SPORT, PAIX ET DÉVELOPPEMENT 1913 -2013

PREMIÈRE PARTIE_CHAPITRE 5

L’attention portée aux conflits structurels, à la compétition entre dirigeants et la véracité his- torique des actions sociales n’empêchent pas de prendre en compte l’occurrence d’effets involontaires, de rejeter toute simplification mécaniste de la structuration. En bref, le cadre analytique doit être caractérisé par l’accent qu’il met sur les conflits structurels, les effets fortuits de l’action sociale et les multiples ra- tionalités opérant au sein d’un réseau de com- patibilité, de négociation et de compétition. Un élément primordial de cette approche est représenté par les dynamiques d’enracine- ment social, d’accord structurel (en prenant en compte les procédés affectant l’institution- nalisation et la désinstitutionalisation des mouvements sportifs) et de légitimation poli- tique. C’est-à-dire, par l’aptitude stratégique des acteurs à élaborer, reproduire, adapter et préserver des valeurs et des symboles (Gaspa- rini, 2000). En conséquence, le modèle pré- senté par Benson de la scène politique peut être adopté de manière efficace seulement si l’on peut d’abord développer une approche synchronique, morphologique et préalable- ment descriptive. Ce modèle se doit d’étudier les objectifs annoncés, les instruments de contrôle organisationnel, les contraintes structurelles, les règles du jeu et enfin, les rap- ports entre les différentes structures et leur environnement. En même temps, il doit déter- miner une approche dynamique (diachro- nique) centrée sur la genèse historique de l’organisation, son institutionnalisation et ses schémas de changements.

procédés d’identification, d’élaboration et réélaboration des objectifs, de même que des critères de légitimité, prennent place. Le cheminement historique du mouve- ment montre à quel point ces procédés ont évolué avec le temps, préservant néan- moins un noyau dur illustré par une rela- tion avec son environnement politique original, basé sur l’identité et la loyauté ; (iii) l’appartenance à un réseau coopératif, par lequel les informations et les res- sources sont transmises afin de maximi- ser son efficacité. Dans l’échafaudage du développement de réseaux coopératifs, il faut prendre en compte un certain nombre d’événements essentiels qui ont soutenu une dynamique de changement sous forme de facteurs exogènes. Parmi eux, la première guerre mondiale, épi- logue sanglant de la construction de la Nation européenne, le démantèlement de la « solida- rité ouvrière » après la Révolution d’Octobre, les défis représentés par les dictatures de droite et par les dérives totalitaires du régime stalinien dans l’entre-deux guerres ; la se- conde guerre mondiale et la guerre froide, l’émergence de l’État-providence, la décoloni- sation, le début de l’intégration européenne et enfin, le processus de mondialisation de la sphère politique en résultat de la fin de la guerre froide au début des années 90. Bien sûr, ces vastes facteurs exogènes ont in- fluencé la naissance (ou renaissance) d’un mouvement sportif populaire occupant un

Dans notre cas, le MSO peut être représenté comme un « ordre politique négocié » (Daudi, 1989) et comme un réseau de contraintes et d’opportunités au sein d’un système règle- menté (March & Olsen, 1989). Durant ses cent ans d’activité, le mouvement a indirectement participé – dans des questions d’ordre poli- tique – à une longue série de négociations de pouvoir, de responsabilités et de gestions structurelles, avec comme acteurs importants les partis socialistes et pro-travaillistes, ainsi que les réseaux syndicaux d’Europe et d’ail- leurs. Plus directement, le MSO a été le prota- goniste d’une négociation grandissante des rôles et des règles au sein d’un certain nombre de systèmes sportifs nationaux et du mouve- ment olympique international. Pour en reve- nir à notre question de départ, cela montre clairement qu’une organisation sportive po- pulaire – « empreinte de valeurs », selon la théorie de Selznick (1949, 1957) sur l’institu- tionnalisation – est un phénomène social à part entière. Elle possède les trois principaux traits qui caractérisent un mouvement social : (i) une structure morphologique , reprodui- sant à la fois l’exemple socialiste tradi- tionnel d’organisations populaires et les sous-systèmes sportifs, plus spécifiques (l’olympisme, les fédérations de compé- titions et ainsi de suite), pouvant être décrite par le profil statistique de ses membres, ses ressources économiques et structurelles, sa gestion et son cadre de réglementation officiel ; (ii) un profil cognitif partagé , dans lequel les

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