Journal C'est à Dire 137 - Novembre 2008

D O S S I E R

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La Chaux-de-Fonds Ces frontaliers qui montent leur boîte Habitant de Villers-le-Lac, Patrick Chopard-Lallier a repris l’atelier méca- nique dont il était responsable auparavant. Sa société Iséotec profite de la vitalité du pôle microtechnique Le Locle-La Chaux-de-Fonds.

Q ue ce soit aux com- mandes de son delta- plane ou dans la vie professionnelle, Patrick Chopard-Lalliern’estpasdu gen- re à refuser l’opportunité de s’épanouirversdenouveaux hori- zons. De l’audace, de l’efficacité sans pour autant que ça lui mon- te à la tête. Ce mécanicien de formation a effectué pratiquement toute sa carrière en Suisse. En 1990, il

intègre la société Ismeca spé- cialisée dans les semi-conduc- teurs. Quatre ans plus tard, le voilà responsable de l’atelier

Patrick Chopard-Lallier. La situation évolue tant et si bien qu’Ismeca décide en 2006 de se séparer de son atelier mécanique.

mécanique, à la tête d’une dizaine de sala- riés. “L’entreprise a choisi de délocaliser en 2005 une grosse partie de sa production

“Comme ils avaient encore besoin de pièces, les responsables m’ont proposé de le reprendre sous réserve que je puisse leur donner

Devenu patron par un concours de circons- tances.

satisfaction.” À 44 ans, le fron- talier n’hésite pas longtemps avant de se décider.D’autant plus que son ancien employeur deve- nu par le fait son premier client souhaite que l’outil de produc- tion soit opérationnel dans les plus brefs délais.Échange de bons procédés qui a permis d’obtenir un arrangement financier faci- litant la création d’Iséotec en mars 2007. “On a pu démarrer assez rapidement car je suis res- té au même endroit dans un ate- lier de 600 m 2 relativement bien équipé.” Pas question de partir sur de la production à grande échelle et de vouloir ainsi rivaliser avec la concurrence étrangère beaucoup plus performante dans ce domai- ne. D’emblée, Patrick Chopard- Lallier mise sur la réactivité et la proximité. Cette stratégie l’oblige à investir dans la moder- nisation de son parc machines. “On fabrique des prototypes, des pièces unitaires ou en petites séries dans des délais très courts” ,pour- suit le nouveau patron qui a embauché trois mécaniciens,une

en Malaisie. Ce transfert s’est répercuté sur l’activité de l’atelier qui a fortement baissé” ,explique

secrétaire et accueille un appren- ti. De la main-d’œuvre 100 % frontalière. “J’avais besoin d’avoir du personnel très polyvalent.C’est introuvable en Suisse.” Prudemment mais sûrement, il diversifie peu à peu sa clientè- le en travaillant au service de l’horlogerie et du médical. D’où l’intérêt d’être implanté sur le pôle microtechnique Le Locle- La Chaux-de-Fonds. “Je ne tenais pas à dépendre uniquement d’Ismeca. Si j’avais agi de la sor- te, je crois que je n’aurais plus

rien aujourd’hui.” Les affaires tournent plutôt bien. Patrick Chopard-Lallier est en avance sur ses résultats prévi- sionnels. Il répond aux demandes du marché local sans qu’il soit nécessaire de se lancer dans la prospection commerciale. “Tout s’est fait par le biais de connais- sances.” Comme d’autres chefs d’entreprises, il constate un ralentissement de l’activité éco- nomique sans forcément en res- sentir les effets. “Dans ces phases

moins euphoriques, les grandes entreprises en profitent pour déve- lopper de nouvelles machines et c’est là qu’ils ont besoin de méca- nique. En plus,c’est toujours plus facile d’occuper une petite struc- ture quand ça va un peu moins bien” conclut ce frontalier deve- nu patron, comme il le recon- naît, par un concours de cir- constances et qui ne se fait pas trop de soucis sur l’avenir de sa société. F.C.

Tec Ébauches, la petite qui a l’ambition d’une grande Frontalier depuis 10 ans, Arnaud Faivre a monté en mars dernier sa propre fabrique de composants horlogers. Démarrage sur les chapeaux de roue avec l’objectif d’être tout simplement le meilleur. Vallorbe C ertains chefs d’entreprises sont timorés à l’idée d’évoquer leur réussite et encore 3,7 millions de francs suisses d’ici la fin de l’année et autant en 2009. Décidément, il n’a pas froid aux yeux.

À 44 ans, Patrick Chopard-Lallier n’a pas hésité longtemps à saisir l’opportunité de reprendre l’atelier que lui proposait son ancien employeur.

menuiserie. 10 personnes travaillent aujour- d’hui à Tec Ébauches. Elles seront 13 d’ici fin 2008. “Pour cette année, on veut fidéliser la clientèle et assurer la qua- lité dans la production d’ébauches et de pièces méca- niques. Début 2009, on com-

leurs projets.PasArnaud Faivre. Son discours contraste avec cet- te retenue parfois observée dans le milieu horloger suisse quand il s’agit d’aborder l’avenir. “Je n’ai qu’un seul objectif, le suc- cès.” Au moins, c’est clair, net et précis. Un peu à l’image des ébauches de montres qu’il fabrique dans les locaux loués à la commune de Vallorbe à la sortie de la ville en direction de Lausanne. D’emblée,Arnaud Faivre a choi- si de mettre la barre très haut en investissant 1,5 million de francs suisses dans une ligne de production haut de gamme. L’entreprise Fleury à Bienne qui lui fournit les machines à commandes numériques est associée à 50 % dans le capital de Tec Ébauches. “On a fait le pari de l’automatisation avec le parti pris de garantir à nos clients la qualité et le respect des délais.” Pour réussir ce challenge, pas de secret, il faut juste travailler “trois fois plus vite que les autres” , poursuit le jeune entre- preneur qui prévoit d’investir

Titulaire d’un D.U.T. en Génie mécanique et productique, Arnaud Faivre qui est originaire de Saint-Antoine, a fait ses gammes dans la vallée de Joux

et à Genève. Parti com- me simple opérateur régleur, il a terminé son parcours de salarié chez Dubois Dépraz au Lieu où il a créé l’atelier

mencera à livrer des pièces finies, garnies et décorées en automati- sant au maximum les tâches de façon à pou- voir fonctionner

“Je n’ai qu’un seul objectif, le succès.”

d’ébauches, ayant ainsi sous sa responsabilité une quarantai- ne de personnes. “Je voulais encore développer l’activité mais l’employeur n’a pas souhaité me suivre.” L’esprit d’entreprise a pris le dessus. En accord avec son précédent fabricant de machines,Arnaud Faivre a alors créé la société Tec Ébauches.Résidant à Méta- bief, il tenait à conserver son statut de frontalier.D’où l’intérêt de s’implanter sur un site qui lui permette d’accéder rapide- ment à son travail. La Ville de Vallorbe n’a pas mis longtemps à répondre à sa requête en lui louant 1 000 m 2 de locaux occu- pés précédemment par une

24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. L’objectif est de parvenir en 2010 à la fabrication complè- te d’un mouvement en collabo- ration avec une ou plusieurs grandes manufactures” , préci- se Arnaud Faivre qui envisage pourquoi pas de créer de nou- velles sociétés correspondant à chaque évolution : Tec Méca- niques et Tec Mouvements. Plusieurs opportunités le confor- tent dans cette stratégie auda- cieuse. Un grand groupe hor- loger de La Chaux-de-Fonds engagé dans la construction d’un nouveau site de produc- tion vient récemment de le sol- liciter. “Cette manufacture sou- haite développer à Vallorbe son projet d’industrialisation en vue de le transférer ensuite à La Chaux-de-Fonds.” Arnaud Faivre prévoit également de mettre en place en 2009 une structure de formation en partenariat avec un établissement français ou suisse. “L’idée est de constituer un vivier de régleurs et méca- niciens qui seront ensuite embau- chés dans la société.” Il ne ména- gera ni sa peine, ni ses com- pétences pour parvenir à ses fins. Il lui faudra aussi déployer une bonne dose d’énergie. Ça tombe bien, car de l’énergie, il en a à revendre.

Tec Ébauches ou l’histoire d’un jeune entrepreneur français qui du haut de ses 30 ans veut s’imposer dans le gotha des fabricants de composants horlogers suisses.

F.C.

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