La Presse Bisontine 207 - Mars 2019

8 DOSSIER BESANÇON

La Presse Bisontine n°207 - Mars 2019

SANTÉ

Lanceur d’alerte

“Les L.B.D. sont des armes qui incitent à la dérive” À l’origine de la pétition anti-L.B.D. (déjà 161 000 signatures), le chef du service de neurochirurgie du C.H.U. de Besançon a été reçu au Parlement européen pour dénoncer l’utilisation de cette arme lors de manifestations.

L a Presse Bisontine : Les blessures pro- voquées chez les gilets jaunes par le lanceur de balles de défense (L.B.D. 40) vous ont incitées à sortir de votre réserve. Pourquoi ? Laurent Thinès (professeur de neurochirurgie, chef de service au C.H.R.U. de Besançon) : Parce que j’ai été horrifié des dégâts de cette arme sub-létale. Il y a déjà eu 2 000 manifestants blessés (dont 1 000 policiers) et 150 très gravement. Ce sont des blessures dramatiques avec des patients défigurés, des fractures crâniennes avec hémorragie cérébrale, un œil perdu, des fractures de la mâchoire. Un manifestant à Nantes a été touché à la rate par un tir : il a failli mourir ! Que des personnes venues manifester repartent avec un pied arraché, la joue arrachée, une commotion cérébrale m’a incité à réagir car je trouve cela choquant en tant

que médecin et citoyen. J’ai fait ce métier pour sauver la vie des gens. C’est un combat juste. L.P.B. : Êtes-vous surpris par l’ampleur média- tique de votre pétition ? L.T. : Je ne m’attendais pas à ce qu’elle décolle autant. Les personnes se sen- tent concernées. Beaucoup de collègues neurochirurgiens, des infirmier(e) s, aides-soignants,

Le Professeur de neurochirurgie Laurent Thinès.

(N.D.L.R. : le 14 février, le Parlement a condamné le recours disproportionné à la force). L.P.B. : Pourquoi dites-vous que le L.B.D. n’a rien à faire dans une manifestation ? Avez- vous soigné une personne atteinte d’un tir ? L.T. : Pas dans mon service. Un street medic (soignant au secours des gilets jaunes) à Besançon a reçu une balle dans la tête. Bien que protégé par son

kinés me rejoignent. J’ai reçu beaucoup de mots de soutien de confrères et patients. J’ai saisi le défenseur des droits - Jacques Toubon -, et j’ai été invité en février au Parlement européen pour porter mon message

casque, il a eu une commotion cérébrale, des troubles du sommeil et de la concen- tration. Dans 1 cas sur 5, le L.B.D. peut tuer ou entraîner un handicap grave. Un tir correspond à 10 boules de pétanque lancées à 40 mètres et reçues en même temps dans la tête. C’est inquiétant. Ces armes sont faites pour interpeller des forcenés : leur usage a été détourné !

L.P.B. :Leministre de l’Intérieur n’a pas répondu à votre appel. Quelle suite désormais ? L.T. : Je porterai encore ce message d’in- terdiction de ces armes (L.B.D. et gre- nades) dans les manifestations. On sait les policiers entre le marteau et l’enclume : ils sont fatigués, sous pres- sion, pas formés. Ces armes incitent à la dérive : il faut une issue poli- tique ! n Propos recueillis par E.Ch.

“L’équivalent de 10 boules de pétanque.”

“S i aujourd’hui, 60 % des personnes atteintes d’un can- cer guérissent, on observe parallèlement une aug- mentation de l’incidence (de nou- 3 000 nouveaux cas de cancer par an dans le Doubs La Ligue nationale contre le cancer a tenu fin janvier son 21 ème colloque de la recherche à Besançon. L’occasion de faire un bilan d’étape sur le plan local. SANTÉ Pas de sur-incidence en Franche-Comté

L’exception chez ces messieurs vient du cancer de la prostate en légère sur-incidence dans le département avec 500 nouveaux cas par an et 60 décès, “mais on reste en sous-mortalité très nette.” À l’inverse, les cancers du sein sont en sous-incidence par rap- port à la moyenne nationale avec 400 cas par an dans le Doubs et 90 décès. Tout comme les cancers de la thyroïde, fina- lement assez peu fréquents (40 nouveaux cas chez la femme et une dizaine chez l’homme), contrairement aux idées reçues sur Tchernobyl. Rien de vraiment significatif enfin dans le département, sur les deux autres cancers les plus fréquents : celui du poumon (avec 250 nouveaux cas pour 190 décès chez les hommes, et 90 cas pour 60 décès chez les femmes) et celui du colon (avec 180 cas pour 70 décès chez les hommes et 140 cas pour 55 décès chez les femmes). Au total, on recenserait un peu plus de 17 100 nouveaux cancers chaque année en Bourgogne-Franche- Comté (estimation 2007-2016). Dans le Doubs, cela représente 1 700 cas par an chez les hommes et 1 300 chez les femmes. n S.G.

veaux cas), et ce, alors même que 40 % des cancers sont évitables” , rappelle la Ligue. Pour cette rai- son, elle soutient des projets de recherche visant à comprendre le développement de la maladie. “700 personnes font de la collecte en porte-à-porte sur les arron- dissements de Besançon et Pon- tarlier” , précise Jean-François Bosset, président du comité du Doubs. “Cela nous permet de réunir entre 300 000 et 350 000 euros par an pour financer des travaux régionaux et nationaux.” La majorité des personnes choi- sissent de donner pour la recherche “car ils pensent que les solutions viendront des trai- tements.” Comme eux, la Ligue porte de nombreux espoirs sur ces projets de recherche fonda- mentale, d’épidémiologie, de qualité de vie. “On a fait des découvertes encourageantes sur l’immunothérapie, avec l’idée que nous avons en nous les moyens de tuer le cancer à condi- tion que les lymphocytes T ne soient pas inhibés” , remarque Jean-François Bosset. Reste par ailleurs le chantier de la prévention à développer, autour de laquelle l’association a organisé ses premiers États généraux en 2018. “On aimerait notamment qu’un toxi-score soit

mis en place sur les produits de consommation, pour identifier leur potentiel cancéri- gène.” Derrière cela, se joue bien sûr la limitation du nombre de nou- veaux cas. “C’est vrai qu’il y a plus de cancers car on assiste aussi à un vieillissement et qu’il y a un

L’immuno- thérapie

comme solution demain.

accroissement de population” , note Anne-Sophie Woronoff, directrice du registre des tumeurs du Doubs et du Terri- toire de Belfort. Un rapport de Santé publique France, publié en janvier dernier, établit pour la première fois une cartographie de l'incidence et des décès par région. On y relève une mortalité par cancer plus élevée dans l’Yonne et la Nièvre. Tandis qu’en Franche-Comté, le nombre de nouveaux cas ramenés à la population n’est pas plus significatif qu’ailleurs. “On constate même une petite sous-mortalité pour les hommes dans le Doubs tous cancers confondus, qu’on ne retrouve pas chez la femme” , précise Anne- Sophie Woronoff.

Le professeur Jean-François Bosset préside le comité du Doubs de la Ligue contre le cancer.

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