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Comme tous les organismes vivants, les gorilles sont menacés

par des germes pathogènes et des parasites. Certains germes

pathogènes sont spécifiques tandis que d’autres sont communs

à d’autres espèces. Paradoxalement, les espèces chassées pour de

la viande de brousse semblent moins touchées par le virus Ebo-

la que les populations de grands singes les plus denses (et donc

plus enclines à attirer l’attention des conservateurs). En effet, ces

derniers présentent davantage de risques d’être touchées par une

épidémie. Des baisses spectaculaires de plusieurs populations de

grands singes étant attribuées à des foyers de fièvre hémorragique

Ebola, des efforts sont actuellement entrepris afin de développer

une méthode de vaccination des populations de grands singes les

plus exposées.

La proximité de la relation phylogénétique qui lie les êtres humains

et les grands singes implique un potentiel exceptionnellement im-

portant de transmission des agents pathogènes. Cette proximité

a conduit à l’apparition de maladies chez l’homme, conséquence

involontaire de la chasse et de la mise en boucherie des grands

singes d’Afrique, responsable des foyers humains du virus Ebola

et de la pandémie mondiale du VIH (Hahn

et al.

, 2000; Leroy

et al.

, 2004; Plantier

et al.

, 2009) ainsi que d’une forte mortalité

chez les populations de chimpanzés sauvages (

Pan troglodytes

) as-

socié à une transmission anthropo-zoonotique des virus respira-

toires humains (Köndgen

et al.

, 2008; Kaur

et al.

, 2008). En plus

des cas pour lesquels la responsabilité des agents pathogènes est

confirmée dans la propagation d’épidémies, on soupçonne une

origine humaine à des épidémies d’une étiologie semblable à la

poliomyélite touchant les chimpanzés (Goodall 1986) et d’une éti-

ologie semblable à la rougeole touchant les gorilles de montagne

(Feber 2000).

Certes moins visibles que les épidémies de maladies aiguës, les

agents pathogènes chroniques n’en sont pas moins des facteurs

de risque tout aussi importants pour la conservation des grands

singes. En effet, ces agents peuvent mettre en péril leur système

immunitaire et réduire leur capacité de reproduction. Il a été dé-

montré que la proximité des grands singes sauvages et des hom-

mes favorise la transmission d’une bactérie gastro-intestinale com-

mune,

Escherichia coli

. De plus, il a été prouvé que les gorilles et les

chimpanzés vivant à proximité des hommes hébergent une bac-

térie

E. Coli

résistant à de multiples antibiotiques utilisés par les

habitants de la région, indiquant par là même que les microbes ou

leurs gènes peuvent « se propager » des humains vers les grands

singes et ce même dans les meilleures circonstances de conser-

vation (Goldberg

et al.

, 2007; Rwego

et al.

, 2008). Ces études

GERMES PATHOGÈNES NUISIBLES À LA

CONSERVATION DES GORILLES

soulignent en outre qu’un contact direct entre les espèces n’est pas

nécessaire pour que s’effectue une transmission interspécifique de

la maladie. En effet, la plupart des transmissions d’agents patho-

gènes gastro-intestinaux entre les hommes, le bétail et les grands

singes sauvages se font probablement de manière indirecte et en-

vironnementale. Ainsi, des agents pathogènes tel que le Crypto-

sporidium, les Giardia et les bactéries entériques (i.e., shigelles,

salmonellose, E. coli, etc.) contaminent aisément l’eau et le sol et

peuvent persister dans les zones humides (Gillespie et al., 2008).

Ces exemples, qui démontrent l’impact négatif que peuvent avoir

certains germes pathogènes humains sur les grands singes sau-

vages, ont déclenché un débat considérable au sujet des coûts

et bénéfices de la recherche scientifique, de l’écotourisme et des

paradigmes de gestion et de conservation actuels sur les popula-

tions de grands singes (débat résumé dans un numéro spécial de

l’

American Journal of Primatology

, Garber 2008). Cependant, mal-

gré les risques liés aux transmissions de maladies, la recherche et

le tourisme, en augmentant respectivement la valeur scientifique

et économique du gorille et des grands singes, sont considérés

comme ayant largement contribué à la conservation des grands

singes, améliorant leur survie à long terme. Néanmoins, de telles

activités ainsi que les chevauchements des habitats des hommes et

des grands singes peuvent avoir des conséquences imprévues sur

la santé et la survie des populations de grands singes.

En août 2009, plus de 80 experts provenant de 17 pays et compre-

nant des chercheurs en laboratoire et de terrain, des vétérinaires

de la faune sauvage, des virologistes et des biologistes de la con-

servation se retrouvèrent à Entebbe, en Ouganda, dans le cadre

d’un Atelier sur la santé et les grands singes. Le but de cet atelier

était de développer des lignes directrices visant à élaborer de meil-

leures pratiques dans le domaine de la santé des grands singes.

Un consensus s’est formé autour du fait que des « normes mini-

males de prévention » devraient être exigées de toute personne

pénétrant dans le biotope des grands singes, que ce soit à des fins

touristiques, scientifiques, ou pour toute autre raison. Vu que la

majorité des maladies d’origine humaine possibles ou prouvées

qu’on a observées chez les grands singes sont de nature respira-

toire, on a proposé les mesures suivantes : port d’un masque à

proximité des grands singes, maintien d’une distance minimale de

sept mètres avec les grands singes, mise en place d’une politique

de tolérance zéro envers les personnes visiblement malades et visi-

tant les grands singes, désinfection des mains et des bottes avant

de visiter les grands singes, et preuve des vaccinations à jour pour

tous les visiteurs. D’autres mesures spécifiques à certains sites et