SPORT, PAIX ET DÉVELOPPEMENT 1913 -2013

de développement, et devraient faire partie d’une approche à plusieurs intermédiaires, liée à l’éducation, l’emploi, et l’accès à l’information sanitaire et aux services de santé. En outre, dans les pays où les inégalités sont énormes, les programmes sportifs devraient combattre ex- plicitement de telles inégalités. Ainsi que Doug Hartmann l’a écrit, « l’idée n’est pas d’intégrer le statu quo mais d’aider la jeunesse à le modi- fier ». Enfin, les programmes devraient être ali- mentés de manière à avoir un effet durable. Voilà des conseils difficiles pour les groupes de sportifs amateurs, que la plupart des leaders rejoignent parce qu’ils aiment le sport, et non pour assouvir leur ambition dévorante de contribuer au développement. Mais si le sport amateur veut vraiment tenir la promesse d’un « sport au service du bien » qu’il a formulée par le passé, il devra faire preuve de beaucoup plus d’intentions et de cohésion. Parmi les cinq interventions prioritaires de l’ONU, la mise en place du sport au service de la paix est la moins étudiée et la plus contro- versée. D’un côté, dans un monde où la guerre et les conflits violents semblent augmenter, tuant, mutilant et traumatisant des millions de civils, surtout les femmes et les enfants, ainsi que le personnel militaire, on peut facilement comprendre que tant de sportifs idéalistes, im- prégnés d’une culture du fairplay, veuillent mettre le sport au service de la paix de toute urgence. Quand le sport aide à la réinsertion d’anciens enfants-soldats dans la société ouest- africaine, ou qu’il rassemble des enfants issus de tous bords dans les conflits religieux com-

plexes qui divisent le Moyen-Orient ou l’Ir- lande, ou encore lorsqu’il donne de quoi se ré- jouir aux familles dont l’avenir est incertain dans les camps de réfugiés, il semble corrobo- rer la promesse du sport au service de la paix. Mais d’un autre côté, il y a une limite réelle à ce que le sport peut apporter dans des situations de conflit. Le sport semble avoir peu d’effet dans la prévention de la guerre, et devient tout simplement trop dangereux si une guerre éclate. Il n’y a que lorsqu’un cessez-le-feu est obtenu, et qu’un autre intermédiaire est là pour l’appliquer, que le sport peut contribuer à construire la paix, par l’intégration des combat- tants dans la société et la reconstruction de relations sociales. Le sport peut fournir un ter- rain d’apparence neutre pour réunir les gens malgré leurs différends historiques. Étant don- né que le sport est une invention culturelle col- lective, il peut donner aux différents peuples l’opportunité de travailler ensemble à l’organi- sation d’un événement et petit à petit, de déve- lopper un sentiment d’entente et de confiance. De tels réseaux ou « toiles » de relations, s’ils outrepassent les problèmes de division sociale, qu’ils grandissent et se consolident, peuvent contribuer à une stabilité sociale (Kidd et Mac- Donnell, 2007). Mais même dans la construction de la paix, les programmes sportifs doivent procéder avec beaucoup de précaution. Les programmes sportifs ne peuvent pas construire la paix tous seuls, mais doivent être consciencieusement rattachés à d’autres interventions, particulière- ment celles en faveur de la vérité et de la récon-

ciliation, du désarmement, de la réduction de la pauvreté, et d’autres formes de développe- ment. Là aussi, l’esprit de réussite est la clé. Compte tenu du fait que la culture idéalisée du fairplay et du respect pour son adversaire est loin d’être universelle, et que le sport a été uti- lisé pour diaboliser aussi bien que pour souli- gner les différences, il est primordial que les dirigeants de tous les programmes visant à la réconciliation et la réintégration soient clairs quant à leurs objectifs, et quant aux valeurs d’intégration et de fairplay sur lesquelles sont basées les activités. Les compétitions sportives ne doivent pas être génératrices de conflits, ce point doit être minutieusement souligné dans les expériences sportives du quotidien, ainsi que l’a écrit Jim Parry (2012). Dans les sociétés en situation d’après-conflit, il est particulière- ment important que les participants et les sup- porters acceptent ces valeurs de fairplay et de respect pour leurs adversaires comme condi- tion à leur participation, et qu’ils se considèrent mutuellement au cours des activités prévues. Étant donné la violence sexiste profondément inhérente à de nombreux conflits actuels, il est également essentiel que le sport au service de la construction de la paix comporte des pro- grammes spécifiques pour l’égalité des sexes. Par-dessus tout, comme Brian Wilson (2012, 199) le souligne, « la complexité des problèmes sociaux dans le sport et autour du sport doivent être pris en compte. Si les solutions à ces pro- blèmes sont trop schématisées, il y a peu de chance pour que ces solutions soient efficaces ou durables. »

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