La Presse Pontissalienne 116 - Juin 2009

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 116 - Juin 2009

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LYRIA

Une logique économique Christian Rossi : “Ce train est lourdement déficitaire” Le directeur général de Lyria revient sur la suppression d’une des deux liaisons Paris-Berne qui, selon lui, n’est pas assez rentable.

Christian Rossi, le directeur général de Lyria, justifie sans aucun état d’âme la suppression de cette liaison Paris- Berne qui sera effective au changement d’horaires du 13 décembre 2009.

P a Presse Pontissalienne : Les élus fran- çais et suisses s’étonnent de ne pas avoir été informés plus tôt. Qu’en pen- sez-vous ? Christian Rossi : Il n’y a rien de brutal dans cette décision. Ça l’aurait été si l’on avait arrêté il y a deux ans. Ce gen- re de nouvelle n’est jamais bien accueilli. L.P.P. :Cela va aussi se répercuter sur l’attractivité des villes concernées. C.R. : La raison d’être de Lyria n’est pas de faire de l’aménagement du terri- toire. Je précise aussi qu’il s’agit d’une décision prise par les actionnaires de Lyria, à savoir la S.N.C.F. et les C.F.F. L.P.P. : Comment justifier cette fermeture ? C.R. : Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur cette liaison, le taux d’occupation global est 20 % inférieur à celui des autres trains Lyria. C’est la même cho- se pour le taux d’occupation interna- tional qui correspond aux passagers franchissant la frontière. Il oscille entre 29 et 32 %, soit très en dessous de la moyenne des autres Lyria. C’est le seul train nettement en dessous du seuil de rentabilité. L.P.P. : Seule prévaut la logique économique ? C.R. : Tout à fait. Il n’y a pas un mar- ché suffisant pour ces trains à desti- nation ou venant de Paris. Les T.G.V. qui ne sont pas rentables doivent dis-

me telle. Parmi les solutions de rem- placement, il est question de mettre en place un bus entre Pontarlier et Frasne. Les Suisses regardent s’ils peuvent trouver un train pour faire du Neuchâtel-Pontarlier. L.P.P. : Comment se porte l’autre liaison Paris- Berne ? C.R. : Elle se maintient à l’équilibre sans enregistrer un gros bénéfice.Mais si le trafic poursuit son évolution actuel- le, on aura aussi une grosse chute sur Berne et plus petite sur Neuchâtel. L.P.P. : Certains élus et associations d’usagers évoquent la politique tarifaire peu attractive sur la ligne Paris-Berne ? C.R. : C’est un argument fallacieux que je regrette. On applique les tarifs fran- çais sur tous les trains Lyria à la seu- le différence que les clients interna- tionaux réservent en général plus tôt que les Français. Comme certains trains sont notamment surchargés, il y amoins de disponibilités par les tarifs français meilleur marché. L.P.P. : Qu’adviendra-t-il du Paris-Lausanne ? Est-il menacé ? C.R. : Il n’y a pas de changement à l’horizon. Si l’on doit un jour renforcer les trains sur Lausanne, il y aura plus de liaisons par Genève. Propos recueillis par F.C.

paraître. Cette notion ne correspond malheureusement pas à un service public. Les C.F.F. ne touchent pas de subventions de l’État Fédéral pour assurer les services Grandes Lignes. L.P.P. : La participation des collectivités dans l’amélioration de la ligne n’a donc aucun sens ? C.R. : Les investissements réalisés entre Berne et Neuchâtel n’ont jamais été réclamés par les transporteurs. Les C.F.F. ont toujours dit qu’ils privilé- gieraient deux portes d’entrée en Suis- se : Bâle et Genève. L.P.P. : Le déficit est de quel ordre ? C.R. : Plusieurs centaines de milliers d’euros. Cet aller et retour Paris-Ber- ne est lourdement déficitaire sans espoir d’amélioration. Aujourd’hui, 12 % des passagers T.G.V. montant ou descen- dant à Bâle ont pour origine ou desti- nation le canton de Berne. Cette ten- dance va encore s’accentuer avec l’augmentation des fréquences et l’accélération du temps de parcours entre Bâle et Paris de 30 minutes. Le marché bernois a tranché et le neu- châtelois n’est pas assez important pour le compenser. L.P.P. : Cette suppression peut-elle être remi- se en cause ? Y a-t-il des alternatives ? C.R. : La décision de fermeture est irré- vocable. Elle a été communiquée com-

USAGERS Sujet chaud Un racket scandaleux ! Le président de la FNAUT Franche-Comté, François Jeannin, s’attendait à tout sauf à l’annonce de cette suppression P rançois Jeannin ne s’est toujours pas remis de cette annonce de suppression. “S’il y a un coup auquel on ne s’attendait pas, c’est celui-là. Et d’autant plus quand on sait que les C.F.F. sont action- naires de Lyria.” Le président de la section franc-comtoise de la Fédé- ration Nationale des Associations d’Usagers des Transports estime que ça ne peut pas durer. Il critique la stratégie du patron de la S.N.C.F., Guillaume Pepy, à vouloir mettre en concurrence des sociétés privées de chemin de fer. À quoi bon selon lui investir 43,6 millions d’euros dans l’amélioration de la ligne. “Et dire que le travail de renforcement de la traction électrique entre Dole et Vallorbe n’est même pas achevé. L’objectif de ce chantier vise à donner la puis- sance nécessaire sur la rampe entre Mouchard et Frasne.” Il rappelle que ce projet découle d’un traité signé entre la France et la Suisse le 28 mars 2003 ayant pour finalité de favoriser le développement des deux régions. “Si la liaison Frasne-Berne vient à disparaître, il n’y a plus besoin de gare à Frasne.” Même credo sur la politique tarifaire pratiquée par Lyria. “Les T.G.V. Lyria sont toujours en heures de pointe. C’est du racket scandaleux.” François Jeannin est très remonté et ce n’est pas le prétexte du manque de sillons (créneaux horaires libres) avancé par Lyria qui va le convaincre. “Les sillons ! Il y a de la place de tous les côtés contrairement à la ligne Bâle-Strasbourg. Faut pas qu’on nous amuse avec ça.” Bref, du côté de la F.N.A.U.T.-Franche-Comté, on affiche la totale solidarité. “Cela ne peut pas durer”

SUISSE

Du simple au double Les tarifs sont prohibitifs

Le Paris-Berne occupe une place prépondérante dans le maillage ferroviaire neuchâtelois. La révision des horaires et des prix améliorerait certainement sa fréquentation.

“Avec cette suppression c’est un trait d’union entre les régions transfronta- lières qui risque d’être mis en danger”, observe Pascal Vuilleumier le respon- sable des transports au canton de Neuchâtel

L es chemins de fer suisses sont un modèle du gen- re sur le plan des caden- cements. La suppression du Paris-Berne poserait de gros problèmes en Suisse car ce T.G.V. fonctionne en pendu- laire avec les autres liaisons. “On ne voit guère de solutions de remplacement si ce n’est sous la forme d’un report de charges. Les collectivités devraient payer elles-mêmes

cette substitution dont le coût a été évalué à 750 000 francs suisses par an. On se refuse bien entendu cette perspecti- ve” , note Pascal Vuilleumier, le chef de l’office des trans- ports du canton de Neuchâ- tel. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la fré- quentation du T.G.V. Berne- Paris au départ de Neuchâ- tel va à l’encontre des décisions de Lyria. 42 900

zoom Quelques comparaisons de prix Neuchâtel-Pontarlier, aller simple en 2 ème classe -via Fleurier en bus : 19 francs suisses -par T.G.V. : 37 francs suisses Neuchatel-Dijon, aller simple en 2 ème classe - via fleurier en bus et TER : 55 francs suisses - par T.G.V. : 69 francs suisses

voyageurs pour le trainmena- cé de suppression contre 25 413 pour la ligne qui sera maintenue. Les représen- tants de l’AssociationTrans- ports et Environnement ne semblent guère étonnés de la baisse des taux de fré- quentation. “Comment fidé- liser les clients si on ne fait aucun effort, observe Chris-

tine Gaillard. Sur les courtes distances les prix demandés par Lyria sont prohibitifs. Ils varient parfois du simple au double. Les horaires man- quent d’attractivité. Le matin, le T.G.V. Paris-Berne devrait être repositionné environ 2 heures plus tôt pour permettre une arrivée vers 11 heures dans la capitale française.”

François Jeannin ne décolère pas.

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