Journal C'est à dire 208 - Mars 2015

L E P O R T R A I T

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Les Brenets

Sa langue n’a pas de frontière Habitante des Brenets, Mireille Grosjean sillonne le monde en espé- ranto, une langue “internationale équitable” reconnue par l’Unesco. Sacrée “espérantiste de l’année” pour ces travaux, elle organise une conférence mondiale à Neuchâtel en mai.

L’ espéranto ne lui pas a sauvé la vie.Mais c’est tout comme. En voyage au Japon,Mireille tom- be malade. Le médecin japo- nais qu’elle a en face d’elle ne parle pas unmot de français,encoremoins l’anglais. Heureusement,elle connaît un ami méde- cin japonais qui parle l’espéranto et lui explique son cas au téléphone, lequel fait l’interlocuteur avec le second médecin qui peut alors lui prodiguer les premiers soins. “Arrivez dans un aéroport en Inde et demandez quelque chose en anglais, pas sûr que l’on vous réponde. Parlez en espéranto, il y aura toujours quel- qu’un pour vous comprendre” dit Mireille Grosjean. À 69 ans, cette habitante des Brenets en Suisse parcourt les continents pour diffuser la langue espéranto. Profes- seur retraitée d’histoire-géographie à l’école du Locle où elle enseignait à

tous les verbes et pluriels sont régu- liers… 200 heures suffisent pour pou- voir discuter de tout” témoigne cette Suissesse qui vient à Besançon, Mor- teau, Champagnole donner des confé- rences ou des cours sur cette langue méconnue mais utilisée par des mil- lions de personnes. Elle est présiden- te de la Ligue internationale des ensei- gnants espérantistes et a découvert cette langue en 1985 après une visi- te du Japon avec son mari : “Nous étions partis là-bas en vacances. Nous étions revenus frustrés car nous n’avions pas pu communiquer avec les Japonais. C’est ensuite que nous nous sommes rendu compte qu’il y a 70 localités au Japon où résidaient des espérantistes. L’espéranto était plus simple à apprendre que le japonais” déclare-t-elle. L’ancienne prof pourrait se passer de cette technique pour communiquer avec

Mireille Grosjean, Suissesse citoyenne du monde.

Forte de cette expérience, elle a mul- tiplié les contacts auprès de la Répu- blique et canton de Neuchâtel afin d’organiser une conférence mondiale sur l’événement. La Conférence se déroulera du 13 au 16 mai à l’Université de Neuchâtel. Elle permettra de fai- re le point sur la situation de la langue internationale, de son apprentissage et de son enseignement, et d’explorer dans quelle mesure l’espéranto peut contribuer aux objectifs de l’Unesco. Cette langue veut en effet “rapprocher les peuples, se considère comme indé- pendante de tout pouvoir politique ou économique, de tout intérêt particulier.” “Une telle réunion mondiale donnera au canton de Neuchâtel un rayonne-

ment mondial” confirme l’espérantiste habile avec les mots. Il faut dire que la Suissesse ne connaît pas le trac de parler en personne. Ouvrir une telle conférence ne l’inquiète pas. Son dis- cours est prêt. “Le trac, j’ai pu l’avoir lorsque j’ai pris la parole au Conseil des droits de l’Homme à Genève lorsque je suis intervenue sur la Corée du Nord” dit-elle. Veuve, mère de deux enfants, deux fois mamie, Mireille vit modestement pour engager un pèlerinage de la langue espéranto. Si on vous dit : “Mi nomo estas Mierja, mi lôgas les Brenets in Switzerlando” , vous comprendrez que l’on vous parle espéranto… E.Ch.

phone peut loger gratuitement chez plus de 1 000 espérantophones. Dans sa maison située au cœur des Brenets faisant front aux bassins du Doubs, la Suissesse est une citoyen- ne du monde auréolée du titre d’espérantiste de l’année (en espéran- to : Esperantisto de la Jaro), titre hono- rifique attribué chaque année. Cette distinction a été attribuée pour la pre- mière fois en 1998 àWilliamAuld, poè- te écossais, candidat au Nobel de lit- térature et traducteur du “Seigneur des anneaux” en espéranto. Une récom- pense pour son engagement au sein de cette ligue et pour l’organisation du cinquième Congrès africain d’espéranto qui s’est tenu en janvier 2014 à Coto- nou au Bénin ou “pour sa gestion de la 47 ème Conférence Internationale à Mon- tevideo en juillet” commente Dietrich Weidmann, co-président de la Socié- té Suisse d’Espéranto.

l’équivalent des collégiens en France, elle voue depuis une passion, pour ne pas dire un sacerdoce, à l’espéranto. “L’espéranto, c’est une langue créée il y a 125 ans par un Polonais. C’est une langue qui

les autres : elle parle “6,2 langues” calcule-t-elle. Elle maîtrise l’allemand, le fran- çais, l’anglais, le suisse alle- mand, l’italien, l’espéranto. Cela fait six langues. “Le 6,2, c’est pour le japonais que je

“Une langue indépendante de tout pouvoir.”

se veut internationale et équitable” dit- elle. L’idée est belle. Mais que veut dire “équitable” ? “Si par exemple je dis- cute avec un anglophone, je partirai toujours perdante car lui jouera sur son terrain. Je chercherai mes mots pour répondre à son argumentaire. L’espéranto évite les complications inutiles : c’est une écriture phonétique,

maîtrise peu” corrige-t-elle. Avec sa retraite de professeur, elle éco- nomise pour parcourir le monde. Durant six ans, elle a vécu et s’est immergée en Afrique, au Japon et dans d’autres continents, accueillie dans des familles qui parlaient l’espéranto. Pas de bar- rière de cette langue reconnue par l’Unesco depuis 1954. Un espéranto-

La troisième conférence mondiale sur l’enseignement de l’Espéranto aura lieu à Neuchâtel (Aula des jeunes rives) et à La Chaux-de-Fonds du 13 au 16 mai

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