La Presse Bisontine 113 - Septembre 2010

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n° 113 - Septembre 2010

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BESANÇON

Un métier pas comme les autres La rentrée pour deux profs en prison

Philippe Doléjal et Philippe Vieille-Marchiset sont professeurs titulaires à la maison d’arrêt de Besançon. Enseigner derrière les barreaux serait parfois plus facile qu’aux Clairs-Soleils selon eux.

A u bout du couloir du premier étage du quartier des mineurs, une pièce avec des tables et des chaises. Com- me n’importe quelle salle de classe, celle de la maison de d’arrêt de Besançon a un tableau noir et un bureau où le professeur pose son cartable. Seu- le différence : un bouton rouge sur lequel appuyer en cas de problème gra- ve, bagarre ou rébellion des détenus. C’est dans cet espace a priori comme les autres que Philippe Doléjal et Phi- lippe Vieille-Marchiset donnent des cours aux mineurs incarcérés mais également aux adultes purgeant des peines allant de quelques semaines à plusieurs mois. La rentrée s’est dérou- lée lundi 23 août pour Philippe Dolé- jal qui n’a jamais eu à appuyer sur ce fameux bouton rouge alors que son col- lègue a été obligé de “buzzer” pour séparer deux détenus se bagarrant à coups de chaises. “C’est le seul incident depuis que je suis ici (N.D.L.R. : 7 ans)” fait remarquer Philippe Vieille-Mar-

de note, et avec lui le détenu “s’évade”. Parfois des liens se nouent : “Lorsqu’un détenu ne va pas bien, on discute. Et si on sent un penchant suicidaire, on le rapporte aux gardiens. Nous tra- vaillons en étroite relation” précise Phi- lippe Doléjal, prof en prison depuis 10 ans. Les deux collègues ne demandent jamais la raison de l’incarcération à un détenu “même si on le sait rapide- ment car ils se confient assez vite” ajou- te Philippe Vieille-Marchiset. “Dans la salle de cours, personne n’est là pour faire le malin, c’est pourquoi nous notons peu de débordements” explique ce der- nier qui s’inquiète toutefois pour ses collègues restés dans le cursus tradi- tionnel : “Je me demande comment les collègues font pour tenir une classe de 30 élèves dans un quartier difficile !” Pour l’anecdote, ils bénéficient de quelques jours de vacances en plus mais restent des professeurs comme les autres à la différence qu’ils ne maî- trisent pas tout à fait leur salle. Ils sont en effet enfermés à clé avec leurs élèves et seul le gardien ouvre ou fer- me la porte : “Le fait de ne pas pouvoir maîtriser le temps, c’est ce qui m’a le plus interpellé au départ, remarque le dernier arrivé à ce poste. Aujourd’hui, je ne fais même plus attention lorsque le gardien m’enferme.” Les deux Philippe enseignent à la fois les maths, le français, l’histoire, avec le même souci, arriver à convaincre les détenus qu’ils ne sont pas nuls com- me ils peuvent parfois le prétendre, même si le niveau scolaire est souvent bas. “Certains ont un niveau 3 ‡o g . On a la chance de travailler en comité res- treint et non pas dans une salle de 30 élèves. Ça nous permet de revenir sur des points qui ne sont pas compris” dit Philippe D. D’autres professeurs, non-titulaires, interviennent pour enseigner l’anglais, les maths… à des détenus passant le bac, un D.E.A. ou une maîtrise. Par- fois dans les rues bisontines, il arrive aux deux Philippe de croiser certains “anciens” élèves et souvent “ils disent bonjour.” Quant au suicide en prison,

chiset, ancien profes- seur spécialisé au col- lège des Clairs-Soleils de Besançon. “Vous savez, on a plus de facilités à donner des cours ici qu’aux Clairs- Soleils. On travaille par petits groupes. Il y a du respect” assu- re-t-il. Philippe Dolé- jal est arrivé trois ans plus tôt que son col- lègue à la maison d’arrêt. C’est d’ailleurs lui qui l’a convaincu de choisir ce métier si particulier mais “tel- lement enrichissant” disent les deux insti- tuteurs attachés à l’académie de Besan- çon. Le lien entre prof et détenu est particulier. Ici, l’instituteur n’est pas référencé au pou- voir, il ne donne pas

“Appuyer sur le bouton rouge.”

Philippe Doléjal

(à gauche) et Philippe Vieille- Marchiset ont fait leur rentrée 2010-2011 à la maison d’arrêt de Besançon.

les professeurs ne disent pas grand- chose, seulement qu’ils y ont été confron- tés une fois. Bref, la discrétion fait par- tie de leur personnalité si bien qu’une fois à la maison, ils disent oublier la

“prison”. “Si on me demande le métier que j’exerce, je dis que je suis prof. Et seulement si on me demande de préci- ser le lieu, je dis en prison” conclut Phi- lippe Vieille-Marchiset. À les écouter,

enseigner derrière les barreaux offri- rait davantage de liberté qu’à l’extérieur. Une belle leçon… que d’autres profs liront sans doute avec attention. E.Ch.

A

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