COMMUNE SUISSE 4 l 2017
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tation pour produire du biogaz. A la base
de la production de biogaz se trouvent
des processus de décomposition. Ils se
déroulent de façon naturelle dans les
marais et au fond des lacs: les micro-
organismes décomposent la substance
organique en vase clos et le biogaz se
constitue. Celui-ci peut être rassemblé
dans un réacteur et transformé en élec-
tricité dans une centrale électrique, ou
injecté dans le réseau de gaz naturel
après un traitement spécial. Les déchets
de taille du parc du Platzspitz sont aussi
acheminés chaque semaine dans l’ins-
tallation urbaine de biogaz.
De l’électricité pour 5000 ménages
La végétation issue de l’entretien du
paysage ne représente bien sûr qu’une
petite partie de la biomasse énergétique-
ment utilisable. Pourtant, ce type de pro-
duction d’énergie est déjà d’actualité
depuis longtemps dans d’autres pays.
L’Allemagne le subventionne même
grâce à des fonds publics. En Suisse, au
contraire, l’utilisation énergétique de la
biomasse herbacée ne fait encore l’objet
que de rares débats. C’est ce qu’a voulu
changer Georg Müller avec son travail.
Mais ce ne fut pas son unique motiva-
tion: «Si nous valorisons énergétique-
ment la biomasse qui résulte de toute
façon de l’entretien de surfaces natu-
relles protégées, nous pouvons concilier
les intérêts de la protection de la nature
et ceux de la protection climatique.» Du
point de vue de la protection climatique,
cela signifie que lors de la transforma-
tion de la biomasse en énergie, aucun
CO
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supplémentaire ne gagne l’atmo-
sphère. Et pour la protection de la na-
ture, le fauchage et le transport régulier
des déchets de taille favorisent la diver-
sité du monde végétal et animal dans les
prairies à litière.
Afin de connaître la quantité effective de
végétation issue de l’entretien du pay-
sage dans le canton de Zurich et celle
d’énergie susceptible d’être produite,
Georg Müller s’est appuyé sur les bases
de données disponibles, notamment sur
les inventaires des surfaces des diffé-
rents habitats. En l’absence de données,
il a réalisé des entretiens avec des spé-
cialistes responsables des divers es-
paces verts. Pour pouvoir émettre des
énoncés qui dépassent les frontières du
canton de Zurich, il a ensuite extrapolé
les résultats à toute la Suisse. Il s’est
alors avéré que si on valorisait énergé-
tiquement toute la végétation issue de
l’entretien du paysage en Suisse, il serait
possible de couvrir le besoin annuel en
électricité de 25000 ménages environ.
Georg Müller émet toutefois des ré-
serves: «Aujourd’hui, les agriculteurs
utilisent environ 40 à 50% de la végéta-
tion issue de l’entretien du paysage
comme fourrage animal ou comme li-
tière, notamment les déchets de taille en
provenance des réserves naturelles. Y
recourir pour la production d’énergie
serait peu pertinent car elle est déjà uti-
lisée de façon durable.»
La même chose vaut pour la tonte du
gazon, dont le mulch reste au sol –
comme cela est pratiqué dans certains
parcs. Cela peut être avantageux écono-
miquement et écologiquement – il est
ainsi possible d’économiser des engrais.
Pour ces raisons, Georg Müller a écarté
de telles surfaces. Il a uniquement cal-
culé le potentiel énergétique durable de
la végétation issue de l’entretien du pay-
sage (voir aussi le graphique informatif
avec les concepts sur le potentiel). Ex-
trapolé à toute la Suisse, il avoisine les
90000 gigajoules, ce qui permettrait à
environ 5000 ménages de couvrir leur
besoin en électricité. Georg Müller voit
le plus grand potentiel dans la végéta-
tion de bordure d’autoroutes et de
routes cantonales. Pour des raisons de
sécurité, le service d’entretien l’enlève
déjà, afin d’éviter que le matériel végétal
ne soit déplacé par le vent ou ne bouche
les tuyaux d’évacuation.
La biomasse gagnera en importance
Même si la végétation issue de l’entre-
tien du paysage n’assure qu’une faible
contribution à la transition énergétique,
Georg Müller est convaincu que la bio-
masse, en tant que source d’énergie re-
nouvelable, s’imposera de plus en plus.
Des propos que ne peut que corroborer
OliverThees. AuWSL, il dirige le groupe
de recherche «Systèmes de gestion fo-
restière». Dans le cadre du centre de
compétences BIOSWEET, il étudie en
collaboration avec Vanessa Burg, Mat-
thias Erni et Renato Lemm le rôle poten-
tiel joué par la biomasse dans le système
énergétique suisse du futur. Dans le
contexte de la Stratégie énergétique
2050, la Commission pour la technologie
et l’innovation CTI et le Fonds national
suisse FNS ont établi huit centres de
compétences en recherche énergétique,
ou «Swiss Competence Centers for
Energy Research» (SCCER). Le SCCER
BIOSWEET (BIOmass for SWiss EnErgy
fuTure) est l’un d’eux.
La vision que poursuivent Oliver Thees
et les autres chercheurs venus de neuf
institutions est le doublement de l’ap-
provisionnement énergétique à partir de
la biomasse d’ici à 2050. La plupart des
institutions au sein du SCCER BIOSWEET
se concentrent sur la recherche techno-
logique; elles étudient la façon dont la
biomasse pourra être transformée de
façon plus efficace en électricité, en bio-
gaz ou en carburants liquides. L’équipe
du WSL autour d’Oliver Thees observe
de près les différentes ressources en bio-
masse et leur disponibilité, tant pour la
biomasse ligneuse que non ligneuse. La
première compte le bois de forêt – houp-
piers, branches ou troncs de faible dia-
mètre délaissés par l’industrie. Le bois
issu de l’entretien des arbres et des ar-
bustes en milieu urbain, ou provenant
des talus routiers et des berges (bois
hors forêt), peut aussi être utilisé à des
BIOMASSE
Les agriculteurs utilisent environ 40 à 50%
de la végétation issue de l’entretien du pay-
sage comme fourrage animal ou comme
litière, notamment les déchets de taille en
provenance des réserves naturelles. Purin
et fumier provenant de l’élevage ont égale-
ment un potentiel énergétique.
Photo: Biomasse Suisse