SPORT, PAIX ET DÉVELOPPEMENT 1913 -2013

médiévaux et se rapportait à la personne qui se comporterait en champion des autres, qui défendrait, soutiendrait ou se ferait champion d’une cause (voir Gilchrist, 2005; Hughson, 2009 et Tännsjö, 2007). Les athlètes ne sont pas simplement champions dans leur sport, ils le sont aussi pour leur communauté locale, pour leur pays et, parfois, pour l’humanité dans son ensemble. Un exemple de cette excel- lence est Mohammed Ali (Hauser, 1992). On dit d’un champion qu’il possède un don spé- cial, qu’il émane de lui un certain charisme : ils font des « miracles » et accomplissent ce qui semble être l’impossible. Ils sont les héros modernes de la société : des représentations symboliques de valeurs culturelles, et ce que nous aimerions que les gens soient. Les cham- pions sont des individus talentueux mais, en tant que héros, ce sont des personnes qui ra- content des histoires sur nous, à nous, mais également aux gens d’autres nations (voir Huizinga, 2000). Ainsi, les États s’intéressent aux stars du sport non seulement pour tenir lieu de capital social à un niveau national, mais aussi parce que leur travail agit comme un promoteur de prestige et de diplomatie culturelle en termes de politique étrangère. Les champions nous permettent d’aper- cevoir un bref instant ce que nous pourrions être : en nous représentant, ils font indirecte- ment de nous des êtres humains comblés. Ils sont nos héros modernes parce que le sport est un forum dans lequel se produit une autorévé- lation collective (Algozin, 1976). Autrement dit, le sport moderne est une forme de théâtre

thenticité de la compétition. Si la compétition est ternie par de la corruption, de la triche, des scandales autour de paris, ou s’il représente une nation ou un système considéré comme ennemi, le héros est diminué à nos yeux. La compétition n’est plus alors une quête mu- tuelle de l’excellence, ou un forum des sociétés dans lequel l’autorévélation se produit. Ce manque d’authenticité se fait sentir égale- ment lorsque le sport se transforme en masca- rade, lorsqu’il est truqué ou lorsqu’il devient trop prévisible. Le catch professionnel génère certes des « champions », mais ils ne sont pas pris au sérieux, et ils ne sont pas nos héros. (Stone, 1971). Comme nous l’avons remarqué, le champion en tant que héros incarne égale- ment les éléments les plus estimés dans la société. Mais l’intégrité d’un champion peut être ébranlée de plusieurs manières ; les cham- pions peuvent devenir des génies défectueux, d’une part s’ils souffrent d’un orgueil déme- suré et qu’ils ne ressentent pas le besoin de se consacrer avec le niveau d’intensité requis à leur entraînement et à leurs performances, ou d’autre part si leur vie privée empiète sur leur statut de héros. Ici, l’exemple de George Best vient à l’esprit : notre image idéalisée de lui en tant que footballeur est certes altérée mais dans le cas de Best, nous continuons de pleu- rer sa mort dans un sentiment de deuil pro- fond. En outre, notre champion peut être moins héros que célébrité – célèbre mais pas héroïque. On peut voir David Beckham de cette façon (Cashmore, 2004). Si c’est le cas, une telle gloire est éphémère, et ils échouent à

populaire dans lequel se produit la découverte collective de qui nous sommes. Les stades de sport sont des lieux contemporains où l’on peut voir les champions comme des héros et faire l’expérience du « sacré », de moments d’une importance excitante, tout en laissant derrière soi le caractère profane de la vie ordi- naire (Maguire et al. , 2002). La société a donc besoin de ses champions-héros. Ils assurent la fonction manifeste d’accomplir des exploits sportifs pour eux-mêmes ainsi que pour leur communauté locale et leur pays. Mais ils oc- cupent également un rôle plus latent : ils sont supposés incarner les éléments que la société estime le plus. En tant que créations idéali- sées, ils donnent une inspiration, une motiva- tion, une direction et un sens à la vie des gens. Les champions comme les héros agissent pour l’unification d’une société, pour rassembler les gens dans un sens commun des objectifs et des valeurs. C’est ainsi que le sport moderne s’est développé, surtout dans ses formes sexuées. Les pionniers du 19e siècle asso- ciaient le sport à un christianisme mâle et musculeux : générosité, maîtrise de soi, équi- té, galanterie et excellence morale. Ces valeurs en elles-mêmes s’ajoutaient aux notions tradi- tionnelles de la chevalerie : honneur, morale, courage et loyauté. Cependant, des menaces existent à l’encontre des fonctions manifestes et latentes du cham- pion en tant que héros. Elles découlent de questions associées à l’authenticité et à l’inté- grité. Le statut du champion dépend de l’au-

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