Détours en France Indre-et-Loire

RENCONTRE

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GONZAGUE SAINT BRIS « L ’ I N D R E - E T - L O I R E , B E R C E A U D E L A L I T T É R A T U R E F R A N Ç A I S E »

P R O P O S R E C U E I L L I S P A R S Y L V I E B U Y

Écrivain, historien, homme demédia,

en déportation pour fait de résistance. J’avais un rêve : que Léonard fasse mes devoirs de vacances ! Par la suite, toute mavie, jemesuis inspirédespenséesde celui qui est actuellement l’homme le plus connu dans le monde, après le Christ et Mahomet ! Et depuis j’ai tou- jours suivi son conseil : «Ne pas prévoir, c’est déjà gémir » . Vous êtes aujourd’hui parisien : quel est votre lien avec l’Indre-et- Loire ? Aujourd’hui, depuis le décès de mon aîné, je suis le chef de famille. Avec mes frères et ma sœur, nous animons le châ- teau du Clos Lucé, qui a été ouvert au public dès 1954 par notre père. Au lieu d’ouvrir un château du passé, il avait ou- vert un château du futur, en exposant des dizaines demaquettes réalisées par la société IBM d’après les dessins origi- naux de Léonard : aéroplane, char d’as- saut, hélicoptère, etc. Nous avons fait revivre la demeure comme lieu de syn- thèse autour de l’œuvre de Léonard. Ainsi le parc du Clos Lucé est-il dédié à d’une cinquantaine d’ouvrages dont certains intéressent le monde ligérien et ses grands acteurs historiques. Sa dernière biographie parue est Louis XI, le méconnu (Éditions Albin Michel). B I O G R A P H I E Né à Loches en 1948, mais élevé au Clos- Lucé sous les ombres tutélaires de François I er et Léonard de Vinci, Gonzague Saint Bris aiguise sa plume en tant que journaliste à La Nouvelle République à Tours ; il poursuit l’aventure à Paris à la rédaction du Figaro puis de France- Soir. Les radios libres, dont il sera un véritable pionnier, lui offrent de belles tribunes d’expression. Animateur d’émissions de télévison, patron de presse avec le magazine Femme, conseiller municipal à Loches, il est surtout l’auteur

GonzaqueSaint Bris se définit avec autodérision comme un «Tourangeau pures rillettes ». Arpenteur enamouré de ce « long ruban de rêve » qu’est « son » Val de Loire, c’est en sa compagnie que nous avons partagé sa ferveur envers cette terre « favorisée des cieux », comme l’affirmait La Fontaine.

Pierre Schwartz

Saviez-vous, enfant, que le grand Léonard de Vinci avait vécu dans votre demeure ? Bien sûr ! Et j’étais très fier à l’idéedegrandir là où l’unedes plus grandes intelligences de l’humanité vécut ses trois der-

nières années. Invité par François I er , Léonard était parti d’Italie à dos de mu- let, et parvenu au Clos Lucé en 1516 en traversant les Alpes, avec dans ses sac- coches en cuir trois tableaux célèbres, La Joconde, le Saint Jean-Baptiste et la Sainte-Anne. AuClos Lucé, il a vécu, pei- gnant et travaillant à ses mille passions, et y a rendu l’esprit en 1519. Quand j’ai eu 13 ans, mon pèrem’a convoqué dans la salle des Gardes. Assis dans la ca- thèdre Renaissance, il m’a dit : «Mainte- nant tu as 13 ans. C’est l ‘âge de la majorité chez les rois de France. Je t’au- torise, à partir d’aujourd’hui, à aller dor- mir dans le lit de Léonard : ça te donnera des idées ! » C’était mon cadeau d’anni- versaire. Je suis allé y dormir et, cin- quante ans plus tard, j’ai décidé de réaliser mon rêve de cette nuit-là, c’est- à-dire de refaire le périple de Léonard. J’ai donc franchi à mon tour la chaîne des Alpes, cinq cents ans après lui, dans les mêmes conditions, à dos de mulet. Pour moi, Léonard a toujours été là. Je l’ai choisi comme grand-père de substi- tution, mes grands parents étant morts

Gonzague Saint Bris, vous êtes né à Loches. Votre famille est-elle tourangelle de longue date ? Certainement ! Du côtédemonpère, ma famille est propriétaire depuis 1854 du château du Clos Lucé, à Amboise. Bâti en 1471, sous le règne de Louix XI, il fut la résidence d’été des rois de France, qui demeuraient le reste du temps au châ- teau royal d’Amboise, à 500 mètres de là. François I er et sa sœur Marguerite de Navarre y invitèrent peintres, archi- tectes et poètes, faisant souffler sur le Clos Lucé l’esprit de la Renaissance. Du côtématernel, ma famille habitait le châ- teau de Chanceaux, près de Loches. Ma mère, qui écrivait des poèmes, est issue de la famille Mame, de grands éditeurs de Tours qui ont publié De l’Allemagne de Madame de Stael, Hernani de Victor Hugo ou les premiers romans d’Honoré de Balzac. Mes vacances d’enfance se sont ainsi passées entre Chanceaux et Amboise... je suis donc « un Tourangeau pures rillettes », de père et de mère !

Détours en France / Supplément spécial Indre-et-Loire

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