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ÉDITO NUMÉRO 200 18

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S I T ’ E S P A S M ’ I N C O I N …

Samuel Dhote / Détours en France

C’est tout de même curieux, il suffit de prononcer le mot « Nord » pour voir illico votre interlocuteur se rembrunir… Son sourire se fige, ses yeux se froncent dans une expression où l’on sent déjà poindre l’ombre des jours sombres et frisquets. Pourtant, de Nord ex- trême, version pôle Nord, il n’est ici pas question. Notre Nord évoqué déploie sa superbe et attachante capitale à une petite heure de TGV de Paris: rejoindre Arras n’est guère plus long qu’un trajet Paris-banlieue en RER! Vous n’y pouvez rien, pour beaucoup, le Nord est réso- lument le contraire, l’opposé, l’inverse et vice versa du Sud, le pays où les orchestres de cigales et les rivières de pastaga enchantent le quotidien. Mais trêve de déter- minisme géographique… Donc, on disait? Ah! le Nord, on en arriverait presque à le perdre! Alors pour mieux le (re)trouver, il faut y voyager. D’abord, c’est une mosaïque de pays, avec re- lief et couleurs à la clef. Prenez les monts de Flandre. Si la pudeur des gens du Nord n’en fait pas une mon- tagne, le paysage, piqueté de moulins, de fermes fla- mandes, de houblonnières, d’estaminets, n’engendre pas la mélancolie. Côté mer, oui, forcément plat comme la paume de la main. Les ciels et les flots, eux, n’ont pas fini de créer un sacré mouron aux peintres, photo- graphes et écrivains cherchant à en saisir les com- plexes beautés. Et d’écouter Raoul… de Godewarsvelde, le chansonnier lillois auteur de la ritournelle Quand la mer monte, quasi un hymne aux côtés du P’tit Quinquin et des Corons: « Suis ta voie et perds pas l’Nord / Perds pas l’Nord padada / Perds pas l’Nord. » Des gens du Nord, on dit aussi qu’ils ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors. Après tout, « i vaut miux faire invie qu’pitié. » Ce pays joyeux et jovial existe bel et bien. Les Cht’is possèdent des prédispositions à

la fête, à la célébration des plaisirs simples de la vie. Non, ce n’est pas une blague à la Cafougnette, le p’tit personnage frondeur et farceur, inventé par le poète et mineur de fond Jules Mousseron! Qui n’a jamais mis les pieds dans une ducasse, suivi le cortège des Géants en entonnant Reuze Lied ou l’Air de Gayant, tournoyé, vire- volté, titubé bras dessus bras dessous avec la bande des Carnavaleux dunkerquois au son de la Cantate à Jean Bart, ressenti dans le ventre douillet d’un estami- net ce que les mots « Fraternité » et « Authenticité » voulaient vraiment dire…, celui-là a tant à découvrir. « Avec leur accent qui peine / Qui a la couleur des mines de charbon », ils ont la chaleur au creux du palpitant. Les pavés tracent des chemins, où les destins des hommes n’ont pas toujours connu la ligne droite. Gam- brinus dame depuis toujours le pion à Bacchus. Les bef- frois carillonnant « donnent l’heure à l’âge ». Les dimanches s’endimanchent de braderies, de jeux tradi- tionnels, de marchés, de baignades familiales sur les plages de Malo, Wissant, Wimereux ou Merlimont. Vous n’avez qu’à regarder ces festives fratries qui, le soir ar- rivant, rougies telles des écrevisses par le soleil, sont à la queue-leu-leu au pied de la baraque à frites.

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La place aux Oignons, dans le Vieux-Lille. Depuis le parvis de Notre- Dame- de-la-Treille, on y accède par la cour à l’Eau. Forcément, on se rue alors vers une des tables de l’estaminet, assoiffé d’Histoire locale!

Si certains pensent tout haut que ce ne seraient que navrants clichés, Cafougnette, comme diablotin surgit de sa cachette, leur répliquerait: « Le Nord, c’est souvent comme partout ailleurs, les gens du Nord sont comme tous les autres… Mais en mieux. »

P A R D O M I N I Q U E R O G E R RÉDACTEUR EN CHEF

Bertrand Rieger / Détours en France

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www.detoursenfrance.fr / Septembre 2019 / 218