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« Le Couesnon en sa folie, a mis le Mont en Normandie », estime un dicton local. De fait, le feuve côtier qui marque la limite entre les deux provinces se jette dans la Manche au pied des remparts ouest du Mont-Saint-Michel, plaçant ainsi la Merveille sous le signe du léopard normand et non sous celui de l’hermine bretonne. Reste que la majeure partie de la baie du Mont-Saint-Michel se trouve en Bretagne et que, pour les pèlerins, la marche la plus exaltante vers l’archange d’or consiste à longer le marais de Dol, puis les polders et les herbus. L’ancien chemin des miquelots y suit un littoral dont la démesure ne laisse pas d’impressionner, tant les espaces immenses et nus faussent toute appréciation du paysage. Le Mont y prend les dimensions d’une véritable montagne, et ce qui relève de la mer ou de la terre ne se distingue plus guère dans les lointains. En vérité, les deux élé- ments s’y confondent, car la baie connaît parmi les plus grandes marées de la planète : aux vives-eaux moyennes (coefcient de 95 sur une échelle de 120), la diférence de niveau entre la pleine et la basse mer atteint 11 mètres. Or la baie forme un plateau dont la pente est très faible ; la marée descendante entraîne donc la mer à des distances considérables, jusqu’à la faire disparaître de l’autre côté de l’hori- zon, à quatre kilomètres de la terre ferme. Dès lors,

avec le fot, la mer parcourt de nouveau cette longue distance sous la forme d’un train de vaguelettes qui entretiennent une onde à l’avancée régulière, inexo- rable. Et même s’il est exagéré de dire qu’au Mont- Saint-Michel, la mer monte à la vitesse d’un cheval au galop, un homme a peu de chances de gagner la course contre le fot.

Le mont Dol, un rocher de 65 mètres aux arrondis parfaits

La meilleure façon de cerner l’esprit des lieux est de les contempler depuis le sommet du mont Dol, cet énorme rocher aux arrondis parfaits, posé au beau milieu d’une campagne résolument plate. Du haut de ses 65 mètres, la vue porte à l’in- fni sur un patchwork de champs et de prés, dont chaque pièce dessine un rectangle aux dimensions variables mais toujours bordé par une haie ou un rideau d’arbres. C’est le marais de Dol, prolongé en direction du Mont-Saint-Michel par les polders, avec une nuance entre ces deux terroirs : si le premier est ponctué de nombreux villages et hameaux, l’autre reste désertique à l’exception de quelques exploita- tions agricoles dispersées çà et là. Rien d’étonnant,

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