La Presse Bisontine 85 - Février 2008

ÉCONOMIE

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La Presse Bisontine n° 85 - Février 2008

PRODUITS RÉGIONAUX Peut-être un projet à Valdahon La saucisse de Morteau a des saveurs orientales

L es fabricants de saucisse deMorteau peuvent bran- dir l’étendard de l’I.G.P. obtenue après d’âpres combats sur la scène européenne. L’indication géographique pro- tégée ancre ce produit dans son terroir originel et lui donne ain- si son caractère authentique si prisé des consommateurs. La “belle” reste ainsi le fleuron de la gastronomie du Haut-Doubs et plus largement de la Franche- Comté. La région en garde jalou- sement l’exclusivité de la pro- duction. L’image de marque de la saucisse deMorteau est intac- te. On l’imagine fabriquée dans le respect d’un savoir-faire tra- ditionnel et fumée en tuyé avant de finir dans nos assiettes.Mais il y a un os dans la recette : le boyau. Le contenant n’a pas la même saveur que le contenu.

La plupart des boyaux des saucisses de Morteau sont préparés en Chine ou au Maroc. Voilà une découverte qui gâche un peu la saveur de ce produit authentique.

Les boyaux de porc fermés à une extrémité par une cheville en hêtre sont préparés en dehors des fron- tières franc-com- toises, en Chine ou en Afrique du Nord par exemple, avant d’être rapatriés en France où ils sont commercia- lisés. L’entreprise juras- sienne Dole Boyaux, qui fait

clientèle. Le boyaudier jurassien n’est pas le seul fournisseur des producteurs de saucisse deMor- teau. Un industriel hollandais qui figure parmi les leaders à l’échelle de la planète vend des boyaux traités enChine issus de bêtes qui cette fois-ci n’ont pas été abattues systématiquement en Bretagne. La robe ambrée qui couvre la bel- le deMorteau est exotique.Bizar- rement, l’I.G.P. qui la protège n’impose pas que le boyau soit fabriqué dans un périmètre géo- graphique défini.L’enveloppe est reléguée au rang des fournitures de fabrication. C’est un peu com- me les petits pois. Peu importe l’origine de la boîte de conserve qui les contient, l’important est ce qu’il y a à l’intérieur. Sauf que dans le cas la saucisse de Mor- teau, la peau semange ! Dans le métier, personne ne semble s’offusquer de la situation. “Ce n’est pas choquant dans la mesure où le travail est bien fait. L’essentiel est ce qu’il y a à l’intérieur duboyau” rassureNoël Myotte, producteur et défenseur de la véritable saucisse de Mor- teau. Il regrette néanmoins “qu’en Franche-Comté, on ne soit pas capable de produire nos propres boyaux. J’ai longtemps réclamé pour qu’on crée une boyauterie aux abattoirs deValdahon. Cela n’a jamais été fait.C’est une lacu- ne car en plus aujourd’hui, tous les boyaux de porcs sont jetés.” Jean-MichelToma avoue étudier une piste pour récupérer les boyaux de Valdahon. Mais pour le boyaudier jurassien, le prin- cipal inconvénient de cet abat- toir est sa faible capacité de pro- duction (un peu plus de 3 000 porcs par semaine), incompa- rable avec les établissements bre- tons.Alors en attendant une sau- cisse 100 % franc-comtoise, les consommateurs sceptiques n’ont qu’a peler la belle avant de la manger. T.C.

“L’essentiel est ce qu’il y a à l’intérieur du boyau.”

Le boyau qui enserre la chaire de la saucisse est traité à l’étranger.

partie de la trentaine de boyau- diers français, a installé il y a quelques mois une unité de pro- duction au Maroc. La saucisse de Morteau représente 10 % de son chiffre d’affaires.Elle n’avait pas d’autre choix pour continuer à exister sur un marché mon- dialisé et très concurrentiel. “C’est un métier qui repose à 98 % sur la main-d’œuvre. Compte tenu de ce que coûte la main-d’œuvre en France, nous ne pouvions pas lutter contre nos concurrents qui ont déjà investi à l’étranger” explique Jean-Michel Toma, res- ponsable de l’entreprise. Dole Boyaux achète sa matière pre- mière en Bretagne, où des abat- toirs tuent jusqu’à 700 porcs par heure. Les boyaux (et les che- villes) sont ensuite envoyés par containers au Maroc où ils sont traités sur place. “Actuellement, 50%de nos boyaux sont produits à Casablanca. L’unité emploie pour l’instant une soixantaine de personnes. On devrait arriver à 150 employés d’ici peu” ajoute l’entrepreneur. Aujourd’hui, un boyau de porc se négocie entre 20 et 25 cen- times d’euros. Des tarifs qui ont doublé en deux ans tant la pénu- rie sévit sur lemarché. Les fabri- cants se livrent malgré tout à une concurrence acharnée sur les prix pour aller chercher la

MICROTECHNIQUES Il pourrait être menacé “Le pôle doit atteindre une taille supérieure”

Le pôle des Microtechniques de Besançon va être audité en avril dans le cadre de l’évaluation nationale lancée début janvier dans les 71 pôles de compétitivité français.

“O n appréhende cette évaluation sereinement.Nous ne sommes pas béats. Nous aurions pu faire beaucoup plus mais on a déjà fait beaucoup” , affirme Jean-Michel Paris, le directeur du pôle des Microtech- niques. L’heure du premier bilan a son- né pour les 71 pôles de compétitivité créés depuis 2005.Deux cabinets d’audit - B.C.G. et C.M. International - ont été chargés de mener, à partir de janvier, une évaluation de l’efficacité de la poli- tique menée par les pôles. Ils rendront leur rapport au début de l’été. Micro- techniques doit être audité début avril. Le bilan réalisé devrait servir à des- siner les contours de l’avenir des pôles dès 2009, notamment au niveau des moyens financiers. L’État a pour le moment dégagé une enveloppe de 720 millions d’euros jusqu’à la fin de l’année seulement. Reste à savoir si tous les 71 pôles seront conservés et aidés,dans cette deuxième phase. “Nous

80 entre- prises adhè- rent aujour- d’hui au pôle des Micro- techniques.

entreprises adhérentes - P.M.E. pour la plupart - et fait partie des “petits” pôles. 50 projets sont en cours.Au titre des réussites, “on a contribué au record mondial de vitesse du T.G.V.” avec la plateforme “Amimac” pilotée au sein du pôle par Alstom et le pôle a permis de réunir l’ensemble des institutions franc-comtoises chargées de transfert industriel en une seule, résume Jean- Michel Paris. Par contre, le pôle bisontin reconnaît qu’il a “encore beaucoup à progresser.” “On doit atteindre une dimension sup- plémentaire encore,Microtechniques a un vrai problème de taille” , ajoute le directeur du pôle. “Les grandes entre- prises du secteur n’existent pas encore, il faut que l’on gagne une masse cri- tique. Une entreprise de trois salariés aura énormément de difficulté à s’imposer sur le marché mondial.” Faire émerger de plus gros acteurs. Le pôle des Microtechniques veut “éviter de trop se disperser” et se centrer davan- tage sur le secteur médical. Pour 2008, il devrait accentuer son action sur les capteurs et transducteurs, utilisés pour la télémédecine. “On a déjà été appro- ché par un certain nombre d’entreprises, nous sommes un des rares pôles à pou- voir développer le secteur.” S.D.

n’avons pas de crainte, même si l’argent de l’État n’est pas un puits sans fond. Pour un cer- tain nombre de cas, le cadre du pôle n’a pas fonctionné, mais celui- ci est complètement jus- tifié pour les Micro- techniques. Accompagner des pro- jets collaboratifs et repré- senter la filière : c’est ce que nous faisons” ,se féli- cite le directeur du pôle franc-comtois. Après deux ans, le pôle des Microtechniques regroupe près de 80

“On a contribué au record mondial de vitesse du T.G.V.”

Selon son directeur, “Microtech- niques a

encore un vrai

problème de taille.” (photo archi- ve L.P.B.)

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