Journal C'est à Dire 137 - Novembre 2008

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Référendum Bernard Soguel : “Je pense qu’il y a un grand danger pour la Suisse” Le peuple suisse se prononcera le 8 février sur la reconduction de l’accord sur la libre circulation des personnes et son extension à la Roumanie et à la Bulgarie. L’issue de ce référendum arraché aux forceps par quatre petits partis d’extrême-droite inquiè- te à juste titre les autorités des cantons frontaliers. Un vote négatif remettrait tout en cause, y compris le premier paquet d’accords passés avec l’Union Européenne lié par la clause dite “guillotine” à la poursuite de la libre circulation après mai 2009. À Neuchâtel, on se mobilise en faveur du “oui”. Entretien avec Bernard Soguel, conseiller d’État, chef du département de l’économie.

C’ est à dire : Quelle est la position des auto- rités cantonales sur ce référendum ? Bernard Soguel : On s’oppose farouchement à la remise en cause des accords bilatéraux. On a déjà déposé un rapport au Grand Conseil pour l’approbation de ces accords. Càd : D’où vient ce refus d’ouverture vers l’Union Européenne ? B.S. : C’est toujours le combat de la frange populiste suisse par- tisan du “Allein gang”, ce qui signifie “Y aller seul”. Ce refe- rendum n’émane pas de l’U.D.C. mais curieusement d’autres par- tis d’extrême-droite qui ont obte-

Càd : Ces accords profitent largement à l’économie suis- se ? B.S. : Elle n’en tire que des avan- tages et la poursuite des bila- térales va favoriser l’extension du bassin de main-d’œuvre. La collaboration avec l’Europe nous permet d’accéder aux pro- grammes de recherche. Facili- ter les échanges commerciaux génère une baisse des prix pour les consommateurs suisses. Càd : Les opposants à la libre circulation des personnes craignaient d’être envahis par une main-d’œuvre en pro- venance des pays d’Europe de l’Est. Qu’en pensez-vous ? B.S. : De toute façon, si le déve-

nu juste le nombre de signatures nécessaires (51 348,le seuil étant de 50 000). Ça a failli ne pas aboutir. Càd : La Confédération peut- elle se débrouiller sans l’Union Européenne ? B.S. : C’est tout à fait impos- sible à nos yeux. La vitalité de l’économie suisse repose sur les exportations. À ce titre, Neu- châtel est le 2 ème canton le plus tourné vers l’export. 60 % de ce que l’on produit part à l’étranger et principalement vers l’Union Européenne.L’ouverture est nécessaire. Sans les accords, on subirait une terrible réces- sion économique.

loppement économique de la Suisse se poursuit, on manque- ra de main-d’œuvre. Ce serait plus intelligent de passer des accords avec ces pays sur la for- mation, plutôt que d’adopter la position du hérisson. Càd : Le risque d’un “non” au référendum semble tout à fait improbable ? B.S. : Il y a un mois, j’étais très optimiste sur la question vu les difficultés qu’ont eues les contes- tataires à provoquer cette vota- tion populaire. Mais la situation a évolué.Avec les effets de la cri- se monétaire et financière, les pays ont tendance à se recro- queviller sur eux-mêmes.Aujour- d’hui, je pense qu’il y a un grand danger pour la Suisse. Si par malheur ces accords étaient remis en cause, ce serait une véritable catastrophe qui annon- cerait le début du déclin éco- nomique de la Suisse.

Zoom Retour à la case départ pour l’emploi frontalier La libre circulation des personnes a grandement facilité lʼembauche des travailleurs frontaliers. Lesquels - ils sont près de 10 000 aujourdʼhui sur le canton de Neuchâtel - ont contribué largement à lʼessor économique de la Suisse en général et de la zone fron- talière en particulier. Le rejet de cet accord bouleverserait complètement la donne. “L’industrie et tout ce qui gravite autour de la santé ne pourraient pas vivre sans la main-d’œuvre frontalière, explique Jean-Nat Karakash, conseiller stratégique au département économique du canton de Neuchâtel. Il faudrait qu’on réintroduise un système équivalent à ce qui existait avant les bilatérales. Ce serait tout simplement un scénario catastrophe, car cela supposerait de reprendre la législation suisse qui a évolué en fonction des bilatérales. C’est très difficile d’émettre des hypothèses aujour- d’hui, car en cas de victoire, les opposants auraient aussi la pos- sibilité de rejeter ce retour en arrière.”

Propos recueillis par F.C.

Grand angle Accueillir des entreprises suisses en France Lutter contre le départ d’entreprises françaises en Suisse, c’est possible ? La région du Chablais (Haute-Savoie) a même engagé le mouvement inverse : attirer des socié- tés suisses en France.

E n Franche-Comté, et en particulier dans le Haut-Doubs, on déplore le départ de quelques entreprises de la bande frontalière vers la Suisse, qui offri- rait de meilleures conditions et notamment des charges moins lourdes à supporter. Plu-

sable pour une société suisse, il y a déjà eu plu- sieurs cas sur notre territoire”, confirme Jean- Paul Moille, conseiller régional originaire de Thonon-les-Bains. “En effet, beaucoup d’entreprises suisses cherchent actuellement à s’implanter en France, pour avoir un pied dans l’Union Européenne, ce qui facilite beau- coup leur orientation à l’export. Une entrepri- se qui commercialise un système de transmis- sion par stylo optique a fait le pas récemment. Leur marché national est parfois trop restreint. Venir en France signifie pour eux conquérir le marché européen” confirme de son côté Paul Somm, responsable de la C.G.P.M.E. de Hau- te-Savoie. Voilà une vraie mission pour notre Agence Régionale de Développement…

sieurs départs de ce type ont été déplorés dans le Pays Horlo- ger. Mais jamais, jus- qu’ici, une entrepri-

“C’est tout à fait possible.”

se helvétique a manifesté le désir de s’implanter de ce côté-ci de la frontière. Dans la région Rhône-Alpes, on estime que ce mouvement peut également aller dans l’autre sens. “S’installer en France est tout à fait fai-

Si les effets de la crise monétaire et financière perdurent, Bernard Soguel craint le pire sur l’issue de ce référendum.

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