Cliff_30_ans

BOURSE Ne pas avoir peur des marchés financiers : c’est ce que l’on pourrait conseiller à un néophyte. Après tout, le fonctionnement de la Bourse n’est pas de la physique nucléaire. Du bon sens, de l’esprit de synthèse, du sang-froid, de la psychologie et des règles de trois, cela s’apprend. Keynes l’a qualifiée de « concours de beauté », Buffet de « balance à long terme ». Nous voilà bien loin du Boson de Higgs ! Sans prétendre fleureter avec la complexité d’un chapitre introductif d’Edgar Morin, le fonctionnement de la machine s’est tout de même singulièrement obscurci en 30 ans. L’aspect rudimentaire de la chose peut sembler surréaliste aujourd’hui, mais en 1987, les titres étaient traités sur une seule place boursière. Les échanges se faisaient à la criée, dans des odeurs de craie, de parquet ciré et de cendre froide – la corbeille centrale du palais Brongniart n’était en réalité qu’un tas de sable destiné à recevoir les mégots d’une soixantaine de mâles privilégiés que l’on appelait agents de change –. Les coupons, détachés à la main selon les pointillés, passaient de main en main via les commis de Bourse qui couraient dans les coursives. Longtemps après, les Sociétés de Bourse ont gardé l’habitude d’informer les émetteurs sur les acheteurs et vendeurs du titre. « C’est BNP qui vend ! ». Système bien plus immédiat que l’enquête TPI… Mais la lenteur était en général de mise : il fallait plusieurs jours pour qu’un titre change de propriétaire. Passons sur la digitalisation ou les effets du numérique, qui ont surtout eu des conséquences sur la rapidité et le volume des transactions, sans en changer la nature profonde. Le travail de l’IR a surtout été foncièrement transformé il y a une dizaine d’années, par la multiplication des plateformes privées, concurrentes des « tuyaux » historiques comme Euronext, mais dont la transparence n’est pas la qualité première. Opacité et disparité des opérateurs mettent à mal les capacités de reporting , d’information des émetteurs et de contrôle. Reste la question du rôle premier de la Bourse : financer l’économie. L’IR a pour tâche de séduire les investisseurs, d’être pédagogue, d’expliquer la vision stratégique de l’entreprise. Or en 2017, une transaction sur deux est le fait du trading haute fréquence. 10 % des volumes transitent via les dark pools , terrain de jeu anonyme prisé des robots. Les algorithmes prenant les décisions à la nanoseconde ont-ils compris l’ equity story ?

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