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plus complexes pourraient être aussi mises en œuvre. Cet atelier
a envisagé un autre aspect important du problème: le rôle capital
des programmes de santé communautaire dans la réduction des
risques infectieux en provenance de l’extérieur de la zone protégée
et dans la fourniture de prestations nécessaires aux communau-
tés vivant à proximité de l’habitat des grands singes. Les directives
développées à partir de ce processus consensuel seront publiées
par l’UICN dans le cadre d’une série de lignes directrices visant
à de meilleures pratiques en matière de conservation des grands
singes (Leenderts 2010).
Il est aussi vital de reconnaître le danger potentiel que représentent
les agents pathogènes naturels pour la conservation des grands
singes africains. Ainsi, des études menées récemment suggèrent
que le virus Ebola contribuerait de façon significative au déclin des
grands singes d’Afrique centrale (voir le chapitre dédié au virus
Ebola ; Leroy
et al.
, 2004). De plus, la découverte d’une mortali-
té supérieure à la normale et d’un taux de reproduction plus bas
chez les chimpanzés infectés par le virus de l’immunodéficience
du singe (VIS) par rapport aux espèces non infectées, alors qu’on
pensait jusqu’alors que ce virus n’affectait pas les grands singes,
pose des questions troublantes (Keele
et al.
, 2009). Enfin, en de
multiples endroits, des gorilles et chimpanzés sauvages ont été
Nous savions depuis longtemps que le braconnage et la réduction de
l’habitat des grands singes entraînaient un déclin important de leur
nombre, mais nous avons découvert récemment que les maladies in-
fectieuses sont aussi responsables du déclin de nombreuses populations.
Nous pouvons distinguer deux sortes de maladies responsables de ce
déclin. Il y a tout d’abord ce que l’on pourrait appeler les maladies na-
turelles, tel le virus Ebola, qui a tué environ un tiers des gorilles dans
le monde lors des quinze dernières années. Mais il existe aussi des
maladies transmises aux gorilles et aux chimpanzés par l’homme. Ces
dernières années par exemple, nous avons recensé une série de foyers de
maladies respiratoires sur les sites touristiques et les stations de recher-
che. Ces maladies ont entraîné la mort de nombreux gorilles et chim-
panzés. Cette réalité, et tout particulièrement le fait que ces maladies
proviennent de l’homme, nous oblige à agir. Si nous n’agissons pas, les
gorilles, tout comme les chimpanzés, ne disparaîtront pas demain mais
au cours des vingt, trente ou quarante prochaines années, nous aurons
perdu la majeure partie de la population, ou nous n’aurons plus affaire
qu’à une poignée d’entre eux.
Ce que d’autres personnes et moi-même avons donc cherché à faire, c’est
étudier les options permettant de prévenir les décès d’animaux dus à
ces maladies. Nous étudions en particulier la vaccination ; nous essay-
ons d’adapter des vaccins destinés aux humains pour les grands singes
sauvages. Cela n’avait été réalisé qu’une ou deux fois jusqu’alors et
nous sommes donc à l’orée d’une nouvelle ère pour la conservation des
grands singes. Nous essayons d’aborder ce processus avec une approche
très scientifique, une prudence extrême, et de faire en sorte que les bé-
néfices de la vaccination soient plus importants que ses coûts. Nous
entreprenons actuellement une série de tests et d’essais impliquant de
nombreux experts de différents domaines (virologistes, primatologues
et vétérinaires) et nous tentons d’aboutir à un plan qui permette
d’utiliser sur les grands singes dans la nature les nombreux vaccins
destinés aux humains disponibles actuellement ou en développement.
En ce moment, nous avons deux projets pilotes : nous adaptons un
vaccin contre le virus Ebola et un vaccin contre la rougeole. Le vaccin
contre la rougeole est très sûr et a été injecté à des centaines de millions
d’enfants. Nous l’utilisons ainsi pour établir le principe et dans les deux
années qui viennent, nous tenterons d’avancer sur l’utilisation d’un
vaccin contre le virus Ebola. Si vous voulez en savoir plus à ce sujet,
visitez le site internet
www.vaccinape.org.
Dr. Peter Walsh
VACCINAPE
INTERVIEW
« Nous nous situons à l’orée
d’une nouvelle ère pour la conser-
vation des grands singes »