Journal C'est à Dire 100 - Mai 2005

J U S T I C E

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Jean-Yves Coquillat : “Laisser traîner une affaire, c’est une faute professionnelle” Le procureur de la République se confie Arrivé il y a deux ans à la tête du parquet du tribunal de grande instance de Besançon, Jean-Yves Coquillat dresse un bilan sans concession du fonction- nement de la justice dans le département. Et insiste pour que la politique péna- le ne soit pas uniquement guidée par le tout répressif.

C’ est à dire : On entend souvent dire que les magistrats sont débordés, ce qui expliquerait les délais interminables de certains jugements. Qu’en est- il dans le Doubs ? Jean-Yves Coquillat : On ne peut pas comparer la situation de grandes villes françaises et de Besançon. Nous souffrons d’un manque de personnel, mais trats pour rendre des jugements s’ils ne sont pas exécutés ensui- te ? Quand je suis arrivé en tant que procureur il y a deux ans, les jugements correctionnels avaient 18 mois de retard. Et il fallait encore attendre un an à un an et demi pour que le juge- ment soit finalement exécuté. Maintenant, les jugements sont tapés dans les trois semaines et exécutés dans les trois semaines suivantes. pas de magistrats. De ce côté-là, nous sommes plutôt bien lotis. Ce qui fait défaut, ce sont les greffiers. Car à quoi ça sert d’avoir des magis-

tels délais ? J.-Y.C. : Le problème, c’était sim- plement une organisation défec- tueuse. Il fallait donner une impulsion et remettre les gens au travail. J’ai demandé un état des lieux. Puis j’ai changé l’or- ganisation du greffe, séparé le service de l’audiencement du greffe correctionnel. Il y a eu aussi un certain mouvement du personnel. Certains sont partis, biance de travail s’est amélio- rée. Les gens avaient en fait l’impression d’être abandonnés. Sur chaque bureau, il y avait des piles de dossiers, cela créait une dynamique négative. La pre- mière année, on a rattrapé le retard des jugements à taper. La deuxième, on s’est attaqué au retard de l’exécution des peines. Les délais désormais sont satisfaisants, on ne pourra pas descendre en dessous. Car tout se fait encore de façon manuel- le, l’informatisation n’est pré- d’autres ont changé de service. Un greffier sup- plémentaire a été nom- mé également. Mainte- nant, j’exige des résul- tats. Et au final, l’am-

L’affaire du Saut du Doubs relancée par le procureur Les protestations des gendarmes ont amené le procureur a réexa- miné une autre affaire, qui avait été classée par un de ses sub- stituts. Celle de l’accident de minibus survenue au début de l’été dernier au Saut du Doubs. Le car de la société des calèches du Saut du Doubs qui trans- portait des personnes handica- pées mentales, a raté le second virage et plongé dans le ravin. Faisant un mort et plusieurs blessés. Le substitut, considé- rant que la faute commise par la conductrice n’était que légè- re, ne l’avait pas poursuivie en justice. Les gendarmes n’avaient pas compris. “J’ai donc réétudié le dossier et là, j’ai fina- lement ouvert une procédure. Parce que même si la vitesse n’était pas très importante, étant donné l’état de la route, j’ai esti- mé qu’elle était tout de même trop importante” , affirme le pro- cureur de la République. L’in- formation judiciaire est pour l’instant toujours ouverte.

Pour le procureur de la République Jean-Yves Coquillat, “il faut une justice qui reste humaine, qui prenne en compte les intérêts de tout le monde.”

Jusqu’à 18 mois pour un jugement.

vue que pour 2007. La justice doit être rapide aussi. Laisser traîner une affaire, c’est une fau- te professionnelle pour un magis- trat. Càd : Quelles sont les grandes orientations de votre poli- tique pénale ? J.-Y.C. : Ce qui domine, c’est le principe de pragmatisme. Ça ne sert à rien de faire des effets d’annonce et de poursuivre si on ne juge pas après. J’ai essayé d’adapter les moyens à la poli- tique. Depuis deux ans, j’ai dimi- nué le nombre de jugements cor- rectionnels, même si cela a sur- pris. Tout n’a pas vocation à aller à l’audience. On a ainsi eu recours à de nouvelles procé- dures qui n’étaient pas utilisées jusqu’alors, la composition péna- le, l’ordonnance pénale. Leur nombre est en forte augmenta- tion. On l’utilise principalement audience correctionnelle que les dossiers qui le méritent et on évite de perdre du temps sur des dossiers qui n’apportent rien à être traités ainsi. La question n’est pas de juger plus mais de juger mieux. Càd : Quelle est la proportion de plaintes pour lesquelles vous ne poursuivez pas ? J.-Y.C. : Sur 23 000 P.V. enre- gistrés en 2004 par les services de police et gendarmerie, 17 000 ont été classés sans suite. D’abord parce que tous n’étaient pas poursuivables, soit parce qu’il y a une prescription, soit parce que l’auteur est incon- nu. Par contre, la réponse pour les mineurs est quasi systéma- tique. Sur 1 325 procédures, 6 seulement ont été classées. Cela peut se faire sous forme de rap- pel à la loi. C’est indispensable car la délinquance des mineurs est quelque chose qu’on ne doit pas ignorer. On aurait vraiment besoin d’un centre de détention fermé pour mineurs dans la région par exemple. Càd : Vous êtes pour la fer- meté ? J.-Y.C. : Je ne recherche pas for- cément la répression. Même si je suis intraitable sur tout ce qui est vol professionnel, en bande pour la délinquance rou- tière, les excès de vitesse. Depuis peu, nous dispo- sons aussi de la procédu- re nouvelle du plaidé cou- pable dans notre arsenal juridique, qui devrait prendre de l’ampleur à ter- me. Ne passent ainsi en

organisée, le proxénétisme… Il faut une justice qui reste humaine, qui prenne en comp- te les intérêts de tout le monde. Le terme de “tolérance zéro” ne fait pas partie de mon voca- bulaire. Je revendique le droit de classer ce qui ne mérite pas d’être poursuivi et ce n’est pas une faiblesse que donner une chance à quelqu’un. Tout péna- liser semble être un travers dan- gereux. Càd : Si une personne est arrêtée pour avoir fumé un joint, par exemple, vous pour- suivez ? J.-Y.C. : S’il ne s’agit que d’uti- lisateurs simples, majeurs, il n’y aura pas d’action de poursuite. S’il y a de la revente, là, ce sera différent. Mais ce n’est pas le discours actuel. Une circulaire nous demande d’être plus fermes. On verra.

nêteté supplémentaire. C’est faci- le de poursuivre quelqu’un qui a volé chez Carrefour. Mais com- ment poursuivre justement quel- qu’un qui vole dans un super- marché, si on ne poursuit pas quelqu’un qui a fait bien pire. Il faut essayer d’être impartial, traiter tout le monde de la même façon devant la loi. Lors de mon discours de rentrée, j’ai envoyé un message très clair au tribu- nal de commerce, on va voir ce qu’ils en font. Càd : Vos décisions de clas- ser certaines affaires sont- elles toujours bien acceptées par les policiers ? J.-Y.C. : Quand on donne un sui- vi, ils sont satisfaits bien sûr. Mais il y a aussi des dossiers, où on a parfois des réactions. Des enquêteurs qui ne com- prennent pas pourquoi on lais- se tomber. Il faut y prêter atten- tion, discuter. Juste un exemple. Une femme était venue déposer plainte contre son ex-mari qui consultait des sites pédophiles et avait apporté pour preuve l’or- dinateur qui avait appartenu au couple. Sur le disque dur, les policiers ont effectivement retrou- vé des éléments. Mais le parquet a classé l’affaire. Uniquement parce que les faits étaient pres- crits. O

Càd : Pourquoi y avait-il de

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“La ques- tion n’est pas de juger plus mais

Càd : Il y a quelques mois, l’affaire des greffiers Cazali a secoué le tribunal de commerce… J.-Y.C. : La justice ne distingue pas selon les auteurs. Ce n’est pas

de juger mieux.”

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le désir de “se faire des notables”, comme cela a été dit par cer- tains, mais la loi s’applique à tous et peut-être même un peu plus à ceux qui travaillent pour elle, avec une exigence d’hon-

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Propos recueillis par S.D.

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Dès qu’une procédure est engagée par les services de police ou de gendarmerie, ceux-ci contactent le substitut du procureur de permanence. C’est lui qui décide alors des poursuites à ouvrir ou non.

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