La Presse Bisontine 68 - Juillet-Août 2006

L’ INTERVI EW DU MOIS

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Éditorial

U NESCO

Ambassadeur de France à l’Unesco, Jean Guéguinou s’est rendu fin mai à Besançon pour examiner le dossier présenté par le réseau Vauban (photo Yves Petit).

Candidature du Réseau Vauban

Ambassadeur de France auprès de l’Unesco, Jean Guégui- nou est l’un des hommes-clefs dans le dossier de classement au patrimoine mondial de l’Unesco des forteresses du réseau Vauban, dont la Citadelle de Besançon. Pour lui, le dossier bisontin est “l’un des mieux placés.” “Le réseau Vauban est l’un des candidats les mieux placés”

Tourisme En septembre 2002, la ville de Besan- çon lançait un ambitieux programme destiné à doper son tourisme et à ren- forcer son attractivité. Sept axes de tra- vail avaient été soigneusement ciblés, déclinés en une quarantaine d’actions précises. Quatre ans après, où en est- on ? Besançon commence timidement à se débarrasser de ses vieux haillons d’ancienne ville industrielle de l’Est - image pourtant encore très ancrée hors Franche-Comté - pour enfin commen- cer à montrer crânement et sans rou- gir l’étendue de ses richesses. Mais le statut de région touristique est encore loin d’être gagné. Parmi la quarantaine d’actions envisagées, quelques-unes ont déjà démarré. Par exemple, l’opti- misation du service des visites guidées, lamise en place d’une signalétique tou- ristique dans la ville, la valorisation des espaces verts, la rénovation du centre international de séjour ou le lancement d’une démarche-qualité. Mais l’essen- tiel, le plus palpable pour le visiteur, n’est toujours pas en place. Une seule illus- tration : la création d’aires réservées aux camping-cars, inexistantes sur leGrand Besançon ! La Communauté d’agglo- mération assure se pencher sérieuse- ment sur la question. Un “diagnostic” est envisagé qui doit aboutir à la réali- sation d’un “schéma directeur pour l’ag- glomération” . Que de lourdeurs et quel contraste entre un discours par trop ins- titutionnalisé et les préoccupations quo- tidiennes des acteurs du tourisme ! Veut- on vraiment se donner les moyens de dynamiser ce secteur d’activité qui pei- ne à atteindre un petit 5 % du produit intérieur brut dans notre région ? Les richesses patrimoniales et naturelles de la Franche-Comtémériteraient bien sûr une plus grande notoriété. Pourtant, l’argent public nemanque pas : le comi- té régional du tourisme n’hésite pas à dépenser 320 000eurospour cinqpetites semaines de campagne de promotion, dont la majorité est engloutie dans un site internet, quand le comité départe- mental du tourisme peine encore à fai- re oublier les dérives de l’A.D.E.D. - sa précédente appellation - rongée par les dérapages de ses dirigeants. La volon- té est là, c’est indéniable. Les moyens mis en œuvre et la rapidité d’exécution de ces ambitieux programme concoc- tés par les élus en charge du dossier tourisme sont quant à eux plus discu- tables. Même si la Franche-Comté ne sera jamais la Côte d’Azur en matière de tourisme. Je an-François Hauser

L a Presse Bisontine : Com- bien de candidatures sont déposées chaque année par la France auprès de l’Unesco ? Jean Guéguinou : Depuis quelques années, chaque pays ne peut plus présenter que deux candidatures devant l’Unesco, à condition que l’une d’entre elles concerne un pay- sage naturel. Au niveau du patrimoine culturel, la Fran- ce a présenté en 2006 la can- didature de la ville de Bor- deaux. En 2007, il devrait y avoir une autre candidature française. L.P.B. : Quels sont les critères qui président à la sélection du dossier porté par la France ? J.G. : Avant de déposer le dos- sier devant l’Unesco, il y a un gros travail préparatoire à fournir. Pour la France qui a la chance d’avoir 30 sites universelle et qui apportent un plus indéniable par rap- port aux monuments qui sont déjà inscrits au patrimoine mondial. L’année dernière, par exemple, c’est le centre historique du Havre qui a bénéficié de ce classement. Or Le Havre est un formi- dable témoignage - certaine- ment le seul en Europe - d’une ville entièrement pensée par un architecte, Auguste Per- ret, qui a reconstruit le centre en ruine après la seconde guerre mondiale. C’était aus- si la première fois que la Fran- ce présentait un témoignage architectural du XX ème siècle. Donc, pour que la France pré- sente un dossier, il faut que ce soit original par rapport à ce qui existe déjà. L.P.B. : Quels sont les atouts du dossier présenté par le réseau Vau- ban ? J.G. : L’atout du réseau Vau- ban est que le dossier est très au point. Car il faut que tech- niquement tout soit parfait. L’œuvre militaire telle qu’el- le a été construite par Vau- ban et rassemblée dans le réseau n’a nulle part d’exemple similaire. Et chaque site qui a été retenu pour faire partie du réseau est lui aussi profondément original et représente un cas particulier de l’architecture de Vauban. La force de la can- didature vient aussi de la logique du réseau. Quelles que soient les vertus de l’œuvre de Vauban à Besan- çon, il est certain que cela inscrits au patrimoi- ne mondial sur les 800 classés par l’Unesco, il est impor- tant de présenter des candidatures qui ont une véritable valeur

pas présenté chaque année un dossier à l’Unesco. En 2001, elle a présenté la can- didature de la ville de Pro- vins. Puis pendant deux ans, elle n’a pas posé de dossier, parce qu’aucun n’était suffi- samment mûr. L.P.B. : Y a-t-il un dossier suffi- samment mûr pour être présenté en 2007 ? J.G. : Àmon avis, sur les tren- te, il n’y en a pas plus de trois qui sont à même d’être pré- sentés. L.P.B. : Lesquels ? J.G. : Sans aucun doute, par- mi eux, il y a le dossier qui porte sur l’œuvre de Le Cor- busier. C’est un dossier très complexe, car pour être signi- ficatif, il doit être à dimen- sion internationale et reprendre des créations de l’architecte dans plusieurs pays.

datures par pays dont un seul site culturel vise à faire pas- ser de plus en plus de sites naturels. Dans le monde, de moins en moins de pays n’ont pas de sites classés au patri- moine mondial. Ceux qui res- tent ne l’ont souvent pas demandé. C’est par exemple le cas de la Birmanie dont le patrimoine culturel lui per- mettrait de figurer sur la lis- te de l’Unesco mais qui n’a pas envie de voir une orga- nisation internationale s’im- miscer dans sa gestion de son patrimoine. L.P.B. : Quelles sont les chances de la candidature du réseau Vau- ban ? J.G. : Je ne peux pas me pro- noncer sur cette question. Mais parmi les sites français, le réseau Vauban est l’un des mieux placés. Il est un de ceux qui remplissent le mieux les critères. La France n’a

n’aurait pas été nécessaire actuellement pour être pré- senté devant l’Unesco. Cela l’aurait été il y a 20 ans. Mais maintenant, les critères ont évolué. L.P.B. : Combien y a-t-il de pro- jets français à l’étude ? J.G. : En tout, une trentaine de projets ont été inscrits à l’inventaire de l’Unesco - la première étape en vue d’une inscription au patrimoine mondial (le réseau Vauban fait partie de cette liste depuis le début d’année) - et sont donc des candidats potentiels. Seuls 40 projets aumaximum peuvent être inscrits chaque année par le comité de l’Unes- co. Cette année, le comité qui se réunit à Vilnius n’aura pas à faire de choix limitatif puisque le nombre de dos- siers de candidatures est infé- rieur à la limite fixée. la notion de patrimoine mon- dial est l’un des plus grands succès de l’Unesco pendant ces trente dernières années. Il faut que les critères soient de plus en plus exigeants. Dans son choix, l’Unesco met en avant la qualité technique des dossiers et les disposi- tions envisagées pour main- tenir le site dans l’état qui est le sien aumoment du clas- sement et qu’il ne perde pas sa valeur. Car il y a des sites qui par le passé se sont dégra- dés.Aucun n’a encore été reti- ré de la liste du patrimoine mondial mais des problèmes se posent. L’Unesco déclare alors le site en danger, par- ce que l’état n’a pas les moyens de s’occuper de sa préservation ou parce qu’une catastrophe naturelle ou un conflit l’en empêche. Parfois, le site est inscrit en danger en même temps qu’il est clas- sé. C’est ce qui s’est produit pour les temples d’Angkor, au Cambodge. Depuis, il a été retiré de la liste des sites en danger, grâce au travail effectué sur place. Mais c’est une façon de protéger le patri- moine. L.P.B. : Le patrimoine naturel a une place de plus importante… J.G. : Cela vient d’une pres- sion des pays qui ne possé- daient pas de grand patri- moine culturel mais avaient au contraire des espaces natu- rels intéressants de rééqui- librer la liste en faveur du patrimoine naturel. Et le but de la règle des deux candi- L.P.B. : Les critères sont de plus en plus stricts ? J.G. : Il est normal qu’ils le soient car

L.P.B. : Quel est votre rôle en tant qu’ambassadeur auprès de l’Unes- co dans le processus de sélection ? J.G. : Au niveau français, quand les dossiers se prépa- rent, mon rôle est de donner un avis en tenant compte de ce que l’on sait des sensibili- tés des membres du comité de l’Unesco. Dire que dans ce contexte spécifique, telle ou telle candidature me paraît plus appropriée que l’autre, car elle tient mieux compte de l’état d’esprit du comité. Ce comité est composé de 21 États, qui sont renouvelés tous les quatre ans. Pour le moment, la France n’y siège plus. Je fais aussi partie du comité national qui est char- gé de sélectionner le projet qui sera porté par la Fran- ce. Propos recueillis par S.D.

“Il faut que ce soit original.”

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Crédits photos : La Presse Bisontine, Fabrice Barbier, Franch’Country Festival, Institut Ledoux, Mairie d’Ornans, Denis Maraux, Syndicat du Marais de Saône, Yves Petit.

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