La Presse Bisontine 122 - Juin 2011

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 122 - Juin 2011

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POLITIQUE

Le sénateur-maire de Dijon “Que le maire de Besançon sorte

de son sentiment d’infériorité !”

“Besançon-Dijon : je t’aime moi non plus.” Aux craintes ressenties parfois à Besançon envers Dijon, François Rebsamen répond coopération. Même s’il tacle gentiment son ami Jean-Louis Fousseret, le maire de Besançon peut être rassuré…

L a Presse Bisontine : Besançon est-elle visible de Dijon ? François Rebsamen : Non seulement nous voyons Besançon mais je considère que c’est un partenaire indispensable pour l’avenir. Une petite anecdote : il y a quelques semaines, nous inaugurions en gare de Dijon le lancement du décompte pour le T.G.V. Rhin-Rhône. Sur le mur du hall de gare, toutes les villes sur le tracé étaient marquées sauf une : Besançon ! Je suis interve- nu pour que la S.N.C.F. répare cette erreur. Comment en effet parler de la L.G.V. Rhin-Rhône sans parler de Besançon ? Tout cela pour dire que je porte un grand intérêt à la coopéra- tion actuelle et future entre Dijon et Besançon. L.P.B. : On a souvent le sentiment que Besan- çon a peur de Dijon. Est-ce justifié ? F.R. : C’est à tort que Besançon a peur de Dijon. Je le répète : notre dévelop- pement est lié. Que ce soit dans le domaine universitaire, hospitalier et même économique. Il y a une complé- mentarité entre nos deux villes, pas une concurrence directe. Dijon est plus spécialisé dans la pharmacie et l’agro- alimentaire pendant que Besançon l’est plus dans la micromécanique ou l’horlogerie. Il n’y a aucune raison d’avoir peur l’un de l’autre. Besançon a peur d’être mangé par Dijon, je l’entends souvent en effet. J’ai propo- sé à Jean-Louis Fousseret que nous travaillions à la création d’un pôle métropolitain entre nos deux villes. L.P.B. : Et alors ? F.R. : Jean-Louis Fousseret m’a répon- du : “Laisse-moi d’abord me renforcer en Franche-Comté et voir les villes proches avec lesquelles je peux m’associer.” Il n’est pas opposé à ma proposition mais a demandé un peu de temps. Il faut qu’il comprenne qu’il n’y a rien de commun entre s’associer à une ville comme Dole et avec une capitale régionale comme Dijon. La loi permet désormais de créer des pôles métropolitains entre deux agglomé-

tra l’un et l’autre. Nous sommes jus- tement au milieu du triangle Paris- Lyon-Strasbourg. C’est une chance, mais il faut savoir se regrouper. Besan- çon ne peut pas seule avoir le rayon- nement suffisant et il n’est pas sûr non plus que Dijon seule le puisse. Tours, Angers et Le Mans se regroupent pour peser face à Rennes ou Nantes. Il faut faire pareil en créant une vraie agglo- mération de 450 000 habitants avec des pôles d’excellence complémentaires. Mais je sens encore chez Jean-Louis Fousseret une certaine réserve. L.P.B. : Il faut dire que sur certains dossiers, la méfiance envers Dijon peut se comprendre : le départ de R.F.F. sur Dijon, le rapatriement du siège de la Caisse d’Épargne… F.R. : Pour R.F.F, il n’y a pas d’ambiguïté. Avant d’être sur Besançon, R.F.F était installé à Dijon. Je n’ai pas pleuré quand R.F.F. est allé implanter son siè- ge à Besançon ! Et je n’y peux rien si Dijon est le nœud ferroviaire de la région ! Que ce soit bien clair : je ne suis jamais intervenu pour que R.F.F. revienne à Dijon. On doit maintenant trouver un terrain d’entente pour que R.F.F. conserve une implantation à Besançon. Je comprends que ces sym- boles-là soient importants aux yeux du maire de Besançon mais ce qui est surtout important, c’est le développe- ment de l’économie non assistée. Le maire peut être rassuré : je n’irai jamais voir une entreprise bisontine pour qu’elle vienne s’installer à Dijon. Pour ce qui est du siège des grandes banques, les grands groupes ont leur propre logique de regroupement. On ne doit pas vivre dans la peur constan- te. Que Besançon n’ait pas peur d’affronter la réalité ! Certains grands sièges d’entreprises ont quitté Dijon pour Lyon, je ne me suis pas apitoyé pour autant. L.P.B. : Même crainte pour le rapprochement des universités de Bourgogne et de Franche- Comté. Le risque que Dijon phagocyte Besan- çon existe-t-il ? F.R. : Encore une fois, non ! Je connais bien les enjeux de ce dossier. Besan- çon en profitera autant que Dijon. Seules, les deux universités seront rayées du paysage universitaire fran- çais. Alors qu’à deux, elles pèseront 52 000 étudiants. Au lieu de rester en deuxième division les deux, elles peu- vent prétendre ensemble accéder à la première division. C’est exactement la même chose pour les hôpitaux. Il y aura peut-être des spécialités qui n’existeront plus à Dijon et qui seront à Besançon. Je dis toujours : “Travaillez ensemble !” Nous serons à 25 minutes de T.G.V. d’une ville à l’autre, c’est à peine une ligne de métro. On peut avoir des pôles d’excellence dans nos deux capitales régionales. C’est la même chose pour la culture. J’étais de ceux qui pensaient qu’il valait mieux avoir un grand orchestre inter- régional. Car il faut élever le niveau de nos équipements culturels. Besan- çon a préféré s’associer avec Montbé-

François Rebsamen est maire de Dijon depuis 2001, président du Grand Dijon. Il est aussi sénateur de Côte-d’Or depuis 2008.

F.R. : Si on renforce nos coopérations, ça facilitera encore plus les échanges. J’encourage vivement les Dijonnais à aller découvrir Besançon. C’est une ville dont on s’inspire d’ailleurs pour certaines politiques : les pratiques envi- ronnementales, l’informatique, etc. Besançon reste une ville d’innovation. Jean-Louis Fousseret a su monter son dossier Unesco plus vite que nous. Je ne suis pas jaloux, je m’en félicite. L.P.B. : Un mot sur le T.G.V. Rhin-Rhône : Dijon aura sa gare centrale en ville, pas Besançon… F.R. : Il n’était pas question pour moi que la gare soit ailleurs qu’au centre. On n’aurait pas mis un euro dans le projet sinon. L.P.B. : Votre tramway avance à grands pas. Pourquoi n’avez-vous pas attendu Besançon ? F.R. : J’avais organisé une réunion à Paris avec les maires de Brest, deTours, du Havre et de Besançon pour orga- niser des appels d’offres communs et coopérer sur les tarifs. J’ai eu le sen- timent que Jean-Louis Fousseret vou- lait rester seul maître de son projet… Nous nous sommes associés à Brest pour la commande de 52 rames. Nous aurons le chantier le plus rapide de France. Il a démarré en septembre 2010. Le tramway sera inauguré en sep- tembre 2012. C’est la “loi de l’emmerdement maximal”mais je pen- se que les Dijonnais ont compris qu’il fallait aller vite.

L.P.B. : Oui, mais à Besançon, le tramway ne coûtera pas 400 millions comme à Dijon (20 km de ligne) mais 228 millions (14 km de ligne)… F.R. : On en reparlera à la fin du chan- tier… Les délais de réalisation, ça compte énormément dans le coût. L.P.B. : Question plus politique : vous qui étiez un des plus proches lieutenants de Ségolène Royal, vous la laissez tomber pour soutenir François Hollande ! F.R. : François Hollande est mon ami de toujours. Il n’avait pas souhaité y aller en 2007 et c’est lui qui m’avait demandé de soutenir Ségolène. Ce que j’ai fait jusqu’au bout et même jusqu’à la présidence au poste de première secrétaire du parti. Maintenant, je ne sais pas pourquoi, mais tous les amis du P.S. n’en veulent pas. Même si elle a encore un rôle à jouer, son temps est passé. La priorité pour la gauche, c’est de gagner. Je pense qu’il faut un hom- me cette année : il y a encore 15 % de Français qui n’imaginent pas une fem- me à la tête de l’État. Hollande a ma préférence. Je pense que Hollande assu- re une contre-image plus forte à Nico- las Sarkozy que ne l’aurait eu D.S.K. L.P.B. : Avez-vous une ambition ministériel- le ? F.R. : Je ne quitterai pas Dijon pour n’importe quoi. Si on demande de jouer un vrai rôle, je serai favorable.

liard. Il faut vraiment que le maire de Besançon sorte de son complexe d’infériorité, je le dis amicalement. L.P.B. : Jean-Louis Fousseret dit souvent : “Les dossiers bisontins seraient mieux défendus si Besançon avait un maire parlementaire.” Comprenez-vous votre ami Jean-Louis qui souhaite se présenter aux législatives en 2012 ? F.R. : (rires) Personnellement, je suis favorable à une loi pour limiter le cumul. Mais il faut qu’elle s’applique à tous. Le P.S. seul ne peut pas se fai- re hara-kiri. Si demain il y a une loi, je choisirai Dijon et le Grand Dijon. Je comprends Jean-Louis Fousseret quand il dit cela,mais c’est son côté qui m’agace le plus quand il nous dit “Je suis moins reconnu que vous car je ne suis pas parlementaire.” Il l’a été alors que moi je ne l’étais pas. Ceci dit, il a raison quand il dit que pour défendre sa vil- le et son agglomération il vaut mieux être parlementaire. Il me dit aussi sou- vent : “Toi tu vois les présidents des groupes industriels, moi je vois juste le directeur général…” Le système est ainsi fait en France qu’il vaut mieux en effet être parlementaire. Alors si Jean-Louis Fousseret souhaite être candidat, je souhaiterais qu’il le soit. Et je l’aiderai. L.P.B. : Dernier chapitre de ce sentiment d’infériorité : le commerce. Dijon a Ikéa, un Zénith, un commerce florissant, si bien que les Bisontins viennent faire leurs emplettes à Dijon. L’inverse n’est pas vrai.

rations qui font à elles deux plus de 350 000 habitants et dont l’une comprend une ville qui compte plus de 150 000 habitants, ce qui est notre cas. L’idée est vrai- ment d’être visible à l’échelle européenne. Je lui ai même dit que je lui laisserais la prési- dence d’un futur syn- dicat mixte ! L.P.B. :Vous qui êtes à moins de deux heures de Paris et de Dijon, quel intérêt auriez- vous à vous tourner vers Besançon ? F.R. : Si on n’a pas cette force de frappe au niveau universitaire, économique ou encore culturelle, on disparaî-

“C’est son côté qui m’agace le plus…”

Propos recueillis par J.-F.H.

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