SPORT, PAIX ET DÉVELOPPEMENT 1913 -2013

la femme est-elle L’avenir du SPORT ? LA France, un exemple ÉClairé Emmanuelle Bonnet Oulaldj / France

« il n’est point d’être plus odieux que ce qu’on peut appeler la femme sportive » . Tout le monde connaît la position de Pierre de Cou- bertin lui-même sur cette question. Il jugeait le sport féminin «inintéressant, inesthétique et inconvenant », et interdisait la participa- tion des femmes aux Jeux Olympiques comme dans la Grèce Antique, ou esclaves et femmes n’avaient pas le droit de fouler les pistes des premiers stades de l’humanité. Un peu d’édu- cation physique et de gymnastique suffisait aux femmes, pourvu qu’elles soient des mères en bonne santé. Nicolas Kssis rappelle égale- ment que pour la société bien pensante de l’époque « Un homme se dépasse, même quand il finit une course à quatre pattes. Une femme perd sa féminité lorsque l’effort se voit et marque sa silhouette. Juste répartition des rôles dont l’impact se répercute partout par imprégnation lente, y compris dans la façon de penser l’activité dans les clubs dits ama- teurs ». Le sport féminin émerge surtout après la pre- mière guerre mondiale. Le premier match offi- ciel de football féminin a lieu en 1918, au stade de Saint Ouen tout près de l’actuel Stade de France, organisé par Femina sport. Il s’agit alors du seul club de football féminin, fondé en 1912 par un homme, Pierre Payssé, ancien champion du monde de gymnastique. Face aux nombreuses critiques reçues de sportifs jugeant la pratique du football trop brutale ou 1912-1920 : Les premiers militants du sport au féminin

dans ce domaine. Sachons qu’il ne s’agit pas d’un privilège que nous souhaitons obtenir. Tout ce que nous revendiquons relève du res- pect de nos droits : droit à la pratique sportive, droit à l’information, droit à l’expression, à la dignité, pourrions-nous ajouter tant il est fré- quent que l’image de la femme soit détériorée, déviée, diminuée. » 1 Après un court et non exhaustif rappel historique et en appui sur le cas de la France, nous verrons pourquoi la mixité, et par conséquent l’accès des femmes aux activités physiques et sportives et à la direction des instances sportives restent plus que jamais un enjeu de premier plan, et quelles pistes nous pouvons entrevoir pour que le sport du plus grand nombre soit vrai- ment une réalité. 1 re partie : Conquérir le droit à la pratique physique et sportive des femmes 1900-1910 : La femme interdite de stade Le sport met le corps en jeu. Il questionne donc d’emblée la place de la femme dans notre société. Nicolas Kssis, historien de la FSGT explique 2 qu’au départ, « les promoteurs bourgeois et conservateurs du mouvement sportif ne considéraient pas comme accep- table, voire plutôt dangereux, que la gent fémi- nine s’adonne aux joies du jeu sportif, espace selon eux de l’apprentissage de l’esprit de conquête et de combat, autant de vecteurs du virilisme » . Henri Desgranges, le fondateur du Tour de France disait au début du XXe siècle

Introduction La Confédération Sportive Internationale du Travail célèbre ses 100 ans. En France, le sport ouvrier a désormais dépassé ce centenaire. Au moment de ces naissances, soit au début du XXe siècle, le droit des femmes de prati- quer le sport, comme celui de disposer de leur corps et de voter, est un enjeu central de dé- mocratie et d’égalité. Des hommes et des femmes pour qui le développement du sport est avant tout celui de la conquête de l’éman- cipation humaine, s’engagent alors ferme- ment depuis plus d’un siècle dans la lutte pour l’accès des femmes aux pratiques spor- tives, et surtout pour la mixité. À l’image de Jane Renoux, l’une des premières journalistes sportives en France. En mai 1999, elle écrit : « Lamixité est source de richesse, de renouveau

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1) In « Le sport, elles en parlent ». Lunes. 2000, p 241. 2) In Sport et Plein Air, mars 2008.

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