faivre- Pierret élève une centaine de bêtes. Le lait produit alimen- te la fruitière des Majors. Chez les Faivre-Pierret, tout le mon- de met la main à la pâte à l’instar d’Alicia, 16 ans, et Vic- tor, 13 ans, les deux enfants. Pour Catherine, le statut de “femme” ne la dispense pas des tâches ingrates ou difficiles à la ferme. “Certes, ce n’est pas

recevait pour évoquer son enga- gement en faveur de la “cause agricole”. Pas de quoi entamer le moral de cette femme sou- riante, qui, en l’espace d’une journée, peut se rechanger jus- qu’à six fois : “Beaucoup de per- sonnes ont l’image de l’agricultrice avec le fichu sur la tête et la blouse bleue. C’est fini. Nous sommes informatisés et suivons le courant ! Je me rechange par exemple lorsque je conduis mes enfants à l’école,

Catherine Faivre-Pierret, ici avec son chien Chouquette et ses vaches, possède de nombreuses casquettes dans le milieu agricole. Elle milite pour la cause des agricultrices.

moi qui épands le lisier car je n’aime pas trop cela, concède la professionnelle. Mais comme dans toute entreprise, chacun apporte ses compé- tences et je touche à

ensuite quand je reviens à l’entreprise, quand je fais mes courses…” détaille Catherine, confortablement ins- tallée dans sa maison surplombant le lac de Chaillexon à Villers-le-

poser avec sa tribu. “Pour rien au monde je ne reviendrais en arrière car j’ai choisi ce métier. Personne ne me l’a imposé” poin- te-t-elle. Ex-vendeuse dans un maga- sin de chaussures à Morteau puis salariée au restaurant “Le cœur des Faims”, Cathy plaque tout pour reprendre les études en 2008. À Vercel, elle apprend le métier d’agricultrice durant neuf mois. Son projet est clair : apporter au sein du G.A.E.C. de nouvelles terres et diversifier l’exploitation en ouvrant des chambres d’hôtes. En 2009, elle s’installe en E.A.R.L. avec son mari, ancien horloger devenu exploitant. En 2010, coup d’arrêt. Le corps médical lui diagnostique un can-

cer du poumon qu’elle combat et vainc. Si Cathy vit aujour- d’hui avec un seul poumon, elle compense son manque de souffle par une énergie débordante et une organisation à toute épreu- ve. Chaque semaine, elle éta- blit avec son mari un planning des tâches à accomplir afin d’éviter les pertes de temps. Une productivité qui lui permet de dégager du temps libre pour la cause agricole. “C’est aussi une façon de redonner ce qu’on a pu nous apporter car moi-même j’ai bénéficié des formations orga- nisées par la profession” pré- cise la Villérière. Bénévolement, elle participe à de nombreuses commissions visant à promou- voir le travail des agricultrices. Dernier exemple en date : le

combat avec ses collègues pour la reconnaissance au sein des G.A.E.C. Auprès du ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, elle et ses collègues agricultrices ont obtenu gain de cause. Ain- si, chaque agriculteur membre d’un même G.A.E.C. bénéficie- ra des aides de la P.A.C. au même titre qu’un agriculteur individuel. “C’est une victoire mais il faut encore attendre le texte final” prévient Catheri- ne Faivre-Pierret. Humble, Catherine qui parle de sa ferme comme d’une entre- prise a fixé des règles. À 19 h 15, elle est auprès de ses enfants. D’un coup d’un seul, Cathy enfi- le alors son dernier habit : celui de mère attentionnée… E.Ch.

Elle s’était promis de ne “jamais se marier avec un paysan.”

Lac. Il lui arrive parfois d’enfiler une autre tunique : celle de “jog- geuse”. Adepte de la gymnas- tique et du trail (elle a couru les 12 km du trail du Lison dimanche 19 octobre qu’elle a terminé 12 ème de sa catégorie), Cathy a fait de ses champs son terrain de jeu. Pour s’entraîner, notamment l’été, elle rend visi- te à ses bêtes au pas de course, un virus qu’elle a transmis à son mari Jean installé depuis 1992 dans la ferme, rénovée en 2006.

tout.” Sa révélation pour le monde agricole, Catherine l’a eue tar- divement, à l’âge de 35 ans. Un comble d’autant que ses parents, exploitants aux Combes, avaient tracé la voie. Après s’être pro- mis de ne “jamais se marier avec un paysan” , la voilà active à 200 % pour la cause agricole et “épanouie” dans son métier même si elle regrette “la contrainte du dimanche soir” , moment où il faut repartir au travail alors qu’elle aimerait se

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