SPORT, PAIX ET DÉVELOPPEMENT 1913 -2013

PREMIÈRE PARTIE_CHAPITRE 3

bannière « Plus de guerre ». Tandis que le Co- mité International Olympique (CIO) interdi- sait la participation d’athlètes des pays « agres- seurs » lors de la première guerre mondiale dans ses Jeux de 1920 et 1924, les Olympiades Ouvrières ont fait l’effort particulier de les accueillir. Elles ont aussi beaucoup élargi le champ des possibles ; les Olympiades Ou- vrières de Vienne en 1931 étaient incontesta- blement l’évènement de jeux multisports le plus grand jamais tenu, avec ses 80 000 parti- cipants estimés, dont 25 000 femmes. À titre de comparaison, les Jeux du CIO tenus l’année suivante à Los Angeles n’ont compté que 1048 participants, parmi lesquels seulement 107 femmes (Riordan, 1984). Aujourd’hui deux ambitieux projets in- ternationaux pour réduire les conflits et bâtir une société pacifique par le biais du sport sont en cours. Le premier consiste en la promulga- tion d’une trêve olympique moderne à un ni- veau diplomatique et de politique interéta- tique. Le second est le groupe d’intervention connu sous le nom de « Sport au service du développement et de la paix ». Tous deux dé- coulent de la certitude que le pouvoir du sport peut augmenter les possibilités de paix de manière significative. Cet article souligne ces récents efforts, évalue leur logique ainsi que leur efficacité, et aborde les questions qu’ils soulèvent quant aux possibilités d’intervention. Je soutiendrai que le sport peut contribuer à un développe- ment social plus ouvert et plus bénéfique, ce qui peut petit à petit réduire les tensions so-

rer un commerce informel et la diplomatie avec d’autres pays. Certains disent que les Jeux de Séoul ont annoncé la fin de la guerre froide (Pound, 1994). Ensuite, dans ces conditions radicalement changées par la fin de la guerre froide et la séparation amère de plusieurs pays anciennement socialistes, la CIO a poussé l’idée plus loin. Lorsque la guerre civile a éclaté en Yougoslavie, le Conseil de sécurité des Nations Unies a identifié le sport comme étant l’une des sanctions potentielles qu’il pourrait utiliser pour mettre un terme au conflit. Inquiet d’une perte d’indépendance et d’un retour aux exclu- sions et aux boycotts qui avaient compliqué les précédents Jeux, Samaranch a pressé les Na- tions Unies d’exempter les Jeux Olympiques de telles sanctions et leur a suggéré que, où que les Jeux aient lieu, la communauté internationale reconnaisse la ville organisatrice comme étant un site neutre protégé par une trêve moderne. Les Nations Unies ont accepté, à condition que le CIO permette aux athlètes d’Ex-Yougoslavie de participer en tant qu’individus aux Jeux de Barcelone de 1992, et reconnaisse un Comité International Olympique de Bosnie-Herzégo- vine. Pour honorer ses engagements, l’Assem- blée Générale des Nations Unies a adopté en 1993 une résolution engageant les pays signa- taires à respecter une « trêve olympique » débu- tant sept jours avant et continuant sept jours après les Jeux Olympiques d’Hiver de 1994 à Lillehammer, en Norvège (Nations Unies, 1993). Des résolutions similaires ont été adop- tées pour tous les Jeux suivants. En 2011, les 193 pays membres ont revendiqué une trêve olym-

ciales et les éléments déclencheurs de vio- lences inter-sociales et de guerres. Mais je soutiendrai aussi que ces résultats ne sont pas automatiques, de même que le sport seul ne peut pas apporter cette contribution. Pour être efficace, le sport au service du développement et de la paix doit être focalisé intentionnelle- ment sur des aboutissements en termes de développement, avec des méthodes appro- priées ; il doit être étroitement lié à d’autres stratégies de développement, en particulier dans l’éducation et la santé, et il doit explici- tement se tourner vers les causes des inégali- tés et des conflits. Tout particulièrement, le sport au service du développement et de la paix doit aborder les inégalités des genres et les violences sexistes, qui sont encore omni- présentes dans le sport en général. Je conclurai sur des conseils adressés au mouvement spor- tif amateur, dans lequel le mouvement sportif travailliste joue un si grand rôle. La trêve olympique moderne Alors que l’idée même d’une trêve était impli- cite à l’idée des Jeux Olympiques modernes, son institution effective découle du retentissement des efforts déployés en coulisses par le prési- dent du CIO Juan Antonio Samaranch pour minimiser le boycott des Jeux Olympiques de Séoul en 1988. L’Union Soviétique et 15 autres états socialistes ne reconnaissaient pas le pays organisateur, la République de Corée, et beau- coup craignaient qu’ils ne restent à l’écart. Mais Samaranch les a convaincus de participer et de profiter de l’esprit olympique pour faire perdu-

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