SPORT, PAIX ET DÉVELOPPEMENT 1913 -2013

rôle de véritable acteur politique. Au même moment, la représentation du corps, le sport et les loisirs constituaient un véritable portail culturel d’une nouvelle sorte de citoyenneté sociale à la fin de l’ère moderne. Dans les so- ciétés contemporaines, surtout à l’Ouest mais pas seulement, la culture traditionnelle des activités sportives a été défiée encore et en- core. Cela était dû à l’effet de facteurs exo- gènes tels que l’apparition de nouveaux modes de vie à partir des années 60, la vague de pro- testation des années 70, ou encore l’émergence de la culture du narcissisme et des besoins post-matériels (Inglehart, 1996). Toutefois, les facteurs endogènes ont également eu beau- coup d’influence, surtout au regard du phéno- mène de commercialisation du sport, des nou- veaux comportements face à la compétition et l’environnement (la sportivisation de la société et la désportivisation simultanée du sport, DeKnop, 1999), contribuant à modifier pas à pas le profil culturel et l’évaluation structu- relle du mouvement. Tout particulièrement, je soutiendrai que la fondation (1913) et la refon- dation (1946) du MSO, son enracinement so- cial et son institutionnalisation ne marquent pas seulement un tournant décisif en termes de changement structurel, mais aussi d’adap- tation originale aux changements sociaux. Un mouvement social ? Lorsque l’on analyse le procédé historique amenant à la fondation de l’ISO en 1913 – qui, jusqu’à la déclaration de la guerre le 4 août 1914, comptait déjà les organisations sportives

pro-travaillistes de douze pays différents et environ 500 000 membres, contre les 7 mil- lions de membres actuels répartis dans 35 or- ganisations nationales de 28 pays en Europe, Afrique, Asie et Amérique Latine – il faut em- ployer un cadre analytique correct se rappor- tant aux évolutions qui ont mené, à la suite d’événements divers et parfois dramatiques, aux constructions successives de l’ISO, de l’ISOS et de la CSIT (première et seconde ver- sion). Je veux dire que nous ne devons pas seu- lement assimiler le mouvement sportif tra- vailliste à la catégorie des mouvements sociaux comme l’ont suggéré Melucci (1982) et Tou- raine (1984), ni y référer comme à une typolo- gie abstraite et à peine officielle, comme cela a été proposé plus haut. L’essentiel, en réalité, consiste plutôt en l’étude des changements internes du mouvement au cours de son pre- mier siècle d’activité, ainsi que de sa capacité à relever des défis exogènes ou endogènes. La structure morphologique, le profil cognitif et l’appartenance à des réseaux coopératifs repré- sentent des typologies utiles seulement si elles sont couplées à une re-conceptualisation pro- gressive de sa mission, de ses objectifs annon- cés et de la production de meneurs. Voilà qui représente une opportunité intéres- sante pour les sociologues d’étudier le MSO sous des dimensions essentielles. Chacune d’entre elles implique en effet des transforma- tions de l’arrangement structurel, modifiant la structure morphologique originale. Chacune d’entre elles nécessite un nouveau profil cogni-

tif capable d’inclure les représentations chan- geantes des missions sportives ainsi que des perspectives politiques. Enfin, chacune d’entre elles met en évidence un certain nombre de stratégies et d’alliances différentes visant à faire naître de nouvelles coalitions et des ré- seaux coopératifs dans un scénario mondial. Ces dimensions essentielles doivent tour à tour se reporter à quelques étapes diachro- niques, en étudiant les changements structu- rels en tant qu’indicateurs du système structu- rel afin de relever de nouveaux défis émergents. Ces dimensions, présentes à toutes les périodes du MSO, mentionnent quatre catégo- ries d’analyse : 1. la fondation (1913) et les refondations (1920, 1946) du mouvement impliquent la for- mation d’un groupe de promoteurs pion- niers, un rôle dominant assuré par des minorités actives et des meneurs prophé- tiques ; 2. l’enracinement social selon la définition (iia) d’une « mission » commune, (iib) une autoreprésentation émotionnelle (mythes de fondation), (iic) la place du mouve- ment au sein d’un territoire organisation- nel et (iid) l’établissement de règles ca- pables de produire une identification symbolique commune parmi les membres ; 3. l’institutionnalisation en tant que recon- naissance extérieure via : (iiia) l’affiliation à des structures organisationnelles offi- cielles (des organisations politiques ou sportives comme le CIO) ;

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