SPORT, PAIX ET DÉVELOPPEMENT 1913 -2013

SECONDE PARTIE_CHAPITRE 8

Résister face à la marchandisation du sport Annick Davisse et Catherine Louveau, respec- tivement inspectrice jeunesse et sport et so- ciologue, proposent dès 1998 des pistes tou- jours d’actualité. Elles constatent que l’accès des femmes au sport est toujours posé en rai- son d’une dimension symbolique et intériori- sée des obstacles, comme en témoigne le com- mentaire désabusé de femmes des cités populaires à propos du fitness : « ce n’est pas pour nous » . Alors, comment agir pour que « cela » deviennent aussi « pour elles » ? Les deux auteures l’affirment : « il faut en finir avec l’inaccessible qui produit au mieux seulement de l’envie, au pire du découragement, et favori- ser de vrais modèles d’activité possible, qui aident les femmes des milieux populaires, les employées, les ouvrières, les sans travail à s’au- toriser à prendre du temps pour soi. » Dans ce cadre, le mouvement associatif et les poli- tiques publiques ont une responsabilité cen- trale, celle de créer du service public et une offre adaptée, afin de résister au gourmand système marchand qui sait créer et infléchir des besoins, de fait sans préoccupation du bien être des gens et de leur émancipation. Dans ce cadre, il faut intervenir pour une re- composition du champ culturel, élargissant les possibilités de choix des pratiques. La so- ciologue Catherine Louveau réaffirme en 2012 6 que le meilleur moyen de lutter contre les iné- galités, est de « rendre visibles ces inégalités et discriminations » . Depuis les mouvements féministes ayant permis des progrès sociaux et l’acquisition de droits et en dépit de nom-

breuses lois, les femmes demeurent assignées à leur seule rôle de mère, ou d’égérie plastique de publicité. Le débat sur l’égalité des salaires entre hommes et femmes illustre bien cette lutte. Au fond, la question ne réside pas dans l’inégalité des salaires, mais dans l’inégalité d’accès aux postes à responsabilité, et ainsi à des niveaux de rémunération supérieurs. La question est la même dans le sport. Il s’agit autant d’une lutte des classes que d’une lutte des genres. Anticiper les obstacles du XXIe siècle Dans le cadre de la campagne présidentielle en France qui a vu l’élection de François Hollande le 6 mai 2012, seuls le parti socialiste et le Front de gauche ont fait de réelles proposi- tions allant de l’instauration de la parité dans les instances sportives à la réaffirmation des principes de laïcité et mixité dans les équipe- ments sportifs et dans les compétitions. De toute évidence et dans un contexte écono- mique aggravé, nous sommes confrontés à des questions de démocratie. Des obstacles sont toujours à l’œuvre, certains sont parfaitement ignorés par les pouvoirs publics, certains sont nouveaux. Que penser du tourisme sexuel tou- jours plus important en parallèle des grandes manifestations sportives ? Que penser des femmes voilées aux Jeux Olympiques (JO) de Londres et à l’autorisation donnée par le Co- mité International Olympique (CIO) ? Sous prétexte de permettre à chaque pays d’envoyer des femmes aux JO, et en se cachant bien de quelques velléités politiques ou financières,

dix-sept délégations nationales comptaient des femmes voilées. Sur le même terrain de l’hypocrisie, le CIO suit une prise de position de la Fédération Internationale de Football Amateur (FIFA), permettant une nouvelle in- terprétation de l’article 50 de la charte olym- pique, et affirmant que ces vêtements (en par- lant du voile) et signes n’ont aucun caractère religieux puisqu’ils ne seraient que le reflet d’une culture ! À l’occasion de la journée mon- diale de la femme, le CIO organise pourtant en 2012 sa conférence mondiale sur le thème du sport et de la femme… Que redouter demain ? Le retour à des JO masculins puis féminins ? Enfin, imposer la mixité ou la parité ne sera jamais la seule réponse aux enjeux cru- ciaux de l’égalité et de l’émancipation de toutes et tous. Imposer un minimum de deux filles dans une équipe de football ne suffit pas à assurer une véritable mixité. Tout repose sur les conditions à créer pour que chacun trouve sa place. Pour cela, l’État, les associations spor- tives, les éducateurs et enseignants, doivent prendre leurs responsabilités. Les moyens, qu’ils soient matériels ou dans l’élaboration des pratiques, doivent être mobilisés. Conclusion Il y a plus de 100 ans, le 8 mars 1910, lors de la deuxième conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, Clara Zet- kin propose la création de la « Journée inter- nationale des femmes », une journée de mani- festation annuelle afin de militer pour l’égalité entre les sexes. En 2000, dans la pré-

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6) In la revue du projet du Parti Communiste Français, juin 2012

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