Journal C'est à Dire 114 - Septembre 2006

L E D O S S I E R

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Exploration Le groupe spéléo de Morteau explore en ce moment la grotte de Remonot. Ils sont les premiers à cheminer aussi loin dans les galeries entièrement noyées de cette cavité. La grotte de Remonot livre ses secrets

R emonot : son village, ses légendes, sa grot- te-chapelle et ses mys- tères. Des mystères que tente de percer le groupe spéléo du Val de Morteau qui s’est lan- cé dans l’exploration de cette cavité devenue lieu de pèleri- nage des chrétiens. Après plu- sieurs expéditions, ces hommes ont progressé d’un peu plus de 300 m sous terre en direction de Gilley. Premier constat : leur cheminement est difficile car ils sont en présence d’un réseau de galeries noyées qui les oblige à emporter avec eux un impor-

le sous-sol dans ce secteur des gorges du Doubs. Elle ressur- girait en surface, de façon très périodique, par la chapelle, inon- dée au moment des cures. La grotte ferait donc office d’exu- toire à ce réseau souterrain. C’est sur la base d’explorations récentes que Christophe Rognon étaye son analyse. Les lieux ont été parcourus pour la première fois par des spéléo- logues dans les années soixan- te-dix. À l’époque, les visiteurs ne sont pas parvenus à pro- gresser au-delà de 13 m. “Avec le club, nous avons fait notre pre-

tant matériel de plon- gée nécessaire à leurs investigations. Deuxième constat : cette quantité d’eau étonne les spéléos. “Mon hypothèse est

mière plongée en 1989. On buttait sur des zones trop étroites” se souvient- il. Ce n’est qu’en 2005 que le groupe reprend ses travaux.

“Le fil d’Ariane est notre plus tendre ami.”

que nous sommes en présence d’une énorme nappe captive” sup- pose Christophe Rognon, géo- logue de formation, et respon- sable du groupe Spéléo du Val de Morteau. L’eau serait donc contenue dans une sorte de grosse éponge irri- guée par un vaste labyrinthe de galeries calcaires qui sillonnent

“On s’est dit qu’avec l’évolution des techniques nous pourrions élargir les endroits trop exigus.” Six passages obstrués par des gours de calcite ont été déblayés au marteau-piqueur, jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment larges pour laisser passer un homme avec deux bouteilles d’oxygène sur le dos. Toutes ces opérations

Christophe Rognon emporte en plongée 50 kg de matériel. La plupart des équipements sont doublés pour des raisons de sécurité.

L’exploration de la grotte de Remonot a permis de mettre en évidence un important réseau souterrain immergé.

se sont déroulées sous l’eau ! Et là, c’est le grand plongeon. Visite guidée. “On entre tout d’abord dans un premier siphon de 130 m de longueur. Et d’une profondeur de 4 à 5 m.” L’ex- ploration se poursuit par l’en- trée dans un siphon de 175 m de longueur cette fois-ci qui abou- tit à une cheminée verticale dans laquelle descendent les plon- geurs à - 42 m avant d’être stop- pés par une trémie. Par contre, en remontant dans ce tube miné- ral, les hommes-grenouilles sor- tent de l’eau pour apercevoir d’autres galeries qui n’ont pas encore été explorées. Dans l’immédiat, les investiga- tions du groupe spéléo s’arrê- tent à ce vaste puis d’environ 10 m de diamètre. “Nous allons retourner à Remonot cet hiver. L’eau est plus froide mais la visi- bilité est meilleure.” La visibilité est un bien grand mot. Dans ces galeries, la per-

ception des plongeurs ne dépas- se pas les quatre mètres. “Quand on a palmé dans cette eau, sur le chemin retour on ne voit pas au-delà de 20 cm. C’est un café au lait absolu. Dans ces condi- tions, le fil d’Ariane dont on veille à l’entretien est notre plus tendre ami” explique le spéléologue qui insiste sur la rigueur dont ils font preuve en terme de respect des règles de sécurité. Ils pro- gressent dans le sous-sol avec sur le dos 50 kg de matériel dans une eau de 7° à 9 °C. Curieu- sement, à - 42 m de profondeur, ils rencontrent un courant d’eau à 15 °C. Christophe Rognon n’a pas encore d’explications pré- cises à ce phénomène. Conta- mination du Doubs ? Présence d’une autre galerie ? La répon- se à ces questions est ouverte. Cela fait partie des énigmes de la grotte qui restent à lever.

T.C.

Les plongeurs descendent à - 42 m de profondeur dans un puits de 10 m de diamètre.

Sur le parcours, les poches d’air sont très rares.

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