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SCÉNARIOS POUR LES GORILLES

LE DERNIER CARRÉ

Les morceaux de carcasses de gorilles et les carcasses entières de

chimpanzés sont vendus pour 20 à 30 dollars américains sur les

marchés. Dans certaines régions, de la viande de gorille grillée a

même été vendue pour une somme aussi dérisoire que 25

cents

la

livre (Raffaele, 1005; Ape Alliance, 2006). À la fin des années 1990,

on estimait qu’environ 4 500 gorilles étaient tués chaque année

(Marshall

et al

., 2000).

Les estimations présentées précédemment suggéraient qu’environ

76 000 animaux, dont 225 carcasses de bonobo, étaient tués chaque

année dans une zone forestière d’environ 6 000 km

2

située aut-

our de la ville de Kindu. Une récente enquête (2006) réalisée par

Ape Alliance laisse supposer que les grands singes représentent

aujourd’hui entre 0,5 et 2% de toute la viande de brousse, ce qui

représenterait l’équivalent de dizaines de milliers de chimpanzés,

gorilles et bonobos tués chaque année. Une grande incertitude

règne autour de ces estimations, mais il est clair que la viande de

brousse est en progression dans certaines des plus importantes des

dix zones où vivent des gorilles, et ce alors même que la viande des

grands singes est encore taboue dans certaines régions.

En 2002, des estimations basées sur une modélisation de la perte

d’habitat causée par l’expansion agricole et l’exploitation forestière

autour du réseau routier en expansion, et portant sur des projections

allant jusqu’en 2050, ont suggéré que moins de 10% de l’habitat des

gorilles subsisterait en 2032 (PNUE, 2002 -

v. fig. 18

). Or ces estima-

Des scénarios développés en 2002 autour des conséquences du développement des infrastruc-

tures sur l’extraction des matières premières et du braconnage ont indiqué qu’en 2032, l’habitat

et par conséquent les populations de grands singes du bassin du Congo ne représenteraient

plus que 10% de leur ampleur originelle. Depuis, cependant, des rapports et interviews con-

duits dans la région, bien que difficiles à quantifier, laissent à penser que le braconnage pour

la viande de brousse ainsi que l’exploitation forestière et la coupe du bois pour le charbon con-

naissent une considérable augmentation. Plusieurs zones giboyeuses ont été décimées et les

braconniers se déplacent même à bicyclette pour transporter la viande le long de pistes et de

mauvaises routes, bien loin du système routier principal.

tions ne prenaient pas en considération l’expansion de l’exploitation

forestière et le charbonnage à grande échelle que les milices ont

lancés au sein même des parcs nationaux, l’éruption du virus Ebola

et la plus que probable augmentation du trafic de viande de brousse

qui comprendrait une proportion significative de grands singes afin

de nourrir la population croissante du bassin du Congo (Wilkie et

Carpenter, 1999; Fa

et al.

, 2000; Brashares

et al.

, 2004; Ryan et Bell,

2005; Poulsen

et al.

, 2009). Ces anciennes estimations ne compren-

nent pas non plus l’extraction minière et l’exploitation forestière à

grande échelle, phénomènes qui s’accompagnent d’une importante

main-d’œuvre qu’il est nécessaire de nourrir avec de la viande de

brousse, particulièrement dans les camps de bûcherons (Brashares

et al.

, 2004; Poulsen

et al.

, 2009). De nombreux chasseurs professi-

onnels de viande de brousse bénéficient aussi largement du système

routier mis en place par les bûcherons pour exploiter la forêt. En

effet, le réseau routier leur permet de pénétrer beaucoup plus facile-

ment dans la forêt et de massacrer les grands singes, devenus des

proies faciles.

Par conséquent, même en prenant en compte l’incertitude qui en-

toure tout chiffre absolu, il est fort probable que l’estimation établie

en 2002 selon laquelle l’habitat et la population des gorilles seraient

réduits à 10% de leur taille originelle était bien trop optimiste. À

moins que des actions d’envergure ne soient entreprises dès

aujourd’hui, ce chiffre pourrait être atteint dans une petite décennie,

à savoir autour de 2020-2025.