La Presse Bisontine 85 - Février 2008

La Presse Bisontine n° 85 - Février 2008

DOSSIER

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MÉDIAS 30 journalistes Déservillers sous les feux de la rampe Les six spéléologues bloqués dans le réseau souterrain du Verneau à Déservillers ont suscité, trois jours durant, l’intérêt des médias nationaux. Le petit village d’environ 260 habitants qui a la particularité d’abriter une radio locale, a vu déferler sur son secteur une trentaine de journalistes.

REGARD

Une vingtaine de journalistes Quand les secours ont à gérer la presse La communication entre les autorités qui encadrent les secours et les journalistes à l’affût d’information n’est pas toujours évidente. À la difficulté des opérations s’ajoute la pression des médias.

“N ous sommes sans nou- velles de six spéléos coin- cés dans une grotte du Doubs.” Sur les radios nationales, lematin du 7 janvier,l’information est encore sommaire et imprécise. Elle s’affinera au fil des heures, avec l’arrivée àDéservillers de cor- respondants détachés par les rédac- tions. L’aventure deDidier Pasian, Denis Drumetz, Mouloud Koob, StéphaneGuignard,YannickFaivre, Pierre Bourgoin, dont ne sait pas s’ils sont vivants ou morts, est le genre de faits divers sur lesquels se focalisent lesmédias tant la part d’émotion, de doute, de rebondis- sement qu’il véhicule est impor- tante. Un vrai feuilleton. Sur place, pour les sauveteurs, au stress de la course contre lamontre qui est engagée pour secourir ces six hommes, s’ajoute la pression des journalistes à l’affût de la moindre information sur l’évolution de la situation. Le Colonel André Benkemoun qui commande le S.D.I.S. (service départemental d’incendie et de secours) est rom- pu à ce genre d’exercice. “Person- nellement, pendant quatre ans,j’ai travaillé auministère de l’Intérieur. J’ai eu à gérer la presse et ses 450 journalistes lors de l’affaire du Concorde. La presse, on l’intègre dans la gestion de l’opération.” La

vingtaine de journalistes présents à Déservillers au pied des Biefs Boussets ne devait donc pas l’impressionner. Les autorités avaient tout prévu pour permettre aux professionnels des médias de faire leur travail dans de bonnes conditions.Des points étaient orga- nisés à des heures précises pour permettre à chacun de commen- ter l’actualité. Malgré tout, à Déservillers, des journalistes ont transgressé les règles établies, poussés par cette envie (propre à cemétier) de décro- cher un scoop.Ainsi, lemardi, une équipe de TF1 a pris le pari que deux spéléologues allaient sortir par la grotte Baudin à proximité de Nans-sous-Sainte-Anne. Ils ne s’étaient pas trompés. Dès le début de la journée, un cameraman est donc allé se poster à la sortie de la grotte, rechignant à se déplacer pour des raisons de sécurité lorsque les autorités le lui ont demandé. “Ce sont les gendarmes qui sont intervenus poursuit leColonel Ben- kemoun. Mais globalement, avec un peu de pédagogie, les choses se passent bien avec la presse.” Samuel Prost,conseiller technique adjoint auSpéléoSecoursFrançais, admet que la présence des médias est une forme de pression. “Nous le vivonsde façondifficiledans le sens

où nous ne sommes pas formés à la gestionde la presse.Malgré tout, dans le cadre de nos formations dans le Doubs, nous avons eu l’occasion durant une journée de travailler cette question pour nous familiariser unminimumà la pri- se de parole devant la presse.” À Déservillers, les autorités n’ont laisséaucuneplaceà l’improvisation face auxmédias.L’informationétait régulière et calculée face àdes jour- nalistes en attente d’unminimum de sensationnalisme dans l’histoire qui se déroule.Les sauveteurs sont eux aussi préparés au scénario catastrophe “dès que l’alerte est donnée.Ce que l’on redoute avec les journalistes, c’est la divulgation d’informations qui ne sont pas secrètes, mais qui méritent d’être préservées.Quand elles sont divul- guées, ça crée une désorganisation.” Par exemple l’information selon laquelle les quatrehommes avaient été localisés dans le réseau devait rester confidentielle “le temps qu’on l’analyse,que l’on prenne une déci- sion et qu’on finisse par la trans- mettre aux médias.” Or, elle s’est répandue comme une traînée de poudre dans la presse avantmême que les autorités préfectorales n’aient été informées de l’état de la situation. L’informationn’attend pas !

D imanche 6 janvier en début d’après- midi, le plan de secours préfectoral est déclenché : on est sans nouvelle des six spéléologues partis en exploration depuis plus de 24 heures. Les premiers journalistes informés par les pompiers, une équipe de France 3 Bourgogne-Franche-Comté, arri- vent à Déservillers le dimanche vers 17 heures.

léo a le profil du bon fait divers : “Sur ce gen- re d’événement, nous avons une véritable his- toire à raconter, du mystère, de l’attente et des données inconnues qui nous permettent de rebondir.” Par ailleurs, le nombre important de victimes impliquées dans l’incident de Déservillers ainsi que les moyens de secours déployés ont contribué au phénomène de médiatisation de l’événement. Dès lundi matin, les locaux de Villages F.M. situés à moins de 50 m du poste de com- mandement des secours, se transforment en base arrière du pôle journalistique. Le direc- teur de l’antenne,Alain Bulle, alloue un espa- ce à chaque média et tente de répondre au mieux aux demandes de ses invités, pour le moins particuliers. Ils incarnent respecti- vement TF1, RTL, le journal l’Alsace/Le Pays ou encore l’A.F.P. Les bulletins météorolo- giques des jours précédents et des documents sur la spéléo sont mis à leur disposition ain- si que des connexions Numéris et Internet. Face aux caprices de la téléphonie mobile, ils joignent leur rédaction à partir des télé- phones fixes de la radio. Les six spéléologues retrouvés saints et saufs, journalistes et cameramen quittent les lieux. “Villages F.M. aura été une bénédiction” s’exclame Jean- Luc Boujon d’Europe 1 ! L.F.

Équipés d’un camion satelli- taire, ils envoient depuis le site leur premier reportage sur le sujet, diffusé le soir même à l’édition nationale du 19/20. Pendant ce temps, la première dépêche de l’A.F.P. tombe. Les composantes d’un important fait divers sont alors réunies. Rapidement, les rédactions des autres médias décident de cou- vrir l’événement. Dès lundi, TF1, France 2, Europe 1 ou enco- re la Télévision Suisse Roman- de sont sur le terrain. “L’effet d’entraînement est indéniable. Si certains médias y vont, les autres suivent !” explique Lau- rent Ducrozet de France 3. Le journaliste du quotidien Le Pari- sien ajoute que l’accident spé-

“Une véritable histoire à raconter, du mystère.”

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