SPORT, PAIX ET DÉVELOPPEMENT 1913 -2013

PREMIÈRE PARTIE_CHAPITRE 2

l’édification de ces compétences, il faut qu’il existe des programmes compétitifs et bien structurés ainsi que des établissements taillés sur mesure pour répondre aux besoins de sports spécifiques. Sans cela, les nations qui produisent des talents ont tendance à se re- trouver face à une « fuite des muscles », lorsque les talents sont attirés par d’autres pays pour y poursuivre leur entraînement et pratiquer leur sport et, dans certains cas, concourir pour eux. À l’inverse, les athlètes peuvent également être recrutés par d’autres pays pour représenter la nation – par le passé, cela a été fait ponctuellement mais, les jeux de Londres 2012 pointant à l’horizon, une ap- proche plus systématique a été adoptée concernant le recrutement d’athlètes étran- gers, soulevant au passage débats et contro- verses sur les questions d’identité, de citoyen- neté et la mise à l’écart d’athlètes natifs. Les Britanniques ne sont pas les seuls à transfor- mer la main d’œuvre immigrante en citoyens « naturalisés » afin qu’ils représentent une autre nation que leur « pays d’origine ». Les procédés abordés se sont transformés à un tel point que l’on peut à présent dire qu’un complexe sportif industriel soutient l’identifi- cation et la production de talents dans les so- ciétés industrielles évoluées – ce qui soulève des questions pour ceux qui s’inquiètent des droits des travailleurs. Ce complexe compte quatre dimensions principales : structurelle, idéologique, culturelle et institutionnelle. En termes de structure, plusieurs groupes-phares, dont les agences d’États, les entreprises trans-

nationales, les agences non-gouvernementales et les associations sportives, sont impliqués dans le sport mondial. En termes d’idéologie, les États se servent du sport mondial et des célébrités nationales pour promouvoir les va- leurs et le statut de leur nation, que ce soit de manière interne ou externe. Les traditions nationales ont encore beaucoup d’importance aux yeux des gens et les gouvernements uti- lisent les sportifs pour promouvoir un prestige national et encourager une « diplomatie douce ». Le cadre institutionnel de ce complexe comprend au moins quatre éléments princi- paux : la médecine du sport, la science du sport, les programmes sportifs ainsi que les centres régionaux ou nationaux d’excellence. C’est dans cette dimension institutionnelle que les stars du sport sont réellement identi- fiées, sélectionnées et entraînées. Les raisons et les fonds soutenant de telles recherches as- surent une attention portée sur des facteurs d’identification qui maximisent le développe- ment des talents, génèrent des régimes d’en- traînement efficaces, contribuent à un système rationnel des performances, cernent des pro- grammes de récupération effectifs, et qui sou- lignent les stratégies permettant aux concur- rents de surmonter l’épreuve de la douleur et des blessures. Les méthodes d’entraînement physique et mental très rationnalisées et tech- nologiques, de même que les régimes sportifs évalués et planifiés scientifiquement sont ima- ginés pour permettre une performance opti- male et ainsi, renforcer l’impact général du CSI dans la quête du succès sportif.

La structure d’un CSI global comprend donc des mécanismes de production, d’expérimen- tation et de consommation : l’identification et le développement du talent, son apparition sur la scène mondiale lors d’un événement sportif unique ou multisport et sa consomma- tion par les spectateurs présents ou, via un complexe médiatique, par un public mondial de masse. À travers les époques, on remarque une tendance à l’apparition d’une monoculture mondiale de l’exploit sportif dans laquelle les administrateurs, les entraîneurs, les scienti- fiques sportifs et les professeurs encouragent les valeurs et les idéologies de la prouesse sportive, et les compétitions sportives et autres tournois sont structurés suivant des lignes très mercantilisées et rationnalisées. Il faut travailler à un sport et pour un sport. Mais pourquoi ces travailleurs ont-ils une telle importance aux yeux des gens ? Un athlète champion, c’est le premier de tous les concurrents ou compétiteurs et, à cet égard, le mot se rapporte à la capacité d’un individu ou d’une équipe à gagner un concours ou un championnat. Pourtant, l’origine du mot indique un usage différent et propose une explication à ce pourquoi les champions re- présentent bien plus pour la société que leur seule aptitude à gagner, et pourquoi une telle signification leur est attachée. Son premier usage est apparu dans le contexte des tournois Stars du sport et société : colle sociale, soft power et diplomatie culturelle

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