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ON CRAQUE POUR LES TARTES FINES !

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À croquer ! N° 89 MAI JUIN 2019

BIENTOT L’ETE…

-- DE GRAS + DE GOUT!

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MIJOTÉS DE PRINTEMPS LE BONHEUR DES LÉGUMES PRIMEURS

RECETTES POUR SAVOURER LES BEAUX JOURS

AND :4,50€-BEL :4,60€-CAN :7,99$CAD-D :6,90€-DOM/S :4,80€-ESP :5,50€-ETATS-UNIS :6,95$USD-GR :5,20€- ITA :5,20€-LUX :4,60€-MAR :45,00MAD-PORTCONT :5,20€-SUI :7,80CHF-TOM/S :680CFP-TUN :9,50TND

LES STARS DE LA SAISON

ASPERGES, RHUBARBE ET CHÈVRES FRAIS

N° 89 MAI JUIN 2019 FRANCE METRO : 3,95€

LES FRAISES DÉVOREZ-LES TRADI OU TRENDY

TARTARES ET CEVICHES BIEN FRAIS, VITE PRÊTS

3Õ:HIKLQG=YUX^Z]:?a@a@s@t@a"; M 01664 - 89 - F: 3,95 E - RD

ÉDITO 3

www.regal.fr RÉGAL N° 89 MAI JUIN 2019

Retour en gras

Avant, on mangeait du gras sans y penser. Des tranches de lard, des fromages crémeux, des tartines fondant sous d’épaisses couches de rillettes, des sauces onctueuses liées au beurre… Mais ça, c’était avant. Avant d’apprendre que toutes ces bonnes choses, consommées en excès, nous empoisonnent à petit feu. Ensuite, il y a eu la guerre des bons et des mauvais gras, les vilains acides gras saturés contre les gentils acides gras insaturés. Et, pire que tout, les «trans», ces graisses hydrogénées inventées par les industriels pour conserver notre stock de produits faciles à vivre: biscuits, pâtes à tarte, plats tout prêts… Aujourd’hui, la recherche a encore avancé d’un cran, découvrant les formidables pouvoirs d’Omega-6 et d’Omega-3, deux super-héros très présents dans les huiles végétales. Ces molécules sont bonnes pour nos cellules, mais encore faut-il savoir où elles se cachent et les consommer dans la bonne proportion. Parce que trop d’omega-6 empêche les omega-3 de s’exprimer… Vous feriez bien glisser l’info avec un peu d’huile? Ça tombe bien, il en faut. Surtout de l’huile de colza, mais aussi plein de graines, de noix et beaucoup de bonne humeur! Quelques recettes seraient les bienvenues? Rendez-vous en page 72… Eve-Marie Zizza-Lalu Rédactrice en chef

© LOUIS LAURENT GRANDADAM

4 SOMMAIRE

MAI JUIN 2019 RÉGAL N° 89 www.regal.fr

Ceviches et tartares apportent une note de fraîcheur dans votre assiette p.54

Savourez les spécialités du Nord, portés par le charme discret de la Côte d'Opale p.40

Simples et savoureuses, des tartes qui donnent envie d'être veggie! p.62

L'événement Que la fête commence ! En route pour la Provence qui célèbre en grand son année de la gastronomie ............................................................................................................................... 6

Easy cooking Tartares et ceviches Avec cette petite marinade parfumée au jus de citron vert qui change tout Cuisine life Tartes veggie en folie Leurs pâtes fines et croustillantes rendent les petits légumes irrésistibles Les bons gras Du gras, oui, mais du bon ! Astuces et bonnes recettes qui donnent du goût à des assiettes légères

Toujours plus haut, magic Mazzia Portrait d'Alexandre Mazzia, chef créatif et inclassable à la conquête de Marseille

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Food style Me gusta México

PHOTO DE COUVERTURE TAJINEVEGGIE DE LÉGUMES NOUVEAUX RECETTE PAGE 90

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Une cuisine colorée en pleine renaissance Le renouveau du petit déjeuner

© JULIE SCHWOB / AMÉLIE ROCHE RAPIDE, SIMPLE ET SÉCURISÉ, ABONNEZ-VOUSÀ RÉGAL SURWWW.BOUTIQUE.REGAL.FR

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Les poivres font leur festival C'est la saison Les asperges pointent le bout de leur nez

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La canette Reine du bon gras

Le plat du terroir Le navarin mode d'emploi Toutes les astuces pour réussir le plat phare du printemps

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Une partie de cette édition comprend : pour les abonnés : une lettre de bienvenue, une lettre de confirmation d'abonnement et une lettre de réabonnement à RÉGAL. Pour le kiosque : un supplément qui ne peut être vendu séparément. Nos abonnés peuvent l’obtenir (dans la limite des stocks disponibles) en écrivant au service abonnements, en indiquant leurs coordonnées et leur numéro d’abonné et un encart broché fiche recettes page 131 et 134.

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Le rocamadour Comme sur du velours !

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La rhubarbe Une belle plante

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Entre amis Tajines, le sacre du printemps Son couvercle conique donne aux ingrédients un moelleux fabuleux qui fait chanter les arômes… et réjouit les amis ! ........................................................................................ 88

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Sur la Côte d'Opale Le soleil est dans l'assiette Balade dans une région qui réserve bien des surprises aux gourmets

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R É G A L P A R T E N A I R E •

C'EST PARTI ! L'événement culinaire de l'année se déroule en Provence dans tout le département des Bouches-du-Rhône. Au programme : des marchés gourmands, des rencontres, des dégustations, des expositions et de grands rassemblements populaires…

Célébrez le printemps autour d'un tajine aux ingrédients délicieusement fondants p.88

© A RODRIGUEZ

En tant que partenaire officiel, Régal célèbrera l'événement toute l'année, à travers des portraits, des reportages et des recettes qui rendent hommage à la cuisine provençale. JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2019. TOUTES INFOS SUR WWW.MPG2019.COM

© DELPHINE CONSTANTINI © JP GARABEDIAN

Au menu du prochain Régal En kiosque dès le 28 juin 2019

Sa chair pulpeuse et acidulée réveille les desserts p.98

Au jardin Fraise, oh la belle rouge !…

Tartes, crumbles, verrines, pavlovas… quel costume lui ira le mieux au teint ? L’atelier Régal Astuces, tours de main… on vous donne tous nos secrets pour réussir vos recettes comme les pros

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L'atelier cocktails Les cours de mixologie de Yoann Demeersseman ........... 112 Ailleurs Cuba se savoure En dansant la Havanaise ................................................................................................................................................................... 114 Actualités commerciales .......................................................................................................................................... 127 Carnet d’adresses ......................................................................................................................................................................................... 128 Index .................................................................................................................................................................................................................................................................................... 130 9 recettes à la ricotta .................................................................................................................................................................... 131 L'avocat, c'est extra ! ..................................................................................................................................................................... 133

La saison de la tomate Fraîchement coupée, vite mangée… la tomate donne sa pleine mesure en été. Toutes nos idées pour la savourer.

Coquillages et crustacés Envie de bord de mer et de cuisine légère… Faites le plein de saveurs iodées.

Les secrets du barbecue Marinades, glaçages, cuissons à l’étouffée, sauces… Soufflez sur les braises, ça chauffe!

6 L’ÉVÉNEMENT

MAI JUIN 2019 RÉGAL N° 89 www.regal.fr

MPG2019 célèbre l’année de la gastronomie en Provence Que la fête commence ! R É G A L P A R T E N A I R E •

Le lever de rideau a eu lieu le 20 mars dernier au Mucem, à Marseille. Chefs, producteurs, artisans, artistes se mobilisent dès maintenant pour célébrer la cuisine provençale sous toutes ses formes. T E X T E EVE-MARIE ZIZZA-LALU P HO T O S AURELIO RODRIGUEZ

>>> l’agenda de mai >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Marseille ne fait rien comme les autres... Rebelle jusque dans sa manière de défendre sa cuisine. Si elle n’a pas postulé, en 2012, au titre de cité de la gastronomie aux côtés de Dijon, Tours, Lyon et Paris-Rungis, elle prend une belle revanche cette année avec MPG2019, année de la gastronomie en Provence. Cet événement de grande ampleur se déploiera dans tout le département des Bouches-du-Rhône, jusqu’à la fin de l’année. Il mettra en lumière les multiples facettes de la cuisine provençale : gourmande, populaire, généreuse culturelle, artistique... Le premier temps fort baptisé «L’aventure» se déroule jusqu’en juin, le deuxième temps fort prendra la forme d’un grand « festival » jusqu’à l’automne. Et dès novembre, la programmation sera placée sous le signe de la «générosité» dans la grande tradition des marchés de Noël. En tout, ce sont mille événements qui se déploieront à Marseille, et de villages en villages, jusqu’à la fin de l’année. Laissez vous emporter par la vague MPG2019. Régal vous accompagne...

FESTIVAL RUE GARDANNE Gardanne se met en fête pour le festival Arts et Festins du Monde . 70 artisans présenteront leurs produits, 40 restaurants serviront leurs spécialités et une dizaine de spectacles animeront le centre-ville. Près de 20000 personnes sont attendues pour célébrer les cultures du monde. RENDEZ-VOUS BDCARNOT, BD BONTEMPS, COURS FORBIN ET COURS DE LA RÉPUBLIQUE DUVENDREDI 17 MAI À 19HAU SAMEDI 18 MAI À MINUIT.

STREET BARBECUE CONCOURS PÉLISSANNE

CASSIS FÊTE SONVIN FESTIVAL CASSIS Entre l’église Saint-Michel et la place Baragnon, assistez à la messe des Vendangeurs, aux bénédictions du sarment de vigne et aux danses traditionnelles de la souche. Le moment idéal pour rencontrer les vignerons de la région et déguster le nouveau Millésime. RENDEZ-VOUS LE DIMANCHE 26 MAI AUMATIN.

Pour la fête des voisins, Pélissanne organise le concours Street Barbecue . L’événement permettra aux habitants de plus de 20 quartiers de préparer un plat gastronomique évalué par un jury composé de chefs et d’élus de la ville. Le vainqueur représentera la ville lors du championnat de France de barbecue 2019 aux Saintes-Maries-de-la-Mer. RENDEZ-VOUS LEVENDREDI 24 MAI DE 19HÀ 2H.

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Gérald Passedat « La cuisine provençale est une cuisine du peu».

Le chef trois étoiles du Petit Nice, à Marseille, est parrain de MPG2019. Il défend avec ferveur cette cuisine du soleil tournée vers la mer, dont les valeurs peuvent être partagées par tous.

Le 1 er temps de la bouillabaisse du Petit Nice, servie en trois «paliers»...

Comment définiriez-vous la cuisine provençale? Gérald Passédat : C’est d’abord

La diète méditerranéenne est à la mode, c’est le moment ou jamais de célébrer l’année de la gastronomie en Provence… G.P. Je n’aime pas forcément le mot diète. Mais pour moi, il est évident qu’un restaurant est un lieu où il faut veiller à la digestibilité. Autour de la Méditerranée, on s’intéresse à cette notion depuis toujours. Je parlerais plutôt de juste mesure, et cela concerne la cuisine, mais aussi une manière d’être : savoir raisonner, avoir du bon sens dans la façon de cuisiner et de consommer. Vous voulez parler de consommation responsable? G. P. Nous devons veiller à protéger la ressource, arrêter de ratisser les fonds marins, mettre les poissons oubliés au goût du jour, ne pas ponctionner plus que de raison, en mer comme sur la terre. Le luxe, ce n’est pas le caviar aujourd’hui, c’est de pouvoir déguster des langoustines de Cassis, qu’il est impossible de pêcher en masse.

Racontez-nous votre recette emblématique de la cuisine provençale… G. P. La bouillabaisse, bien sûr. C’est la plus parlante, la plus respectueuse de la Méditerranée. Je ne souscris pas à la version qui circule partout «quand ça bouille, abaisse». Il s’agirait plutôt d’un bouillon de l’abbé ou de « l’abbesse» préparé avec des petits poissons pour nourrir les pauvres… Au Petit Nice, je l’interprète en trois services, comme une promenade qui partirait des rochers pour plonger vers les profondeurs. La cuisine provençale peut tutoyer les étoiles, mais c’est surtout une cuisine familiale... G. P. Oui, c’est une cuisine de partage, d’amour. C’est pour cette raison qu’elle ne porte pas l’étiquette «gastronomique». C’est cette différence qui la rend inspirante pour la grande cuisine d’aujourd’hui. Ici, nous n’avons pas de beurre, pas de crème, nous misons tout sur l’excellence du produit.

une cuisine du produit avec lequel on ne triche pas, qu’on ne triture pas. Elle est lisible, goûteuse, sur le fil du rasoir… C’est aussi l’héritière d’une cuisine antique, qui reposait sur les vertus médicinales des herbes et des plantes. Des principes que je retrouve dans mes plats avec les extractions de jus de légumes, les sucs de chair de poisson, le garum (NDLR : principal condiment utilisé par les Romains et les Grecs préparé à base de chair de poisson fermentée dans le sel) . Je dis souvent aussi que c’est une cuisine du peu. Très simple de corps, d’esprit et d’envie. Nous sommes entourés de terres rocailleuses qu’il faut apprivoiser. La force du produit tient dans la résistance que lui impose cette terre. On n’est jamais meilleur que quand on est acculé. C’est enfin une cuisine de mixité qui nourrit tout le bassin méditerranéen !

© RICHARD HAUGHTON (2)

>>> 2 expos qui ont du goût >>>>>>>>>>>>>>>>

L’ART MANGE L’ART Photographes, peintres, sculpteurs questionnent notre rapport à l’alimentation à travers leurs regards osés, décalés, parfois dérangeants. MUSÉE REGARDS DE PROVENCE JUSQU’AU 13OCTOBRE.

DE LA TABLE AU TABLEAU Desœuvres de la Fondation Regards de Provence composent un superbe récit pictural de l’art de vivre régional entre le XIX e et le XX e siècle. MUSÉE REGARDS DE PROVENCE JUSQU’AU 22 SEPTEMBRE.

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8 L’ÉVÉNEMENT

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La Provence vous attend, dévorez-la ! Ils sont pâtissiers, chocolatiers, éleveurs, commerçants... et racontent la Provence comme si vous y étiez. Voici notre petite sélection de portraits irrésistiblement gourmands.

TÊÊÊÊLLEMENT BON! La ferme du Brégalon

La production de Christine Girard ne voyage pas. Tout est vendu sur place, à guichets fermés ou presque. Et pour cause, ses fromages fermiers au lait cru aux différents affinages – demi- frais, crémeux, demi-secs – sont d’une douceur et d’une finesse rares. La Ferme du Brégalon, c’est aussi l’histoire d’un couple qui vit de sa passion depuis 29 ans. Hugues Girard est chevrier de père en fils, et sa femme a épousé sa cause avec enthousiasme. Leur fille les a rejoints récemment. Sans bénéficier du label bio, l’élevage souscrit toutefois pleinement aux conditions d’élevage les plus exigeantes.

LE TEMPLE DU PASTIS La Pastisserie

Ouvrir une épicerie entièrement dédiée au pastis à Aix-en-Provence, au pays du petit jaune? Il fallait oser. David Garabelian et sa femme Anne-Sophie ont réussi. Leurs pastis artisanaux ont conquis les Aixois et attirent les visiteurs de passage. Dans leur minuscule boutique, ils proposent une vingtaine de pastis régionaux – Henri Bardouin, Manguin, Jules Girard – qui offrent une alternative aux classiques Ricard et 51. En collaboration avec les distilleries régionales, ils ont également mis au point leur pastis «Lis Estello», un «grand cru étoilé de Provence» aux treize herbes, en hommage au poète provençal Aubanel.

LA PASSION DU FRUIT FRAIS Les Macarons de Caroline Caroline Arnaud et Damien Coignard ont fait du macaron leur destination unique. Leur petite boutique rose de la rue Montigny, à Aix-en-Provence, mise tout sur les macarons frais du jour. Fabriqués à la main, garnis à la poche chaque jour, ils renferment un cœur de fruits frais qui n’a pas besoin d’arôme artificiel, ni d’extraits de parfum. Au printemps, goûtez le macaron à la fraise. Les deux coques lisses cèdent sous la dent pour dévoiler la surprise d’un cœur de fruit à la saveur intense. À consommer dans les 24 heures, ou mieux, sur-le-champ…

>>> l’agenda de juin >>>>>>>>>>>>>>> Tout le programme sur www.mpg2019.com MARSEILLE OUVERTURE DE LA RUE DE LA GASTRONOMIE Pari osé, la rue de la République devient le temps d’une journée la rue de la Gastronomie. DÉGUSTATION À MARSEILLE LE PLUS GRAND PLATEAU DE FROMAGES FERMIERS DE PROVENCE À la Friche la Belle de Mai, venez déguster le plus grand plateau de fromages du monde.

SALON-DE-PROVENCE DOMAINE DU MERLE Le Salon des Agriculteurs de Provence vous convie au domaine du Merle à Salon-de-Provence pour un banquet paysan et gourmand. Vous (re)découvrirez leurs spécialités à la belle étoile aux côtés des vaches, poules et cochons du domaine. Les plats seront concoctés par les chefs de la région à partir des produits du terroir provençal. RENDEZ-VOUS LE SAMEDI 8 JUIN DE 19HÀ 23H.

Le Pop-Up Store, le restaurant éphémère et l’ «Anti-café» rythmeront la journée. L’Atelier MPG2019 permettra aux curieux d’assister à des cours de cuisine, de pâtisserie et d’œnologie, à des dégustations et des animations. RENDEZ-VOUS

600 fromages seront présentés sous une cloche de verre géante! Le marché des producteurs proposera des dégustations et des accords vin, huile d’olive, miel et fromages. Il sera aussi possible de les goûter à la carte des Grandes Tables de la Friche tout l’été au cours de 40 soirées sur le toit-terrasse. RENDEZ-VOUS LES 14 ET 15 JUIN.

LE LUNDI 3 JUIN RUE DE LA RÉPUBLIQUE DUCÔTÉ DE LA PLACE SADI CARNOT.

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JOSÉ MÈNE SA BARQUE Les Navettes des Accoules Ah, voilà le navetier ! José Orsoni surgit des profondeurs de sa boutique, exhibant une plaque toute chaude de navettes sorties du four. « Je suis pas navetier, je suis navettologue » . Dans le plus vieux quartier de Marseille, le propriétaire des Navettes des Accoules respecte la tradition à la lettre. À la Raimu, il défend son art «avé l’accent ». «La navette est ferme, mais pas dure. Si le biscuit est dur, c’est qu’il est mal fait ou qu’il est vieux ! » . Et d’enchaîner avec le récit des origines de cette petite barque (la nave). La sienne est fabriquée sans levure et fleure bon la fleur d’oranger, la vraie «pas la savonnette qu’on sent dans certains endroits…» . À bon entendeur, salut.

FRUITS DE LUXE Esprit Gourmand

POUR LES CHOCO’ADDICTS La Chocolatière du Panier La barre marseillaise de Michèle Le Ray suscite bien des contrefaçons, mais aucune ne rivalise avec ce bloc de 250 grammes de chocolat, qui tient à la fois du praliné et de la ganache, sans beurre ni crème. Le secret de son fondant légèrement croustillant est bien gardé. Il appartient à l’histoire familiale, celle d’un arrière-grand- père italien installé à Marseille, qui avait appris à travailler le cacao. Rose lui a succédé, puis Michèle et aujourd’hui Marine, dont le jeune fils prendra peut-être un jour la relève. Leur chocolat est vendu au poids (52€ le kilo) sous forme de barres, mais aussi de « tranches de pizza» et se déclinent en toutes sortes de parfums. Le haut du panier...

Didier Najarian est discret et tout à fait modeste. Pourtant, il peut être considéré sans exagérer comme « le roi du fruit sec». À la tête de l’entreprise familiale Esprit Gourmand, il a fait de ce produit simple – qui se résume souvent à une texture plus qu’à une saveur – un produit de luxe. Didier Najarian fournit aujourd’hui les grands chefs et les pâtissiers renommés, mais aussi 85% des grands hôtels et des palaces en Europe. Les entrepôts d’Esprit Gourmand situés aux Pennes-Mirabeau, sont le carrefour des plus belles origines. Bonne nouvelle, sa gamme s’ouvre prochaînement au grand public à travers la marque Naja. Hummm... leur pâte à tartiner choco-noisettes !

L’ITALIE À MARSEILLE Le Glacier du Roi Florence Bianchi est parisienne, mais seule la sonnerie de son portable, qui entonne les premières mesures de La Foule d’Édith Piaf, nous rappelle les rues de Paris… Tout le reste sent le soleil, la démesure et les saveurs de la Méditerranée. Arrivée à Marseille en 1999, Florence a cherché partout le parfum des glaces italiennes de son enfance – son père était Toscan… Rien ! Alors elle s’est lancée. Partie se former chez un maître glacier milanais, elle est revenue avec la recette miracle qui fait de ses deux boutiques le rendez- vous incontournable des amateurs de glaces. En bouche, le fruit bruisse et chante avec la constance des cigales au plus fort de l’été.

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Magic Mazzia Toujours plus haut A lexandre Mazzia fait partie de ces chefs que quelques lignes ne suffiront jamais à présenter. L’ancien basketteur professionnel, né au Congo et

AURÉOLÉ DE SA DEUXIÈME ÉTOILE POUR SON RESTAURANT AMÀMARSEILLE, LE CHEF RESTE ENMOUVEMENT, AUX AGUETS, DANS UN PROCESSUS DE CRÉATION PERPÉTUEL. C’EST ICI, SUR SA TERRE D’ADOPTION, QU’IL TROUVE SON INSPIRATION.

T E X T E C H L O É D E S C H AMP S P H O T O S A U R E L I O R O D R I G U E Z

pour sa lumière, cette réverbération unique qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Il y a pris ses marques. Quand il sort, il va Chez Paul, aux Goudes, à la Pointe-Rouge, un petit port tranquille qui donne l'impression d'être en Sicile ou en Crète. Il a son rituel : à l’apéro, il prend «une pizza avec du Casanis, le pastis corse» ; il enchaîne avec des supions et une soupe de poissons. À l'opposé de cette ambiance paillote des bords de mer, Mazzia évoque Le Petit Nice de Gérald Passédat, «un endroit assez ouf, qui nous emmène au-

delà de ce qu'on pourrait imaginer » . La mer est là, qui le fascine depuis l'enfance, avec ces falaises abruptes qui sculptent le ciel et ce puissant mistral dont on dit qu'il rend fou. Marseille ne ressemble à aucune autre. Mais quand on demande à Alexandre Mazzia s'il a définitivement posé ses valises dans la cité, il prévient : « J'ai toujours été un saltimbanque, j'ai toujours aimé bouger, prendre un sac à dos, me balader. À un moment donné, ça gratte le pied, quoi ! » Mazzia est avant tout un homme libre...

passionné d’architecture, a de quoi intriguer. Il nous accueille tout de noir vêtu, baskets orange fluo aux pieds, dans son restaurant d’une rue déserte du chic Sud marseillais. Il nous parle de son parcours, de sa cuisine, de son restaurant et de Marseille.... Marseille? il l'aime, il «la kiffe» même...

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Un menu surprise Chez AM, le client-explorateur choisit le prix d’un «voyage» sans rien savoir du menu. Une certitude: on ne vous promènera pas de monument en monument de la gastronomie marseillaise. À défaut de bouillabaisse, vous goûterez à l’anguille au chocolat. Préparez-vous à sortir de votre zone de confort! Dans chaque bouchée, Alexandre Mazzia introduit avec justesse une note dissonante, voire deux, voire trois. Un petit dé de quelque chose, un pois chiche, une graine craquante de sarrasin. Les couleurs s’électrisent. On ferme les yeux pour mieux se laisser surprendre par une noisette torréfiée, invitée surprise dans une crème au lait fumé. Le torréfié et le fumé, l'herbacé, l'épicé et le pimenté se bousculent en bouche. Et des sourires naissent sur les lèvres, émues par ce voyage intime.

Briser l'écorce... Ses maîtres s'appellent Pierre Hermé, PierreGagnaire, Alain Passard et Michel Bras... Après un passage auVentre de l'Architecte installé dans la Cité radieuse, Alexandre Mazzia a ouvert AM en 2014. Pas facile de faire parler le chef de sa cuisine... Perfectionniste, inquiet, retenu par la peur de ne pas être suffisamment précis, il raconte son projet à mi-voix dans un flot de paroles qu’il nuance, corrige, contredit sans relâche. Un mot revient régulièrement dans sa bouche : «décloisonner» . Dans le choix des produits, les associations sans frontières, le travail entre la cuisine et la salle... Mazzia aime ouvrir des portes. Grand voyageur, toujours.

Qui porte la toque? Dans la salle du restaurant, rien n’est laissé au hasard. Parmi les rares éléments de décoration, un cube couleur cuivrée évoque les casseroles et les couchers de soleil africains. Avant le service, le regard aiguisé d’Alexandre Mazzia repère un cadre à peine penché; il le redresse. Sa tête frôle alors des abat-jour en toile de jute blanche. Semblables à des toques de chef, ils coifferont tout à l’heure les clients à table... Le client serait-il son propre chef? Il doit tout au moins faire sa part du travail: ressentir à sa manière des émotions qu’Alexandre Maz- zia aura déposées dans des recettes très personnelles.

12 L’ÉVÉNEMENT

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ALEXANDRE MAZZIA «MANGER EST UN GESTE BASIQUE, UN GESTE DE VIE ! » Le chef se confie sur son approche de la cuisine, sa vision de la vie, sa relation avec Marseille dont il bouleverse les codes. Une interview sans filtre, brute, à l'image d'un chef hors normes, qui a grandi en Afrique et fait le tour dumonde deux fois. Magnéto.

suis. En France et en Europe, on est toujours dans ces logiques : quelqu'un fait ça et il a eu ça, donc peut-être que c'est le modèle qu'il faut suivre. Ça cloisonne l'esprit, la création et boum! les gens s’enferment.

Pourquoi s’installer à Marseille? A. M. Avant d'arriver à Marseille, je

m'occupais des repas protocolaires d’un particulier. J'ai eu la chance de faire… (il réfléchit) peut-être deux fois le tour du monde. Ensuite, j’ai travaillé à Marseille au restaurant de la Cité radieuse de Le Corbusier, puis je me suis demandé : «Qu’est-ce que je fais ? Je repars à l’étranger ?» Ma femme m'a dit «Là franchement, calmos muchacho ! » J'ai cherché un restaurant de petite taille pour créer mon propre endroit avec mes propres collaborateurs et ma propre façon de voir les choses. J'ai ouvert avec 20€ sur mon compte. J'avais pas droit au découvert ! Quand mes premiers clients sont arrivés… heureusement qu'ils sont arrivés ! C'était chaud. C'était super. Pourquoi ouvrir un restaurant dans ce quartier un peu à l’écart du centre-ville? A. M. Je ne voulais pas être sur le Vieux- Port, parce que je ne voulais pas que les

gens entrent pour manger. Je voulais que les gens viennent découvrir un autre univers. Sur ma façade, c’est pas marqué restaurant. C'était un pari un peu fou ! On a ouvert le 17 juin 2014, le 18 juin on était complet. (Six mois après, le restaurant a gagné une étoile, suivie d’une deuxième cette année.) Est-ce que la décoration de votre restaurant est volontairement épurée pour que le client reste concentré sur l'assiette? A. M. Je voulais un lieu aéré. On n'est pas obligé d'avoir des tableaux aux murs. En plus, on a un vrai tableau : un mur en béton de 13 cm d'épaisseur. Suivant la luminosité et la réverbération sur l'immeuble en face, on a une teinte différente : grise, bleutée voire anthracite. Je voulais que les gens viennent pour découvrir un univers différent et qu’ils se laissent emporter. Il fallait qu'on crée un lieu simple, où tout les détails comptent. Qui sont vos fournisseurs ? A. M. Jean-Baptiste Anfosso, un producteur en permaculture à Bandol. Il fournit 70% du restaurant. Il fait un travail extraordinaire. Je n'ai pas besoin d'aller à Tombouctou !

Racontez-nous votre parcours… Alexandre Mazzia : Je suis né au Congo, à Pointe-Noire, à la Clinique des Manguiers. J'ai vécu pendant quinze ans en face d’une plage qui s'appelle la Côte Sauvage, l’une des plus rudes du continent africain. C'est là aussi qu’il y a le plus de poisson. Face à la mer… Forcément, ça ne laisse pas indifférent ! Le plus petit et le plus vieux marché au poisson d’Afrique était près de la maison. Là-bas, j’ai découvert mes premières palourdes, premiers requins-marteaux, premières raies. De retour en France, ça a été le choc culturel. Je me suis réfugié dans le basket. J’ai été recruté sur les «playgrounds», j’ai joué en pro jusqu’en équipe de France espoirs. Après, il a fallu faire un choix entre la cuisine et le sport. Un choix qui s'est fait naturellement. Ce n'était même pas un choix, en fait. Les produits m'attiraient plus que le terrain. On retrouve votre histoire dans votre cuisine? A. M. Toutes ces expériences se retrouvent dans ma cuisine, mais surtout dans la logistique, le management, la façon d'appréhender la table. J'ai appris à tout décloisonner pour faire simplement ce que je

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En permaculture, on réussit maintenant à avoir des piments, de la mangue, je fais en fonction de ce qu'il me donne. J'ai aussi deux pêcheurs de langoustes dans les calanques de Morgiou (lire page 14). Ça ne me paraîtrait pas cohérent de faire venir des produits de loin. Mon grand-père était pêcheur sur l'île de Ré. Les gens qui l'ont fait vivre, ce sont les restaurateurs, je garde toujours ça en tête. Si nous, restaurateurs, on n'aide pas les petits artisans, qui va le faire ? On n’a pas beaucoup parlé de ce que vous mettez dans l’assiette… A. M. Vous verrez ! Vous pouvez juste nous expliquer un plat? A. M. Nan ! Vous allez voir, vous. Ça ne sert à rien d’en parler. Il vaut mieux manger et après, vous aurez votre propre analyse. A. M. J'essaie d'emmener les gens dans ce que j'ai à leur faire ressentir de plus profond. Après, il y en a qui partent et il y en a qui ne partent pas. C'est assez cérébral, mais manger est un geste basique, un geste de vie. J'espère apporter un peu de bonheur aux personnes qui viennent déjeuner ou dîner. Nous, on passe très peu de temps à table, un quart d'heure par jour. Je pourrais passer la journée à table avec ma femme à raconter des histoires, à boire, à rigoler… A. M. Non, il y a suffisamment de gens qui savent faire la bouillabaisse sans que j’en rajoute. Le terme revisiter m'emmerde, en fait. On revisite ceci, on revisite cela, je re-revisite, je re-re-revisite… fais ce que tu fais, quoi ! Revisiter, je l'ai fait il y a très longtemps, j'arrête. Ici, on a notre forme d'écriture qui est totalement différente. Vous vous imaginez dans un endroit quand vous créez une recette? Est-ce que des recettes marseillaises vous inspirent ?

Beauté intérieure Brocolis/manioc/ pois chiches/passion/ lait de poule... Un mélange de textures et de saveurs qui

crée l'émotion et la surprise.

Du tableau à la table... Chaque assiette est un poème. Celle-ci nous emporte quelque part sur les plages d’Amérique latine. Elle se présente comme une curieuse méduse. Une créature élastique que l’on est tenté de taquiner du bout de la fourchette. Le serveur l’arrose d’un lait de poule à base de jaune d’œuf légèrement monté au vinaigre de riz et cumin. La drôle de bête n’a pas bougé, voyons ce qu’elle a dans le ventre... Une purée de brocolis onctueuse dans laquelle se cachent des pois chiches rondement joueurs. Le dos de la bête résiste un peu sous la dent, quand... Braoum ! Des graines de fruits de la passion résonnent comme un coup de tonnerre intérieur.

On vous laisse déjeuner… A. M. Je vais grignoter un petit truc.

TO U T E S N O S A D R E S S E S PAG E 1 2 8

14 L’ÉVÉNEMENT

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SORTIE EN MER AVEC LES PÊCHEURS DES GRANDS CHEFS Comme tout grand chef marseillais, Alexandre Mazzia soigne son réseau de pêcheurs. «Mon pêcheur de langoustes est adorable, il s’appelle Fabien, téléphonez-lui ! » Le rendez-vous est donné la semaine suivante à six heures du matin, dans le port de Morgiou. Le port, lilliputien, est coincé entre deux falaises calcaires qui plongent dans la mer. Il héberge de petits bateaux, un petit restaurant et même un petit terrain de pétanque. Le ciel est bleu électrique quand on y retrouve Fabien, le pêcheur, et Nicolas, son ami infirmier reconverti en matelot. À 29 ans, Fabien est le plus jeune des pêcheurs marseillais. Les marins braquent un spot éblouissant sur leur modeste embarcation de huit mètres. Pendant les huit heures que dure leur journée en mer, ils remontent inlassablement chacun de leurs quatre filets pour les nettoyer et les démêler. Ces chasseurs de trésors savent qu’ils peuvent revenir bredouille. Avant de voir la couleur d’une langouste, ils doivent démêler des dizaines de cailloux et de méduses. Une pêche artisanale et durable qui demande des efforts Pour l’instant, la pêche s’annonce mince. Les langoustes trop petites sont rejetées à la mer, vivantes. Pour se donner du courage, ils se remémorent leur plus belle journée, lorsqu’ils avaient capturé un homard. Pendant que Fabien tire sur le filet, Nicolas trépigne. Il ne peut s’empêcher de se pencher pour voir ce qui sort de l’eau : «Un calamar, il est énorme ! » Au total, ils capturent de quoi couvrir les charges : huit langoustes, un gros calamar, une baudroie, une daurade et des petits poissons pour la soupe. De retour sur la terre ferme, une deuxième journée de travail commence pour Fabien, celle du vendeur de poisson. Les langoustes sont vendues vivantes à Alexandre Mazzia, il les prend toutes ! Pour le reste, il va falloir négocier un prix qui permette de couvrir le coût de cette pêche artisanale et durable.

Fabien et Nicolas ont une conception de la pêche qui tranche avec celle de nombreux collègues. Respect du poisson, respect de l'environnement, respect du goût. Ils pratiquent la technique ancestrale japonaise de l'ikejime, qui limite la souffrance animale et ne dégrade pas sa chair. Une passion communicative.

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Enrique Olvera s’inspire de l’héritage précolombien et des antojitos (en-cas) de la cuisine de rue . Il accueille ses clients avec ces brochettes de maïs servies dans une calebasse.

© GRUPO OLVERA

Me gusta México !

LA CUISINE MEXICAINE CONNAÎT UNE VÉRITABLE RENAISSANCE. TOUTES SORTES DE FESTIVALS LUI RENDENT HOMMAGE. AU MEXIQUE ET EN FRANCE, DES CHEFS TALENTUEUX, RENOUANT AVEC LEURS RACINES, NOUS INVITENT À LA DÉCOUVRIR.

T E X T E GWE N A Ë L L E L E P R AT

O ubliez les tex-mex qui ont inondé l’Europe et les États-Unis de faux burritos, pseudo-tacos et shots de tequila, le vrai Mexique ne se résume pas plus aux clichés du piment qui arrache la langue qu’aux larves de fourmis à gober sur le mode Koh-Lanta… Riche, subtile, éclatante de fraîcheur, la cuisine mexicaine se

regorgent de poissons et de crustacés. Quant aux terres, dont plus de la moitié sont perchées à plus de 1500 m d’altitude, elles offrent des viandes tendres à souhait, et une palette inouïe de fruits et de légumes, du plus exotique au plus familier. Prenez Mazatlán, par exemple – délicieuse ville du Pacifique dans l’État du Sinaloa, connue pour son carnaval exubérant –, c’est

renouvelle en explorant fièrement son héritage. Il suffit d’aimer le guacamole maison, à peine relevé, pour être prêt à apprécier une sauce au cacao salée digne des Aztèques, une viande confite sur une petite galette de maïs ou une tequila 100% agave, qui se savoure lentement... Entre les golfes de Californie et du Mexique, l’océan Pacifique et la mer des Caraïbes

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aussi la capitale de la crevette. Un marché local est encore entièrement dédié au petit crustacé, autrefois séché et gardé dans une nasse de feuilles entrelacées. Les plaines côtières, particulièrement bien irriguées, regorgent de fruits et de légumes expédiés à travers tout le pays. C’est l’une des villes sûres et tranquilles, où le quidam peut sortir le soir. Des «cantinas», bars populaires à l’ambiance joyeuse et un brin macho, peu fréquentées des touristes, à la myriade de petits et grands restaurants, le centre historique bruisse de vie. Reconnaissance mondiale C’est là que Diego Becerra, le chef du fameux El Presidio Cocina, a créé une association avec six compères aux restaurants reconnus pour leur cuisine créative. «AuMexique, la cuisine de rue peut encore égaler celle d’un étoilé, s’enthousiasme-t-il. Mais les huiles raffinées remplacent désormais le bon lard, qui se glissait dans toutes les recettes, pain compris… Il est temps d’empêcher la junk food de progresser.» La bande des sept se démène à travers le pays pour clamer leurs valeurs. Ensemble, ils célèbrent le produit brut de qualité, et les savoir-faire hérités des Aztèques et des premiers colons; ils s’en inspirent, insufflent un peu de technique et un maximum de plaisir. Une reconnaissance mondiale les encourageà poursuivre: en 2010, «la cuisine traditionnelle mexicaine» est entrée au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, au même titre que «le repas gastronomique des Français» et «la diète méditerranéenne». Aucun risque de se lasser des tortillas ou des tacos: comme les pâtes des Italiens, la petite galette est un prétexte pour décliner toutes sortes de délices. Une collection répertoriant les ingrédients et les recettes mexicaines a été publiée en 78 volumes sous le titre Cuisine indigène et populaire . Et elle ne couvre encore que 10% du patrimoine culinaire!

© CONSERVATORIO DE LA CULTURA GASTRONÓMICA MEXICANA

Les dix spécialités à connaître

ENCHILADAS : tortillas roulées et frites, fourrées de fromage, d’oignons, de poulet... et nappées de sauce. PINOLE : boisson aztèque sans alcool, à base de farine de maïs, plus ou moins diluée dans l’eau et parfumée d’épices. Il se boit frappé. POZOLE : bouillon à la viande de poulet ou de porc, auquel on ajoute du maïs recouvert de salade, oignons frais, radis, piment et jus de citron. QUESADILLA : tortilla de blé au fromage fondant, idéalement du quesillo deOaxaca. TAMALES : préparation à base de pâte de maïs, farcie d’ingrédients variés, cuite dans son jus et présentée dans une feuille de maïs. MOLE : la fameuse sauce salée au cacao, piment rouge et cacahuètes

BURRITO: tortilla de blé qui s’enroule en cylindre autour d’une préparation à base de viande de bœuf, de haricots, de tomates, d’oignons frais, de salade, d’épices… CEVICHE : crevettes ou poisson cru marinés dans du citron vert, et assaisonnés d’huile, de citron, d’oignons, de piments et de coriandre. CHILAQUILES : tortillas de la veille, coupées en morceaux et frites à la poêle. Ils sont souvent servis avec une sauce rouge piquante, parfois avec une viande, au petit-déjeuner. CHILES : ce sont les piments, indissociables de la cuisine mexicaine, même si les sauces sont beaucoup moins relevées dans le Nord. Certains piments frais sont forts, voire très forts tels le habanero, le jalapeño ou le chile manzano. D’autres sont beaucoup plus doux tels le chipotle, le poblano. Idem pour le piment sec.

dont la version traditionnelle nécessite des jours de travail. (Voir la recette page 108).

Le restaurant El Presidio Cocina à Mazatlán.

© EL PRESIDIO

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Chacun des 31 États fédéraux revendique désormais ses spécialités, en espagnol ou dans l’une des 72 langues indigènes nationales. De la Basse-Californie – au nord du Mexique – à l’État du Yucatan au Sud, les visiteurs ont de plus en plus accès aux circuits gourmands de tours operators expérimentés. Les routes du mezcal dans le Zacatecas, du café dans le Chiapas, des vins et de la bière artisanale dans le Querétaro… sont autant d’invitations au voyage. Toutes se croisent à Mexico, où l’on retrouve les spécialités de tous les États. Chapulines et grillons Les offices de tourisme ont appris à valoriser leurs terroirs. Dans les territoires réputés à l’abri de l’insécurité, on peut très bien se débrouiller seul. Choisir, par exemple, de dormir dans la chambre d’hôtes d’une chocolaterie au cœur de Oaxaca, se réveiller et déjeuner dans les effluves de fèves de cacao broyées à cru avec les épices, puis déambuler dans les allées du vaste marché traditionnel aux étals chargés de victuailles. Il faut oser goûter les chapulines, ces grillons grillés, vendus de la main à la main par les autochtones, ou siroter les meilleurs mezcals sur le toit en terrasse d’un restaurant branché. Ce melting pot est une mine pour les chefs mexicains, qui ont cessé de s’aligner sur l’Europe et s’approprient aujourd’hui le meilleur de la tradition. Certains sont mondialement réputés, comme JorgeVallejo du restaurant Quintonil, classé n° 11 sur la liste des World’s 50 Best Restaurants , mais aussi Mikel Alonso, Gerard Bellver, Bruno Oteiza ou Enrique Olvera, dont nous avons découvert la cuisine à Mexico. Au-delà de son restaurant Pujol (voir ci-contre) , et de Mesamerica – un festival gastronomique très ambitieux qu’il a fondé et qui attire les grands chefs au Mexique – il revendique un ancrage populaire et

Enrique Olvera Pujol, le goût du succès Décrocher une réservation chez Enrique Olvera relève du miracle: Pujol est classé 13 e sur la liste des 50 Meilleurs Restaurants du Monde et 3 e sur la liste des 50 Meilleurs d’Amérique Latine. Star dans son pays comme aux États-Unis, où il a ouvert deux tables à succès à New York et à Los Angeles, cet infatigable globe-trotteur revient toujours à son port d’attache, situé à Polanco, quartier chic et paisible de Mexico. Après un apéritif d’alcool d’agave au jardin à la lumière d’un brasero, il nous invite à plonger dans une expérience sensorielle unique. L’intensité des saveurs et des textures ponctue un cérémonial qui déroule les spécialités de manière aussi rythmée que surprenante. Un vibrant hommage à l’héritage pré-hispanique qui s’accompagne de bons vins, de grands mezcals et de bonne ambiance! www.pujol.com.mx

Le vrai guacamole… Le mot «guacamole» vient de ahuacamulli en langue nahuatl, qui signifie «sauce à l’avocat». L’avocat bien mûr doit être écrasé à la fourchette, jamais au mixeur. On le prépare avec de l’oignon blanc et de la tomate épépinée coupés en petits dés, un peu de piment vert assez fort (sans veine, ni pépins), des feuilles de coriandre ciselées, du jus de citron vert et du sel. Rien d’autre! Il accompagne un plat ou se déguste avec des chips de maïs, les nachos , qui sont des tacos découpés en triangle et frits à la maison. Si vous ajoutez de l’huile, de l’ail, des épices, de la crème ou du fromage, c’est bon aussi mais ce n’est pas du guacamole mexicain...

© GRUPO OLVERA (3)

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Salsa aux haricots

POUR 4 PERSONNES PRÉPARATION 20 MIN CUISSON 30 MIN FACILE Huile de pépins de raisins ou d’olive • 8 tortillas • 8 œufs • Sel • Option : 4 feuilles de santa. LES TORTILLAS ET LESŒUFS l Faites chauffer de l’huile dans une poêle antiadhésive. Mettez les tortillas à chauffer l’une après l’autre, de 3 à 5 secondes, le temps de les assouplir. Posez-les sur du papier absorbant. l Faites frire les œufs au plat ou pochez-les. l Disposez 2 tortillas par assiette, couvrez les éventuellement de feuilles de santa, ajoutez les œufs, puis recouvrez de sauce. POUR LA SAUCE RANCHERA • 6 tomates bien mûres • ¼ de gros oignon blanc • 2 piments serrano • 1 gousse d’ail • Sel. l Faites cuire tous les ingrédients à feu vif pendant 25 min en remuant souvent. Laissez refroidir, puis écrasez au pilon ou au mixeur. POUR LA SAUCE SALSAVERDE • 3 tomates vertes • 2 oignons blancs • 1 piment fort • Le jus d’1 citron vert • 2 gousses d’ail • Coriandre fraîche • Sel. l Faites cuire tous les ingrédients à feu vif pendant 25 min en remuant souvent. Laissez refroidir, puis mixez Versez sur les œufs pochés, ajoutez 1 c. à café de vinaigre et un peu de coriandre. POUR LA SAUCE SALSA AUX HARICOTS • 2 tasses de haricots noirs • 60 g de manchego. l Faites cuire 2 tasses de haricots noirs. Mixez-les avec l’eau de cuisson, jusqu’à la consistance voulue. Parsemez de fromage n

salsa verde

O e u f s r a n c h e r o s

e n t r o i s f a ç o n s

© RECETTE EXTRAITE DU LIVRE TU CASA MI CASA PHOTOS ARACELI PAZ

Salsa ranchera

LE LIVRE Pour une cuisine de tous les jours aux saveurs d’un Mexique retrouvé. TuCasamiCasa

de Enrique Olvera, Éditions Phaidon. 35€. Publié en espagnol.

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Lydia Gonzalez accueille le pâtissier Farid Grijalva pour un dîner à quatre mains.

RDV Latino sur YouTube Jeune journaliste,

indigène. D’où sa création de «Molino El Pujol», un comptoir de restauration rapide 100% artisanal consacré aux produits fondamentaux: le maïs et le haricot. Le Mexique à Paris Le MOF Éric Briffard, directeur de l’Institut Le Cordon Bleu Paris, a accueilli Enrique Olvera en mars dernier pour la signature de son livre. Il compare le phénomène mexicain à la cuisine péruvienne: «Ces chefs nous révèlent des saveurs inconnues: l’alchimie s’exprime de manière soudaine, évidente, rafraîchissante. Le palais ne s’y trompe pas!» . À défaut d’aller au Mexique, laissez le Mexique venir à vous et découvrez les figures culinaires qui comptent à Paris. Certains revendiquent une cuisine identitaire, comme Lydia Gonzalez d’Itacate (lire ci-contre) ou Alexis Delassaux, le Top Chef 2017 du Luz Verde. D’autres jouent sur la fusion dans un style bistronomique comme la médiatique Beatriz Gonzalez (Neva, Coretta et Rive Droite à La Grande Épicerie) ou Antonio Cortes qui officie à l’Atelier des Chefs. Tous changent notre regard sur un pays qui a beaucoup à nous apprendre.

Claire Carisey nourrit depuis toujours une passion pour l’Amérique latine. Avant de pouvoir se payer le voyage (rêve qu’elle a enfin réalisé en mars dernier), elle a lancé une chaîne YouTube

Rendez-vous à Puerto Vallarta Du 15 mai au 10 juin 2019 LA RESTAURANTWEEK Les meilleurs chefs de Puerta Vallarta proposeront des plats et menus à des prix exceptionnels. En guest star, Thierry Blouet, le chef franco-mexicain charismatique du Café des Artistes. www.restaurantweekpv.com Du 29 septembre au 3 octobre: VALLARTA-NAYARIT GASTRONOMICA La ville de PuertoVallarta et la région de la Riviera Nayarit accueillent des master class, des démonstrations de cuisine et des dîners d’exception durant quatre jours, en présence de chefs étoilés venus d’Europe. www.vallartanayarit gastronomica.com Du 19 au 24 novembre 2019: FESTIVAL GOURMET INTERNATIONAL Rassemblement au sommet de tous les grands noms de la gastronomie... www.festivalgourmet.com qui célèbre la cuisine et l’art de vivre latinos. Elle interviewe et filme des porte-parole bien choisis et décrypte avec fraîcheur cette culture complexe et attachante. Abonnez-vous!

© EMANUELA CINO

Lydia Gonzalez cuisine le Mexique à Paris

Originaire de l’État du Querétaro au nord-ouest de Mexico, Lydia a travaillé avec des grands chefs mexicains, avant de rejoindre les cuisines du Plaza Athénée, à Paris. C’est dans la capitale qu’elle choisit d’ouvrir «Itacate, cocina mexicana», petit restaurant charmant, rue Saint-Honoré, où tout est fait maison dans l’esprit d’une «taquerÍa» (bodega mexicaine). Comment deviner, en la choisissant pour notre article le soir d’un dîner à 4 mains avec Farid Grijalva, pâtissier du Chihuahua, qu’elle recevrait peu après à l’ambassade le titre de «Meilleur restaurant mexicain de Paris» et le label «Authentique cuisine mexicaine en France» récemment créé? Incroyable coïncidence: c’est elle aussi qui a été appelée en mars dernier pour épauler Enrique Olvera – le chef star qui nous a emballés à Mexico – lors d’un passage éclair pour sa master class à Paris. Une cuisine simple et franche à découvrir aussi à l’occasion du bouillonnant Festival de gastronomie mexicaine Qué Gusto, à Paris au mois de juin, ou au décapant festival Mange Lille! en septembre, où elle est l’une des quatre chefs mexicaines invitées.

Qué Gusto fête le Mexique à Paris Paris n’ignore plus la cuisine mexicaine depuis le lancement du festival «QUÉ GUSTO» organisé par la pétillante Ximina Velasco. Au programme du 15 au 23 juin , en de multiples lieux de la capitale : des soirées dans les restaurants mexicains de Paris, un atelier cuisine à quatre mains avec des chefs mexicains, des cours de cuisine, un concours et un marché éphémère... L’édition 2019 est parrainée par le chef star Éric Guérin (La Mare aux Oiseaux), infatigable globe-trotteur qui rentrera tout juste d’un voyage à la rencontre de producteurs, artisans et chefs mexicains.

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