La Presse Bisontine 211 - Juillet-Aout 2019

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n°211 - Juillet-août 2019

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POLITIQUE

Christine Bouquin, président du Département

“Je crois à l’art à et à la culture pour tous” La présidente du Conseil départemental du Doubs qui a lancé la retentissante exposition “Yan Pei-Ming face à Courbet” déroule les ambitions du Département en matière culturelle et touris- tique. Avec en filigrane, la politique, qui n’est jamais loin…

L a Presse Bisontine : Le temps fort de l’été culturel dans le Doubs c’est bien évidemment le bicentenaire de la nais- sance de Courbet avec cette exposition d’intérêt national à Ornans. Comment est né ce face-à-face entre Courbet etYan Pei-Ming ? Christine Bouquin : Je ne voulais pas que nous célébrions ce bicentenaire juste avec un grand événement éphémère. Mon idée était de partir de ce person- nage si singulier qu’est Courbet pour pouvoir retracer à travers lui tous les faits de société qui ont marqué ce dépar- tement et ainsi pouvoir emmener l’en- semble d’un territoire dans cette histoire qui le lie à Courbet depuis 200 ans. L’exposition-phare dumusée d’Ornans est née de ma rencontre il y a deux ans avec cet extravagant, attachant et géné- reux personnage qu’est Yan Pei-Ming. Entre nous, ça a immédiatement “mat- ché”. Cette collaboration s’est imposée comme une évidence. J’ai tout de suite imaginé Ming dans cet atelier de Cour- bet, 200 ans plus tard, et je souhaitais impérativement qu’un peintre repeigne dans cet atelier, c’est désormais chose faite, j’en suis ravie. Le dialogue que les deux artistes ont créé entre eux est fascinant. L.P.B. :Au-delà de l’exposition auMusée Courbet, que signifie pour vous vivre la réouverture de cet atelier historique de Courbet ? C.B. : Comme l’a dit Yan Pei-Ming, c’est à mon sens un acte politique plus que purement culturel. Car autour de la réouverture de cet atelier, je vois beau- coup plus loin et je souhaite que cet atelier devienne une vraie résidence d’artiste, qu’il soit également ouvert aux scolaires pour des initiations à l’art. Cet atelier, et la maison attenante que nous avons rachetée l’an dernier, sera un lieu où pourront éclore des talents pour notre jeunesse, pour nos artisans aussi. Car je crois véritable- ment à la culture et à l’art pour tous. Pour moi, c’est presque une lutte, un défi contre l’obscurantisme. Courbet et Yan Pei-Ming ont été souvent dans la provocation, la passion, presque l’art de déplaire. Tout cela renvoie un mes- sage extraordinaire contre toute forme d’intolérance.

au milieu d’éléments naturels forts, avance tout de même sans contrainte. L.P.B. : Elle vous ressemble ? C.B. (rires) : On pourrait en effet la com- parer à la place que tiennent certaines femmes dans le monde politique ! L.P.B. : Que représente ce Musée Courbet pour la politique du Département enmatière culturelle et touristique ? C.B. : Ce musée dont la réhabilitation par mon prédécesseur avait fait l’una- nimité est une pièce majeure du puzzle départemental enmatière de promotion. Maintenant avec l’atelier dont la réha- bilitation va se poursuivre encore sur les trois prochaines années, nous avons un atout formidable pour développer l’attractivité de ce territoire.Mais c’est une pièce du puzzle parmi d’autres grands atouts du département sur le plan culturel et touristique. Le tout en lien avec les initiatives locales des com- munes et des associations sur leur ter- ritoire. L.P.B. : Qu’avez-vous retenu de la venue d’Em- manuel Macron le 10 juin à Ornans ? C.B. : Cette visite signifiait quelque chose car il est également venu avec trois ministres. Elle signifiait notam- ment la reconnaissance du formidable travail fait dans le domaine de la culture dans ce département. J’ai vu dans cette visite la reconnaissance de l’État dans tout le travail des équipes du musée et du Département. C’était l’occasion aussi de positionner le Doubs dans le Pass culture réservé aux jeunes et d’échanger avec eux sur leurs attentes. Le président de la République n’a pas fait un discours politicien du tout, il a juste prononcé un discours très fort sur Courbet, pour son ami Ming et sur la culture. L.P.B. : Et vous, vous en avez profité pour lui livrer un message plus politique ? Il n’y aurait pas un peu de méthode Macron dans votre façon de faire de la politique ? En somme,êtes- vous comme d’autres une élue “macron-com- patible” ? C.B. : Je suis avant tout “Doubs-compa- tible”, je travaille là où est l’intérêt de ce département, c’est tout. Je ne crois pas à un parti unique, à mon avis c’est la porte ouverte à beaucoup de dérives si on n’y prend pas garde. L.P.B. : On vous a vu quinze jours auparavant accueillir LaurentWauquiez et François-Xavier Bellamy aumeeting de L.R. pour les Européennes à Besançon. Vous êtes donc toujours L.R. ? C.B. : Je suis toujours au sein des L.R. mais je suis d’abord moi-même. Les étiquettes passent loin derrière. Mon travail est de porter des projets pour l’intérêt de ce département du Doubs, je le fais avec ma personnalité. Elle peut ne pas plaire à tout le monde, mais là n’est pas l’objet. Je n’ai pas la prétention de faire duMacron, je reste aux L.R. et accueillir ce meeting était logique pour moi. Il est clair que la for- mation politique n’est pas au mieux

Christine Bouquin :

“Pour l’été, je cherche des endroits très simples, tranquilles…” (photo Y. Petit).

doit se faire en concer- tation avec tous les élus, petits comme grands, et les citoyens qui ont une vraie attente également sur ce sujet. Ce genre de réforme ne doit pas pas- ser par autoritarisme. L.P.B. : Lors de la dernière assemblée du Département le 17 juin, vous avez parlé de la périphérie contre le centre en évoquant les résultats des dernières élections, sous- entendu que la France péri- phérique avait tendance à plus se tourner vers les extrêmes ?

environnemental. Il y a bien sûr les éléments phares d’attractivité ici : je pense évidemment à la saline d’Arc- et-Senans, mais aussi à la Citadelle, à la vallée de la Loue, aux montagnes du Jura avec Métabief, au lac Saint- Point, au Château de Joux, etc., et à des réseaux comme la G.T.J. qui signi- fient vraiment quelque chose.Tout cela donne selonmoi les ingrédients parfaits pour un tourisme familial et environ- nemental. On ne cherchera jamais ici à faire du tourisme de masse. Dans le Doubs, nous voulons développer un tourisme qui correspond à la géographie et à l’histoire de ce territoire. Enmatière touristique, on peut très largement tirer notre épingle du jeu, j’en suis per- suadée, sachant qu’on n’est pas là non plus pour essayer de “casser la baraque”. L.P.B. : Qu’en est-il cette fois des ambitions de Christine Bouquin sur le plan politique ? On entend à nouveau reparler de l’hypothèse des sénatoriales pour vous ? C.B. : Je ne m’interdis jamais rien. Pour l’instant, je me consacre exclusivement à ce Département. Les sénatoriales seront sans doute repoussées en 2021, on en reparlera le moment venu ! L.P.B. : À quoi ressemblera l’été de Christine Bouquin ? C.B. : Je pense aller, comme je le fais tous les ans, à la découverte de nou- veaux vignobles de France, à la recherche de producteurs en biodynamie notamment, sans doute du côté des côtes-du-rhône. Je cherche des endroits très simples, tranquilles, où j’ai prévu de lire, de me reposer quelques jours. Et je compte aussi profiter de mon petit-fils de 9 mois qui est un nouveau rayon de soleil de ma vie. n Propos recueillis par J.-F.H.

de sa forme, mais cet état ne date pas d’hier, il remonte bien avant 2017 d’ail- leurs. Il y a eu des fractures au sein des L.R., et pour une séguiniste comme moi, avec ses valeurs sociales, il est clair que la ligneWauquiez n’était pas la bonne.Maintenant, avant de se trou- ver un nouveau chef, il est impératif pour L.R. de reconstruire la famille avec d’abord des idées, et ensuite des perspectives. L.P.B. : En tant qu’élue locale, avez-vous éga- lement senti du mépris de la part de l’État depuis l’élection de M. Macron ? C.B. : Je ne parlerais pas de mépris mais surtout de manque de concertation et de reconnaissance. Je pense que l’exé- cutif commence à se rendre compte de lamanière dont les élus locauxmettent les mains dans le mastic. Les élus ont eu à juste titre le sentiment de ne pas être écoutés. De mon côté, je n’ai jamais accepté de courber l’échine et je m’aper- çois tous les jours notamment depuis la création des grandes régions que le Département a encore plus sa place qu’avant dans la cohésion des politiques publiques. Nous traitons du quotidien de nos concitoyens, de la naissance à la vieillesse. L.P.B. :Le gouvernement a annoncé une réforme sur le statut de l’élu local. Elle est donc nécessaire selon vous ? C.B. : Cela fait 30 ans que je suis élue locale et 30 ans qu’on nous parle d’un statut de l’élu. J’ai vécu pendant des années la difficulté de rester en activité tout en étant élue, mais être élu, c’est avant tout un choix de vie. Il faudrait en effet des ajustements pour assurer les parcours et valoriser le travail des élus, contribuer à une meilleure recon- naissance des acquis, mais tout cela

“On ne cherchera jamais ici à faire du tourisme de masse.”

C.B. : Aujourd’hui, les citoyens veulent avoir les mêmes équipements partout et c’est compréhensible. Il est évidem- ment dangereux de vouloir privilégier certains types de territoires comme on a pu le faire sur le plan national. Ici dans ce département, c’est comme si on considérait qu’il n’y a que deux ter- ritoires qui comptent, l’agglomération de Besançon et celle de Montbéliard. Chaque territoire a sa spécificité et c’est la raison pour laquelle nous en tenons compte dans nos politiques publiques avec notre projet C@p25 qui colle aux spécificités de chacun d’eux. L.P.B. :L’été commence. Quelles sont les ambi- tions du Doubs en matière touristique ? C.B. : La politique touristique est une politique de long terme. Nous nous positionnons encore une fois dans un rôle de fédérateur entre tous les élé- ments d’attractivité qui composent ce territoire. Je pense que le Doubs doit se positionner dans un tourisme d’iti- nérance en lien direct avec le qualitatif

“Je ne crois pas à un parti unique, ça peut être dangereux.”

L.P.B. : Paraît-il que la “Femme au podoscaphe”, une œuvre de Courbet issue d’une collection privée et exposée pour la première fois à Ornans, est un peu votre chouchou de l’expo ? C.B. : Oui, en feuilletant un jour un catalogue sur les œuvres de Cour- bet, je me suis arrêtée sur cette toile beaucoup plus lumineuse que bien d’autres œuvres de Courbet. Pour moi, ce tableau représente la liberté dans la contrainte. Cette femme sur cette embarcation fragile, cheveux au vent

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