La Presse Bisontine 107 - Février 2010

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 107 - Février 2010 2

Volonté À peine commencée que lʼannée 2010 se teinte déjà de politique. Avec à lʼaffût un animal fin prêt à en découdre dʼici mars. Cʼest donc Alain Joyandet qui dégaine le premier dans le futur com- bat quʼil mènera pour la tentative de reconquête de la Région par la droite. Le secrétaire dʼÉtat-candidat dévoile sa liste. Suivront de près celles présentées par le P.S., les Verts et notamment enco- re celle, très attendue, promise par le candidat “libre et indépendant” Jean- François Humbert. À gauche comme à droite, et une nouvelle fois, cʼest en ordre de bataille dispersé que se présente- ront devant les électeurs les représen- tants de la droite et de la gauche. Les Verts et le P.S., pourtant alliés jusquʼau 13 mars prochain au sein de lʼexécutif régional et ayant mené la même poli- tique durant six ans, seront face à face dès le lendemain dans les urnes. À droi- te, la belle mécanique huilée de large rassemblement voulue parAlain Joyan- det est grippée par le trublion Humbert qui nʼen fera jusquʼau bout quʼà sa tête, avec a minima à son crédit, un pouvoir de nuisance certain. Lʼissue de ce scru- tin régional nʼa peut-être jamais été aus- si incertaine et promet, sans doute, de belles surprises, de quelque côté que penchera la balance. En observateurs attentifs de ces futures joutes, le million de Francs-Comtois et parmi eux, ceux qui ont gonflémalgré eux les statistiques de cette région qui brandit, peu glo- rieuse, le titre de championne nationa- le des destructions dʼemplois depuis que la crise économique sʼest répan- due en France. Alors quʼont-ils cette fois-ci à proposer ces candidats mul- tiples pour enrayer cette mauvaise spi- rale ? La gauche a tenté de panser les plaies avec ses emplois-tremplins, dont le bilan est certes encourageant mais largement insuffisant pour dynamiser lʼemploi pérenne des jeunes. Cʼest donc bien à lʼaune des propositions sur le volet économique que les électeurs devront juger les programmes. Car cʼest cette mission - lʼéconomie et lʼemploi - qui sera bientôt au cœur des politiques régionales et dʼelle aussi que tout le res- te pourra découler. Et au-delà des pro- positions de programmes, cʼest surtout la volonté farouche des candidats de sʼattaquer à cette unique question quʼil faudra mesurer avant de prendre posi- tion pour tel ou tel. Lʼannée 2010 sera celle de lʼéconomie en Franche-Com- té, ou ne sera pas. Jean-François Hauser Éditorial

INTERNATIONAL

Le journaliste irakien lanceur de chaussure se confie

Réfugié en Suisse, le journaliste irakien Munthazer Al Zaidi devenu célèbre pour avoir lancé sa chaussure au visage de George Bush nous relate sa vie avant et après son geste. Témoignage poignant. Il a pris son pied avec Bush

Q uand les Américains lâchent des bombes au-dessus des têtes irakiennes, lui a choi- si de lancer sa chaussure au visage du président américain George Bush . C’était le 14 décembre 2008. Depuis ce jour, Munthazer Al Zaidi est devenu célèbre. Mais ce n’est pas ce qu’il recherchait. Non, le journaliste irakien - ancien correspondant de la chaîne Al-Baghdadia - voulait simplement “porter à la face du monde entier les mensonges américains” dit-il. Mission réussie. Des émirs arabes lui ont promis des millions de dollars, la marque de chaussure qu’il portait est en rupture de stock. En attendant, ce coup de colè- re lui a valu neuf mois de prison et d’isolement, de la torture, des brimades et un exil forcé. Après son incarcération, le journaliste s’est réfu- gié à Beyrouth et a obtenu un visa touristique pour passer troismois en Suisse. C’est là que nous l’avons rencontré, invité par le Club 44 de La Chaux-de- Fonds. Accompagné d’un traducteur tunisien, il commente la portée de son geste et évoque la créa- tion de la fondation “Al Zaidi” qui récolte de l’argent pour construire un nouvel Irak, “sans l’occupant.” La Presse Bisontine : Qu’a-t-il bien pu se passer dans votre tête lorsque vous avez balancé votre chaussure en direction du président américain ? Munthazer Al Zaidi : Lorsque j’ai vu le visage “crimi- nel” de Bush, j’ai utilisé ma manière quand lui uti- lise les balles pour tuer. Moi, je ne pourrais jamais tuer une personne alors je lui ai montré ce que ses propres soldats font subir à nos enfants, vieillards, femmes et hommes.Avec leurs chaussures, ils mar- chent sur le sang des Irakiens… L.P.B. : Regrettez-vous votre geste ? M.A.Z. : Non, je m’étais préparé à cet acte et si c’était à refaire, je le referais. En revanche, je n’étais pas préparé à ce que j’ai subi. L.P.B. : Racontez-nous ? M.A.Z. : Une fois la chaussure lancée, j’ai été cein- turé. La sécurité m’a conduit dans une pièce voi- sine alors que Bush continuait son discours. Ils m’ont frappé, j’ai crié. On entend d’ailleurs mes cris et les services de sécurité ont demandé à ce que les caméras soit coupées. Mais un journaliste irakien diffusait en direct. On a tout entendu. L.P.B. : Puis vint le séjour en prison condamné à 3 ans, il pur- gera 9 mois… M.A.Z. : J’ai prié Dieu pour mourir et offrir ma vie pour la paix. Ils m’ont frappé avec des barres de fer, câbles électriques, m’ont cassé une table sur le dos. J’ai eu les côtes, le nez et les dents cassés puis j’ai été plongé dans l’eau froide en plein mois de décembre les pieds et poings liés avec les yeux ban- dés. Je ne regrette rien car je peux témoigner com- ment les Américains se comportent avec les êtres humains ! Pendant troismois,j’ai étémis à l’isolement et n’ai eu le droit de parler à personne.

est plus acceptable que l’occupation. Il faut un gouvernement multi- confessionnel. C’est possible. L.P.B. :À Paris,unAméricain a balancé sa chaussure contre vous.Vous sentez-vous en danger et pourquoi avoir choisi la Suis- se comme pays d’accueil, alors que les habitants viennent de voter contre les minarets ? M.A.Z. : Je m’attendais à recevoir une chaussure un jour mais je n’ai pas peur pour autant. Je me bala- de seul en Suisse, tout va bien. Je ne connais pas bien la politique suisse mais je suis assez confiant dans ce peuple qui a toujours com- battu les personnes qui ont vou- lu les priver de liberté et n’ai pas peur par rapport à ce vote. L.P.B. : En prison, on vous a promis des millions de dollars pour ce geste. Êtes- vous riche ? M.A.Z. : J’ai reçu des milliers de lettres mais pas des millions d’euros. C’est la dure réalité et c’est pourquoi j’ai créé ma fonda-

L.P.B. : Ce sont les Américains qui vous ont torturé ? M.A.Z. : Non, des Irakiens…mais ce n’était pas des Irakiens normaux. L.P.B. : L’élection d’Obama a nourri des espoirs. Les Irakiens se sont-ils trompés ? M.A.Z. : On croyait qu’Obama allait être Superman. Il y avait 150 000 hommes en Irak sous Bush. Aujourd’hui, il y a toujours 150 000 soldats ! ÀOba- ma, on devrait lui délivrer le Guinness des records de la personne qui a le plus parlé de paix mais qui n’a rien fait. L.P.B. : Les États-Unis motivent leur occupation pour “délivrer le peuple” et lui donner sa liberté. Votre réaction ? M.A.Z. : Vous pensez les États-Unis assez courageux pour sacrifier 4 000 soldats juste pour rendre la liberté aux Irakiens (il coupe). Il n’y a que dans les films d’Hollywood que l’on voit ça. Tout est straté- gie et mensonge : lesAméricains veulent contrôler tous les pays du Golfe pour se procurer le pétrole. Ils ont déjà leur base en Afghanistan et ont men- ti par rapport aux armes de destruction massive. L.P.B. : Qui commandite les attaques terroristes en Irak ? Al- Qaïda ou… les États-Unis ? M.A.Z. : Ce sont les Américains qui tirent toutes les ficelles si bien que la corruption est énorme. J’ai vu de mes propres yeux des snipers américains viser et tuer des jeunes enfants juste pour s’amuser. Mais enOccident, vous ne voyez rien car l’Amérique contrôle toutes les images, comme vous ne verrez jamais toutes les maisons détruites par les avions F-16. L.P.B. : Un Irak libre et indépendant, est-ce possible ? M.A.Z. : Il faut que tout le peuple se soulève. Tout

Munthazer Al Zaidi dit avoir

été torturé après son geste. Selon lui,

les soldats américains multiplient les exactions contre les Irakiens.

est éditée par “Les Éditions de la Presse Bisontine”- 1, rue de la Brasserie B.P. 83 143 - 25503 MORTEAU CEDEX Tél. : 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81

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tion “Munthazer Al Zaidi” pour venir en aide aux victimes de cette guerre d’occupation : les veuves, les orphelins et les handicapés. L.P.B. : Quand quitterez-vous la Suisse pour retourner chez vous ? M.A.Z. : C’est trop risqué pour le moment.

Imprimé à I.P.S. - ISSN : 1623-7641 Dépôt légal : Janvier 2010 Commission paritaire : 1102I80130

Crédits photos : La Presse Bisontine, Ambassade de France, Fabrice Barbier, C.A.G.B., Coralie Mogis, Guillaume Perrot, R.F.F., Jack Varlet.

Propos recueillis par E.Ch.

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