La Presse Bisontine 80 - Septembre 2007

La Presse Bisontine n°80 - Septembre 2007

DOSSIER

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RÉACTION

Le porteur du projet Jean-Pierre Laurent : “C’est tout simplement surréaliste”

Du côté de l’entreprise Éole-Res, personne ne s’attendait à ce refus. À l’incompréhension s’ajoute également la suspi- cion de pressions extérieures mais déterminantes. Réac- tions du responsable d’Éole-Res Besançon.

L a Presse Bisontine : Éole-Res va donc utiliser son droit de recours ? Jean-Pierre Laurent : Oui, c’est cer- tain. On n’a pas encore statué sur les modalités, ni sur une possible alliance avec les com- munes. En tout cas, on dépose- ra ce recours en temps voulu. L.P.B. : Que vous inspire cette déci- sion ? J.-P.L. : C’est tout simplement surréaliste. Il a suffi d’un seul avis négatif pour tout faire bas- culer. Les élus, la Région, le Département, la communauté de communes, tout le monde était favorable. Pour nous, il s’agit d’un grave dysfonction-

nement démocratique.

LP.B. : Le blocage de la situation est- il irréversible ? J.-P.L. : Non, je suis persuadé qu’il y aura un jour des éoliennes au Crêt Monniot. Aujourd’hui, on est en présence d’opposants rétrogrades et conservateurs. C’est la première fois en 25 ans que je me retrouve dans un cas aussi ridicule. On peut se deman- der à quoi ça sert d’avoir des élus. Quand on songe que le nou- veau préfet n’a même pas fait l’effort d’aller se rendre comp- te sur place de ces aspects pay- sagers. L’ancien préfet n’a pas fait mieux en laissant aller le projet. L.P.B. :Vous suspectez des pressions ? J.-P.L. : Il y a de quoi se poser de réelles questions. Je suis sûr qu’une ou plusieurs personnes très influentes sont intervenues en sous-main. Dans cette affai- re, on a le sentiment d’être pris pour des imbéciles. L.P.B. : Quel est le montant du préju- dice financier pour Éole-Res ? J.-P.L. : Le développement nous a déjà coûté 600 000 euros. C’est de l’argent perdu. L.P.B. : L’Atlas Régional Éolien indique que même sur les sites susceptibles d’accueillir des éoliennes, la ressour- ce de vent est insuffisante pour ren- tabiliser le projet. Qu’est-ce qui vous motive à vouloir investir ici ? J.-P.L. : Cet atlas a été rédigé en 2000. La technologie a beaucoup évolué depuis. À l’époque, nous étions sur des machines de 1,3 MWpour 60 m de diamètre. Les éoliennes de la nouvelle génération font 2 MW et 90 m de diamètre. Elles sont beau- coup plus adaptées. L’évolution est considérable dans ce domai- ne, ce qui signifie que l’on peut même envisager des éoliennes sur des sites encore moins ven- tés que le Crêt Monniot.

L.P.B. :Les raisons évoquées vous sem- blent pertinentes ? J.-P.L. : Quand on considère que le parc éolien va porter une gra- ve atteinte à la qualité paysa- gère de la vallée de la Loue alors qu’à peine 0,01 % de la surface de ce territoire est concernée, il y a de quoi se poser des ques- tions. Il serait intéressant de savoir sur quoi s’appuie la D.I.R.E.N. pour motiver son refus. L’argumentaire ne tient pas la route. On sait très bien que les perspectives de la val- lée sont tournées vers la Loue et non pas vers le Mont Pelé ou le Crêt Monniot. Qu’ils nous trouvent également un tableau de Courbet nous montrant cet- te ligne de crêtes ? L.P.B. : Et les conclusions de la com- mission des sites,qu’en pensez-vous ? J.-P.L. : C’est juste un avis consul- tatif. Cette commission n’a théo- riquement aucun poids. On a eu 30 minutes pour exposer l’inté- rêt du projet, ses tenants et abou- tissants alors que cette même commission a été entendue durant près d’1 h 30. Résultat de cette situation assez ubuesque, on va s’asseoir sur un projet qui pouvait alimenter en énergie l’équivalent de 25 000 personnes. L.P.B. :Et l’argument du droit de rachat du courant par E.D.F. qui n’aurait plus cours après 2013 avec la libéralisa- tion du marché de l’énergie ? J.-P.L. : E.D.F. n’a rien à voir dans cette disposition. Il s’agit d’un décret d’État avec la D.R.I.R.E. qui émet une obligation d’achat au distributeur, qu’il soit public ou privé. Les premiers tarifs ont été définis en 2001 puis rééva- lués en juillet 2006. S’ils devaient être révisés, ça ne pourrait se faire qu’à la hausse. Cet argu- ment me fait sourire. C’est du populisme.

Les nouvelles éoliennes permettent de fonction- ner avec des

niveaux de vent assez faibles.

RÉACTIONS Le pedigree des opposants Éoliennes : un refus difficile à digérer par les élus locaux D’abord surpris d’apprendre la décision du préfet par voie de presse dans le mensuel La Presse Pontissalienne, puis tout autant étonnés par le motif invoqué, les élus de la communauté de communes du canton de Montbe- noît dénoncent ouvertement la singularité du fonctionnement institutionnel dans ce dossier entaché de nombreuses incohérences. Q uelques semaines après avoir été informé de l’existence d’un refus implicite passé sous silence depuis

Christian Coutal et l’ensemble des élus concernés rencontrent Jean-Marc Rebiè- re pour faire le point sur le dossier. Le préfet leur explique que l’affaire suit son cours sans problème majeur à l’ex- ception de deux réticences concernant la D.I.R.E.N. et “le pedigree des oppo- sants.” “À aucun moment il n’a évoqué ce refus implicite. Il nous annoncemême en faisant référence au problème sou- levé par la D.I.R.E.N. qu’il va sollici- ter l’avis de la commission des sites qui se réunissait le 11 avril 2007. Pour nous, cela signifiait clairement que la procé- dure n’était pas terminée. Quant à la question du pedigree des opposants, on souhaiterait savoir aujourd’hui de qui il s’agit ? Et surtout en quoi ce pedi- gree est-il un facteur pertinent de déci- sion ?” poursuit M. Coutal. Nouvel épisode allant toujours dans le sens d’une validation du permis de construire, le 3 juillet 2007, laD.R.I.R.E. délivre le certificat de rachat de cou- rant par E.D.F., lequel document est signé par le préfet lui-même. Aucune raison de s’inquiéter donc. Les élus étaient toujours au courant de rien alors qu’à cette date les opposants avaient déjà été informés par le pré- fet du retoquage du projet. Le 7 juillet, le nouveau préfet Jacques Barthélé- my prend ses fonctions. Le 27 juillet, en visite à Pontarlier, ce dernier annon- ce que le projet est sous le coup d’un refus implicite depuis le 10 janvier. “Il argumente ce refus en se basant sur les conclusions de la D.I.R.E.N. alors que tous les autres étaient favorables, y com- pris celui du commissaire enquêteur.

Le compte rendu de la commission des sites a été sollicité le 13 juillet et réali- sé le 30 juillet. Si l’on suit bien, il a fini par demander a posteriori les raisons de son refus” pense Christian Coutal. De ce fait, le refus devient explicite et offre ainsi la possibilité à Éole-Res de procéder à un recours administratif. Les communes ont-elles la possibilité de faire de même ? “Ce n’est pas sûr car on n’engage aucun fond. On a d’abord besoin de s’entourer de com- pétences juridiques pour connaître nos moyens d’actions. Restera ensuite à déterminer si l’on veut ou pas pour- suivre dans ce sens. Pour l’instant, une chose est sûre, on n’accepte pas d’être traité de cette manière” termine l’élu. F.C.

le 10 janvier 2007, Christian Coutal, le président de la communauté de com- munes deMontbenoît estime qu’il s’agit là d’une véritable mise en cause de la crédibilité gouvernementale. “Quel décalage entre le discours en vigueur autour des énergies renouvelables et la nature du motif invoqué qui s’appuie uniquement sur cette question de co- visibilité du parc éolien et de la vallée de la Loue depuis les belvédères de Hau- tepierre-le-Châtelet, du Moine et de Renédale !” Dubitatif sur cette notion de préser- vation paysagère élargie à une ligne de crêtes qui n’interfère guère dans les perspectives de la vallée proprement dite, l’élu sauget s’interroge franche- ment sur les conditions qui ont prési- dé à cette décision. La chronologie des

Propos recueillis par F.C.

événements et les ren- seignements obtenus par les élus auprès de l’an- cien préfet Jean-Marc Rebière sont pour lemoins discordants. Le dépôt définitif du per- mis par la société Éole- Res remonte au 10 août 2006. “Cinq mois plus tard, faute d’une réponse du préfet, le projet est considéré comme refusé. C’est la notion de refus implicite, une spécificité propre aux parcs éoliens.” Or, le 21 février 2007,

C’est la pers- pective des éoliennes depuis cer- tains points de vue de la vallée de la Loue qui aurait fait basculer le dossier. Étonnant.

“On n’accepte pas d’être traité de cette manière.”

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