Armada, 30 ans d'aventures positives

Publication animée

ANS D’AVENTURES POSITIVES ARMADA

Observer des bateaux tels que Rouen le propose depuis 1989 dépasse largement le cadre du seul événement festif. Si des millions de personnes s’immergent à chaque édition dans la manifestation, occupant joyeusement les quais de la ville, l’Armada véhicule aussi d’autres valeurs. Elle rappelle qu’en terre normande, jadis, des explorateurs sont partis découvrir le monde. Elle souligne à quel point les bateaux, grands voiliers et navires militaires, sont porteurs de messages de paix, d’initiatives et de conquête, grâce aux actions éducatives, environnementales et humaines qu’ils défendent. L’Armada éveille les consciences et stimule l’énergie créatrice des Normands. Plus que jamais cette année, la ville de Rouen s’est associée à l’évènement. Au-delà des animations rendues possibles grâce à l’engagement sans faille des bénévoles, les commerces du centre-ville se sont impliqués sans retenue. Le monde économique de l’axe Seine a trouvé aussi l’occasion de dynamiser ses atouts : les partenaires associés à l’événement ont fait briller l’excellence normande. L’Armada est ainsi devenue un formidable catalyseur de croissance pour le territoire, au-delà des importantes retombées économiques directes. Partenaire officiel de l’Armada 2019, Crédit Agricole Normandie-Seine s’inscrit pleinement dans cet élan. Il encourage les initiatives audacieuses, en lien avec les enjeux du monde de demain : l’environnement, la RSE… Pour accompagner les lecteurs de ce livre, nous avons fait appel à un Normand, conquérant des temps modernes : Matthieu Tordeur. Cet explorateur rouennais s’est rendu célèbre pour être devenu en 2019 le premier français et le plus jeune au monde à avoir atteint le pôle Sud depuis la côte Antarctique, sans assistance ni ravitaillement. Il commente ce livre à l’aune de son expérience. Cet ouvrage raconte donc l’histoire d’une Armada « différente ». Celle d’un évènement populaire et festif de portée mondiale indiscutable, doublé d’une vision conquérante et vertueuse du futur, incarnée par l’esprit d’exploration inné des Normands.

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ANS D’AVENTURES POSITIVES ARMADA

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PRÉFACE

En décembre 2017, Crédit Agricole Normandie-Seine officialisait son soutien à la septième édition de l’Armada de la Liberté deve- nant ainsi la banque officielle d’un événement aux quatre millions de visiteurs. Comme toute belle épopée se prépare, dix-huit mois ont été consacrés à son organisation. Bénévoles, passionnés et salariés étaient tous sur le pont pour contribuer à la valorisation d’un événement majeur pour la Normandie. Vitrine à la fois locale et mondiale, cette manifestation qui réunit des bateaux du monde entier attire les locaux de notre région, mais aussi les touristes français et internationaux. Un beau moment cos- mopolite que nous sommes fiers de soutenir en tant que banque coopérative régionale d’un tiers des Hauts-Normands. Sans oublier ce petit clin d’œil à notre métier lorsque nous voyons ces grands bateaux amarrés dans le port de Rouen : à l’époque, les expéditions maritimes étaient coûteuses et dangereuses. Si l’on acceptait de les financer, il fallait trouver de quoi couvrir les risques associés. L’assurance était née. Et elle n’a cessé de se développer durant cette période ! Ce livre est un saut dans le temps. Admirez les grands voiliers acteurs des expéditions maritimes d’antan. Revivez l’Armada, témoignage festif et international d’une époque où les grands projets commen- çaient à faire le tour du monde. 

Nicolas Denis Directeur Général de Crédit Agricole Normandie-Seine Pascal Lheureux Président de Crédit Agricole Normandie-Seine

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SOMMAIRE

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ANS D’AVENTURES POSITIVES ARMADA

PRÉFACE

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MATTHIEU TORDEUR : EXPLORATEUR ROUENNAI S

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EXPLORER L’HISTOIRE MARITIME

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NORMANDIE-SEINE, TERRE D’EXPLORATEURS

EXPLORER LES ÂMES

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DES BATEAUX, DES HOMMES ET DES MESSAGES UNIVERSELS

EXPLORER L'ÉVÉNEMENT

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UN TERRITOIRE EN SYMBIOSE

EXPLORER LE FUTUR

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VERS UN AVENIR PLUS VERTUEUX

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Debout sur les vergues, avec leurs tricots rayés, en pantalon immaculé,

ils saluent inlassablement la foule massée sur les rives des méandres de la Seine. Leurs bras étendus en croix pour une sublime parade. Juchés à cinquante mètres de hauteur pour certains, ils entonnent avec ferveur des chants… Et le public réagit, applaudit, chante parfois. Ici et là, des cornes de brume retentissent pour saluer leur passage.

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©Matthieu Tordeur

Naviguant au gré des expéditions qu’il prépare méticuleusement, vivant dans un univers qui se compose de paysages, de sons, d’esprits et de rencontres, il voyage dans des contrées sans fin avec pour seule frontière celle de son imagination. MATTHIEU TORDEUR EXPLORATEUR ROUENNAIS

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L’aventure ? C’est le calcul et la maîtrise des risques. 

Partir à l’aventure, vivre libre, sans contraintes d’aucune sorte. Un doux rêve? Sans doute. Car la liberté a un prix. Et Matthieu Tordeur en est pleinement conscient. Ce prix, c’est l’organisation, la préparation: 90 % du temps est consacré à monter une expédition et à la valoriser au retour, pour 10 % d’aventure. Mais ce sont ces 10 % qui font battre son cœur depuis des années, depuis qu’il a quitté le sillage de la carrière toute tracée qui l’attendait après son Master en sécurité internationale décroché à Sciences Po. Ceux qui pensent qu’aventure rime avec folle attitude et risque-tout se trompent éperdument. Pour Matthieu, l’aventure est l’antithèse de la désinvolture: «Chaque risque est analysé, disséqué, calculé, pour mieux le maîtriser.» À l’âge de trois ans, il regardait continuellement les images des albums deTintin, avant de pouvoir les lire. Comme des milliers d’enfants, il rêvait devant les exploits du reporter à la houppette. Grandissant «avec l’imaginaire des grands explorateurs qui allaient aux confins de cet endroit mystérieux qu’est le continent Antarctique» , il s’était donné l’objectif d’un jour y poser le pied. Si vivre un exploit personnel est important, partager ses expériences et leur donner du sens l’est tout autant. Crédit Agricole Normandie-Seine soutient sa démarche : «Ce sont les conférences que je donne en entreprise et dans le milieu scolaire qui ajoutent de la valeur à mes expéditions.»

Au fil des pages de ce livre, je vous

livrerai mes impressions, mes souvenirs d'Armada et vous ferai part de mon expérience d'aventurier. Bonne lecture ! Matthieu

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Naissance à Rouen le 4 décembre.

Transatlantique à la voile.

Tour du monde en 4L pour la microfinance .

Transcontinental Race.

Marathon de Pyongyang, Corée du Nord .

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Descente de la Seine en kayak de mer.

Marathon des Sables, Maroc.

Karakoram Highway à vélo.

Traversée du Sahara en vélo électrique, Égypte-Soudan.

Expédition en Antarctique.

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EXPLORER L’HISTOIRE MARITIME

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EXPLORER L’HISTOIRE MARITIME

NORMANDIE-SEINE, TERRE D’EXPLORATEURS Dès le XI e siècle et jusqu’à aujourd’hui, les Normands ont parcouru le monde. Visionnaires ou opportunistes, missionnaires ou commerçants, ils ont fait rayonner le territoire et même… possédé un royaume. Portraits de ces grandes figures normandes parties de Rouen et de la Manche assouvir leur soif de conquête ou de connaissance par-delà les mers.

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EXPLORER L’HISTOIRE MARITIME

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GUILLAUME LE CONQUÉRANT, UN NORMAND ROI D’ANGLETERRE

En 1066, le duc de Normandie débarque dans le Sussex avec 600 navires et 7 000 hommes. Il sort victorieux de la bataille d’Hastings, rejoint Londres, et se fait couronner roi d’Angleterre le jour de Noël, dans l’abbaye de Westminster. Entre 1067 et sa mort, il traversera plus de quinze fois la Manche pour réprimer les rebellions ! Son règne apporte des changements profonds : il introduit le régime seigneurial français ou organise le prélèvement de taxes sur les domaines royaux. JEAN DE BÉTHENCOURT LE CANARIEN Né en pays de Caux, au château de Grainville-la-Teinturière, Jean de Béthencourt décide en 1402 de cingler vers les îles Canaries, en quête d’exploration et de richesses. Il débarque à Lanzarote puis conquiert Fuerteventura, La Gomera et El Hierro. Il découvre l’orseille, cette plante tinctoriale qui produit un colorant et intéresse les tisserands. Il s’en assure le mono- pole et l’importe en Normandie. Nommé «Seigneur des Îles » par le roi de Castille, il impose le christianisme et fonde un évêché. Face au désintérêt du roi de France Charles VII pour les Canaries, il finit par les vendre en 1418 au royaume de Castille.

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EXPLORER L’HISTOIRE MARITIME

LA CATHÉDRALE DE ROUEN RACONTE L’HISTOIRE

Monument de la ville et symbole de sa puissance passée, la cathédrale Notre-Dame de Rouen et sa façade servent «d’écran», depuis 2013, à des projections estivales XXL. Ce spectacle hors norme a trouvé un écho inattendu avec l’Armada 2019 grâce au film projeté cette année : «Les Nouveaux Mondes». Ou l’aventure sensorielle et épique de marins partis explorer des terres inconnues!

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JEAN COUSIN PRÉCURSEUR DE CHRISTOPHE COLOMB?

CE QU’EN DIT MATTHIEU

Fiction ou réalité ? En 1488, Jean Cousin, marin dieppois, s’embarque à destination de l’Afrique avec deux navigateurs espagnols. Mais les tempêtes et les courants déportent son embarcation qui se retrouve face à des terres inconnues près de l’embouchure d’un grand fleuve. Le Brésil ? La destruction des archives de Dieppe, lors d’un incendie en 1694, ne permettra jamais d’en avoir la preuve. Sauf que les navigateurs espagnols de cette primo-aventure se retrouvent quatre ans plus tard capitaines des deux bateaux accompa- gnant la Santa Maria de Christophe Colomb qui s’élance à la conquête du Nouveau Monde… Jean Cousin les avaient-ils mis sur la piste, faisant de lui le vrai découvreur de l’Amérique ? Le mystère demeure…

Les explorateurs d’hier, ces héros…

J’ai de l’admiration pour ces hommes. Ils ont fait preuve d’un courage, d’une ténacité et d’une abnégation remarquables. Ils partaient à l’aventure sans technologie, en affrontant des risques bien plus importants qu’aujourd’hui. Ils mettaient leur vie en jeu pour la gloire d’une nation, avec des enjeux diplomatiques et économiques. Mais à leur époque, cela devait être fantastique de partir découvrir un monde alors inconnu! Probablement était-ce pour eux une grande source de motivation et d’excitation.

JEHAN DENYS C’EST L’AMÉRIQUE!

Plus crédible est l’histoire de ce navigateur honfleurois, né vers 1457. Peu avant que Christophe Colomb ne vogue vers le Nouveau Monde, il est attesté que Jehan Denys, en juin 1492, rentre du Mexique avec deux navires remplis de marchandises ! Lui aussi aurait donc précédé le Génois en Amérique. Mais Jehan Denys est surtout connu pour être l’initiateur de la pêche à la morue sur les côtes de Terre-Neuve. En 1506, l’explorateur quitte Honfleur pour le littoral nord-américain et pénètre dans les eaux du fleuve Saint-Laurent. Pendant trente ans, il va arpenter ces eaux poissonneuses et répertorier discrètement les zones de pêche.

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JEHAN ANGO PÈRE ET FILS LA SAGA DIEPPOISE

À la même époque que Jehan Denys, la famille Ango, originaire de Dieppe, s’illustre dans la pêche à la morue et l’organisation d’expéditions. Le père, banquier à Rouen, est un riche armateur. C’est l’un des premiers à armer des navires vers Terre-Neuve. Le fils, vicomte du château de Dieppe, est armateur mais également aventurier. À eux deux, ils assurent l’essen- tiel des «envies océaniques» des rois Charles VII, Louis XII et François I er . Le fils organise des expéditions vers le Brésil, les Caraïbes et l’Afrique. Attaché à François I er , il l’aide à combattre l’Angleterre et soutient Jehan de Verrazane, en 1524, dans sa recherche d’une nouvelle route des Indes et de la Chine par l’Atlantique Nord. Il est aussi à l’origine de la découverte des Moluques (Indonésie) par les frères Parmentier, premiers Français (et Dieppois !) à doubler le cap de Bonne-Espérance.

CE QU’EN DIT MATTHIEU

Pas véritablement. Je ne me construis pas par rapport aux autres. Je trace ma propre voie. Je ne cours pas après la célébrité. Ce qui m’intéresse c’est de vivre des aventures intenses, de les partager et d’éveiller les consciences sur les défis auxquels notre planète fait face. Il existe toujours une part d’égoïsme à faire ce métier. On est à la recherche d’une forme d’épanouissement et mes premières expéditions ont souvent été le fruit d’un rêve personnel. J’espère pouvoir donner une dimension supplémentaire, plus grande encore, à mes prochaines aventures. Une filiation avec ces aventuriers normands? ∫

LE SAVIEZ- VOUS

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les matières premières. L’arsenal est une ville dans la ville : magasins, ateliers et habitations forment une communauté d’ouvriers, encadrés par des spécialistes génois. On y construit des galères et des armes, on y répare et y ravitaille les navires du roi. Pendant la guerre de Cent Ans, le Clos des Galées arme les vaisseaux qui affrontent la marine anglaise. Cette expertise place Rouen en tête des ports du royaume. Par la suite, le savoir-faire militaire sera transféré à Harfleur puis au Havre.

LE CLOS DES GALÉES, PREMIER ARSENAL ROYAL

Sous les Capétiens, le roi Philippe IV le Bel décide de se doter d’une flotte et d’un arsenal. En 1292, il ordonne la construction du Clos des Galées dans ce territoire normand devenu, déjà à l'époque, la première province maritime du royaume. Le Clos des Galées est situé sur la rive gauche de la Seine, près des forêts et des forges capables de fournir

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EXPLORER L’HISTOIRE MARITIME

QUAND LESMARINS DE LA SEINE EXPLORAIENT L’OUTRE-ATLANTIQUE L’installation des moines à Jumièges au XI e siècle provoque l’essor d’une activité maritime sur la Seine. L’abbaye se dote d’un chantier naval afin de construire des bateaux pour la navigation et la pêche, dans un fleuve alors très poissonneux. C’est le début d’un élan qui va transformer les villageois de la basse vallée de la Seine en marins. Profitant de l’activité du chantier naval royal de Rouen (le Clos des Galées) et de financements accordés par de riches bourgeois rouennais, quelques-uns parmi ces «marins de Jumièges» s’enhardissent et prennent le large. Certains, mus par l’appât du gain, embarquent pour le Canada et le Brésil, à l’image de Robert Cossart. D’autres arment des flottilles vers Terre-Neuve pour assurer,

à la suite de Jehan Denys, des campagnes morutières.

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JEHAN DE VERRAZANE MONSIEUR NEW YORK

LA DAUPHINE EN PREMIÈRE LIGNE

Pour rendre hommage à cette aventure en partie financée par des marchands et des armateurs normands, le musée maritime de Rouen a eu l’idée, il y a dix ans, de construire une maquette au 1/5 e du navire la Dauphine. Le but: faire un écorché de la coque, histoire de montrer les techniques de construction de l’époque. « La difficulté est qu’il n’existe aucune archive du bateau. Je travaille sur des documents fournis par le musée de la Marine de Paris et à partir de livres édités par des Canadiens, suite à la découverte d’une épave d’un baleinier basque daté de 1520. Je m’aide aussi d’un graffiti découvert sur un mur de chaumière normande et de vitraux d’église », raconte Patrice Mabire, le charpentier de marine en charge de la réalisation de la maquette.

L’explorateur transalpin, au service de François I er , est chargé par le souverain d’armer une flotte pour rechercher un passage vers les Indes par le nord. Au départ de La Rochelle, il s’embarque, en 1524, à bord de la Dauphine. L’équipage est constitué d’une cinquantaine d’hommes, pour la plupart normands. Deux mois plus tard, le navire mouille au niveau de l’actuelle Caroline du Nord. En remontant la côte, la Dauphine arrive dans une baie : c’est celle de l’Hudson, site du futur New York ! Malgré une lettre adressée au roi par Jehan de Verrazane à son retour à Dieppe, l’événement est oublié par l’histoire. Il faudra attendre 1904 et la découverte d’une copie de la lettre à François I er pour que l’exploit soit authentifié. En signe de reconnaissance, les Américains baptisent le pont suspendu à l’entrée de New York, Verrazano. Justice est rendue. CAVELIER

DE LA SALLE DESTIN TRAGIQUE

Cet explorateur rouennais du XVII e siècle s’est distingué par ses voyages en Amé- rique et en Nouvelle-France, durant lesquels il parcourra les Grands Lacs et leMississippi. Il nommera Louisiane les territoires du sud, en l’honneur de Louis XIV. Ses tentatives de coloniser le secteur s’avèreront un échec. Il mourra assassiné en 1687 par ses équi- piers d’infortune.

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VIERGE DE LOURDES SOUVENIRS DE PÊCHE CÔTIÈRE

ROUEN, PORT PAR-DELÀ LES SIÈCLES

C’est l’unique caïque à naviguer encore en Normandie. 9,50 m de long pour 4 m de large : voilà l’étroit espace dans lequel évoluaient jadis les pêcheurs de Fécamp, d’Yport et d’Étretat. Chaque jour, ils partaient traquer le poisson noble entre Le Havre et Le Tréport, voire jusqu’à l’île de Wight en été. Un bateau d’échouage typique de la région, que l’on tirait sur les galets à la force des bras et des cabestans, après avoir remonté en mer les cordes remplies de barbus, turbots, raies… ou les filets dérivants pour les harengs. Afin d’entretenir ce patrimoine maritime, l’association Caïque Vierge de Lourdes, de Fécamp, s’est constituée en 1992 pour racheter le bateau. « Le pont, l’étrave, le moteur, les voiles, l’électricité… On la restaure à nouveau afin qu’elle soit prête pour Fécamp Grand’Escale, l’événement nautique prévu ici en juillet 2020 », éclaire Yannick Nazé, secrétaire de l’association.

Quand le port du Havre est inauguré en 1517, il supplée l’étroitesse d’Honfleur et d’Harfleur face à l’essor du trafic maritime. Il confirme aussi l’engagement de François I er en faveur de la conquête du Nouveau Monde. Cette quête va associer étroitement les communautés maritimes et marchandes des ports de Fécamp, Dieppe, Honfleur, Harfleur et… Rouen, déjà fortement impliquées dans le commerce et la navigation depuis le XI e siècle. Au tournant de l’an 1000, le port de Rouen se consacre aux échanges maritimes avec l’An- gleterre, l’Irlande et la mer du Nord. Au XIII e siècle, il se hisse au premier rang du commerce maritime en Europe occidentale. Les bateaux embarquent également voyageurs, pèlerins et aventuriers vers l’Italie et la Terre sainte. Parallèlement, Rouen approvisionne Paris en harengs, le poisson-roi de l’époque. Au début de la Renaissance, Rouen est la seconde ville du royaume ! Draperie, soierie, faïen- cerie, orfèvrerie… le port soutient la croissance de l’industrie locale. Les échanges se mul- tiplient avec l’Angleterre et l’Espagne, de même qu’avec les banquiers lyonnais, lombards et vénitiens. La Renaissance à Rouen est fastueuse. L’essor industrieux de la ville s’accompagne d’un élan architectural et artistique. C’est l’époque où l’on construit le Parlement de Normandie, le Gros-Horloge, l’archevêché, la tour du Beurre… Intellectuels et hommes d’affaires étrangers s’installent ou échangent avec Rouen. Les ateliers d’imprimerie tournent à plein régime. À l’image de l’Armada 2019, les quais de Seine sont survoltés par une intense activité fluviale !

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CE QU’EN DIT MATTHIEU

Sur la liberté…

La liberté, pour moi, c’est un mélange entre la possibilité de pouvoir entreprendre, explorer, et mener sa vie en toute indépendance. C’est aussi disposer de son temps et avoir sa liberté de mouvement. J’y suis extrêmement attaché. En ce sens, c’est une chance folle d’avoir un passeport français. Un Afghan ne peut pas se déplacer à l’étranger comme nous. C’est injuste. J’ai souvent vu des yeux briller quand je disais que j’étais Français. On ne se rend pas assez compte de ce privilège.

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LE SAVIEZ- VOUS

QUAND ROUEN ACCUEILLE LA STATUE DE LA LIBERTÉ… Ce fut l’un des événements majeurs de l’Armada 2019. L’inauguration, le jeudi 6 juin, de la statue de la Liberté sur les quais de Rouen, au bout du Musoir. Effectuée en présence de Patrick Herr, Président-fondateur de l’Armada, du maire de Barentin, Michel Bentot, et d’autres élus régionaux, cette inauguration rappelle un double anniversaire : le départ de la statue originale pour New York depuis Rouen, en 1885 ; et les racines de la création de l’Armada, imaginée par Patrick Herr au début des années 1980 et concrétisée par une course transat- lantique Rouen-New York en 1986, afin de fêter le centenaire de la statue de la Liberté. Flash-back… Nous sommes en 1885. Le sculpteur Auguste Bartholdi vient d’achever, à Paris, la statue de 46,05 m de haut offerte par la France aux États-Unis. Le cadeau avait été prévu pour fêter le centenaire de la Déclaration d’indépendance américaine. C’est Gustave Eiffel qui a conçu l’armature métallique. Le 30 avril, après avoir été démontées, les deux cents tonnes de la statue sont mises dans des caisses et embarquées dans un train, direction Rouen. Sur le port, elles sont embarquées à bord de l’ Isère, une frégate militaire. Bartholdi est présent, il supervise le chargement. À l’invitation du commandant du bateau, il monte à bord avec son épouse et navigue jusqu’à Caudebec-en-Caux. L’ Isère rejoint ensuite la baie de Seine et s’engage dans l’Atlantique. Elle arrivera à New York le 17 juin 1885. Bartholdi traversera l’océan à l’automne 1886, invité pour l’inauguration de sa statue sur Liberty Island, devant un million de personnes.

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L’ÉTONNANTE HISTOIRE DE LA STATUE DE BARENTIN

La statue de la Liberté, installée au Musoir lors de l’Armada, est visible en temps normal à Barentin, au rond- point du plateau commercial. Il s’agit d’une réplique construite en 1968 pour les besoins du film Le Cerveau, de Gérard Oury. Dans la scène finale tournée sur le port du Havre, elle laisse échapper des milliers de billets issus de l’attaque d’un train transportant des fonds de l’Otan. En polyester, cette réplique de 13,50 m de haut et de 3,5 tonnes était au départ destinée à la destruction. Mais le maire de l'époque, André Marie, souhaitant la récupérer, plaida sa cause auprès du réalisateur et de Gaumont. Obtenant gain de cause, la statue fut finalement livrée à Barentin… où elle est revenue à l’issue de l’Armada.

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DES BATEAUX, DES HOMMES ET DES MESSAGES UNIVERSELS Jadis, les grands voiliers partaient à la découverte du Nouveau Monde. Messagers d’intentions conquérantes, ils ont porté l’image des pays qu’ils représentaient, contribuant au savoir et à la connaissance. Les navires de l’Armada, répliques des temps anciens ou bateaux-écoles, sont plus sociétaux et véhiculent des messages vertueux. Par leur histoire exceptionnelle, cinq d’entre eux méritent un focus particulier.

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Parmi les quelque cinquante navires venus accoster à Rouen pour l’Armada 2019, plusieurs bateaux ont fait l’événement en raison de leur histoire ou de leur présence inédite. Ce fut le cas de L’Hermione, bien sûr, la frégate invitée d’honneur de la manifestation. Son arrivée anticipée le jeudi 6 juin pour cause de tempête Miguel a bouleversé le programme mais pas l’enthousiasme suscité par sa venue. «Régional de l’étape», le Marité, basé à Granville mais né à Fécamp, où il fut armé pour la pêche à la morue, a fait l’honneur de la marine française. Le bateau, qui a longtemps servi de base à l’émission Thalassa, n’a pas eu à rougir de la présence à ses côtés des géants Belem et Cuauhtémoc ! En face de lui, sur la rive gauche, le Sedov a fait l’événement. Le public a eu les yeux de Chimène pour ce voilier russe, splendide quatre-mâts de 118 m de long et plus grand navire-école au monde amarré au pied du pont Guillaume-le-Conquérant. Le Shtandart russe, de plus petite envergure (32,70 m) que le Sedov, n’en affichait pas moins une fière allure et une histoire singulière, illustrée par la personnalité originale de son capitaine. Voisin du précédent, El Galeón, le galion espagnol et son allure de bateau corsaire a rappelé au public les grandes heures de la marine ibérique et l’épopée des conquistadors.

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L’HERMIONE , L’ÉMISSAIRE ROYAL Concert de canonnades, vivas de la foule et parade de gala : il fallait bien cela pour accueillir L'Hermione, monument d’histoire et fierté nationale depuis une reconstruction magnifique- ment menée à bien. VERSION ORIGINALE C’est un bateau symbole de la puissance maritime française au XVIII e siècle. Construit en 1779 à l’arsenal royal de Rochefort, il sert dans le golfe de Gascogne et capture plusieurs navires anglais. Jusqu’à ce que Louis XVI lui confie une mission secrète : convoyer outre- Atlantique un émissaire, le général marquis de La Fayette. Objectif : annoncer à George Washington l’aide militaire de la France aux jeunes États d’Amérique, alors en lutte contre leur rival anglais. L’Hermione mettra trente-huit jours pour rallier Boston. Durant vingt-et-un mois, elle va mener ensuite des opérations de patrouille et de harcèlement contre les Anglais, s’arrogeant même une victoire retentissante contre leur flotte lors de la bataille de l’Île Royale, en juillet 1781. Après son retour en France, elle servira à nouveau dans le golfe de Gascogne et dans l’océan Indien, avant de faire naufrage au large du Croisic, en 1793. VERSION CONTEMPORAINE C’est un projet titanesque de la ville de Rochefort : reconstruire à l’identique la célèbre fré- gate. Débuté en 1997, le chantier s’est achevé en 2014 par la mise à l’eau du navire, après un long parcours semé de doutes et d’espoirs, de soucis financiers et de défis techniques.

Mais quel résultat ! À voir ce bateau amarré à Rouen, on ne peut être que subjugué par la cohérence de l’ensemble : sa coque en chêne de 45 mètres de long, son gréement de trois mâts dont un de 54 mètres, ses centaines de vergues, cargues, bras, drisses, ses vingt-six canons… et bien entendu, « l’exotisme » de son équipage, habillé comme les marins du XVIII e siècle. Après sa traversée mémorielle vers les États-Unis en 2015, le navire est re- venu en France pour entamer un tour des côtes atlantiques et méditerra- néennes. Sa présence à l’Armada comme invité d’honneur était une évidence.

L’Hermione va terminer son voyage Normandie Liberté 2019 avec un nouveau commandant à la barre, Gweltaz Thirion.

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L’Hermione reflète l’excellence à la française. 

Audace, ingéniosité, persévérance, témoignage de puissance… Si l’on doit parler d’esprit d’exploration et de conquête à propos de L’Hermione, alors il ramène aux vertus cardinales souvent associées au peuple français. «Le bateau porte quantité de messages. Un message historique et héroïque, d’abord. Il rappelle que la France a été une grande nation maritime, l’une des seules à pouvoir rivaliser avec l’Empire britannique. Un message d’ambition, aussi : c’est la preuve qu’un projet aussi peu rationnel peut, avec de l’audace, être mené à bien. N’oublions pas que L’Hermione est la plus grande réplique navigante au monde. Tout a été conçu, dans le détail, comme au XVIII e siècle ! Construire et armer un navire de 64 mètres, c’est du niveau de l’Airbus, des Rafale, d’Arianespace. C’est l’excellence à la française. L’Hermione est également un formidable ambassadeur de la France à travers le monde. Aux États-Unis, au Maroc, la surprise de la découverte est allée de pair avec un accueil grandiose. Imaginez la stupéfaction des cargos étrangers, qui ne connaissent pas notre histoire, lorsqu’ils nous croisent en mer ! Ils se déroutent, font des photos, échangent avec nous. Nous sommes “Pirates des Caraïbes”, ils sont fascinés par l’image que l’on représente. Cette authenticité plaît énormément » , témoigne le commandant. Être là à Rouen, pour l’Armada 2019? «C’est un passage obligé. Comme voilier, le plus grand des huit voiliers français présents pour l’évé- nement, nous nous devions d’être là. C’est une grande fierté. » Fierté partagée par le public : jusqu’à 3000 personnes l’ont visitée chaque jour lors de l’Armada !

CE QU’EN DIT MATTHIEU

L’Hermione ∫

Ce bateau évoque immanquablement pour moi La Licorne des Aventures de Tintin, dans Le " Secret de la Licorne " . Quand on est sur L’Hermione, on s’attend à tout moment à voir débouler le chevalier François de Hadoque, tellement la ressem- blance est frappante! Enfant, je lisais deux albums deTintin par mois. Quand les 24 volumes étaient épuisés, je recommençais! Avec ses voyages auTibet, en Chine, au Pérou…,Tintin a fait naître en moi le désir d’aventures et de voyages. Cela a été une fenêtre ouverte sur le monde.

YANN CARIOU COMMANDANT DE L’HERMIONE

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LE MARITÉ , PORTE-ÉTENDARD NORMAND Il est arrivé le jeudi 6 juin, pour sa deuxième Armada, après un premier passage en 2013. Amarré rive droite, près du pont Guillaume-le-Conquérant, le Marité venait des mers du Nord, un territoire qui n’a pas dépaysé ce trois-mâts goélette habitué aux grands froids. Car voir le Marité à Rouen, c’est replonger dans l’histoire de la pêche normande. Et c'est l’assurance qu’il faut parfois des miracles pour qu’un bateau survive au temps. EN ROUTE VERS TERRE-NEUVE Imaginez… Nous sommes en 1923. Un armateur fécampois, Charles le Borgne, achète la coque du navire. Il le nomme Marité, contraction du prénomde sa fille, Marie-Thérèse. Objectif : l’armer pour la pêche à la morue. Le voilà parti pour cinq campagnes de pêche à Terre-Neuve. En 1929, l’armateur revend le voilier à des pêcheurs danois. Il opère alors sur les eaux glacées d’Islande et du Groenland. Reconverti en bateau de transport de marchandises entre le Dane- mark et les îles Féroé, il est réquisitionné par l’Angleterre durant la Seconde Guerre mondiale. MIRACLES Premier miracle, il sort indemne du conflit, après avoir pourtant navigué sur des eaux truffées de mines. On le retrouve à la pêche et au cabotage, jusqu’en 1973. Puis il est abandonné aux îles Féroé. Second miracle : cinq jeunes Suédois le redécouvrent en 1978 et décident de lui donner une… sixième vie. Pendant vingt ans, le voilier va être utilisé pour des événements. Mais les Normands n’ont pas perdu sa trace. Quand sa mise en vente est annoncée, un GIP (Groupement d’intérêt public) constitué de collectivités locales normandes se forme autour du navigateur Gérard d’Aboville. Le but : ramener le Marité en France. Chose faite en 2003. Sa célébrité est acquise lorsqu’il sert de «plateau» à l’émission «Thalassa», en 2005. Une res- tauration plus tard à Saint-Vaast-la-Hougue et à Granville, son nouveau port d’attache, et voici le terre-neuvas rendu à la navigation. Aujourd’hui, propriété d’un GIP dans lequel on retrouve la ville de Fécamp, il embarque des passagers pour des navigations touristiques et privées.

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Un message patrimonial, environnemental et éducatif.

Il nous reçoit dans la pièce où jadis était stocké le poisson. Juste sous le pont. Si le Marité s’est adapté aux temps modernes, il est assez curieux de discuter dans un réduit où furent entreposées des tonnes de morues, entassées et salées pour résister au long voyage. Sou- venirs de pêches éreintantes, de tempêtes dangereuses… Depuis seize ans, la vocation du Marité a pris un tour plus prosaïque – locations pour des événements, des réceptions, sorties en mer, etc. Il n’en demeure pas moins un formidable témoin du passé qu’on ne réserve pas par inadvertance. «En premier lieu, nous sommes le porte-étendard de la Manche et de la Normandie. A fortiori lorsque nous naviguons en Europe du Nord et du Sud. Nous représentons fièrement Granville et Fécamp. Mais nous portons aussi un message patrimonial, en tant que témoin d’une pêche à la morue ancienne. En ce sens, le Marité appartient à l’histoire maritime française. Nous véhiculons également un message environnemental. Le moteur principal de la goélette est toujours la voile et nous retraitons toutes nos eaux usées» , éclaire le capitaine, Granvillois et marin depuis vingt ans. L’autre volet de la transmission – peut-être le plus important – est éducatif. «Nous travaillons beaucoup avec les scolaires. Un tel bateau, c’est un cours pratique fantastique d’histoire, de géographie, de mathématiques et d’environnement ! »

MATTHIEU ALLUIN CAPITAINE DU MARITÉ

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LE DÉFILÉ DESMARINS

Le défilé des marins, à Rouen, est un des événements les plus appréciés par la population. En tenue d'apparat, tous les équipages ont parcouru les rues du centre mercredi 12 juin, entre le pont Guillaume-le-Conquérant et la mairie. Les marins, comme ici ceux de cet équipage

russe, ont ensuite été reçus par le maire autour d'un cocktail dans les jardins de l'hôtel de ville.

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LE SEDOV, MESSAGER DE LA PAIX Il cumule les superlatifs : plus grand voilier russe, plus grand voilier navire-école du monde, quatre mâts rouges (éclatants !), 117,50 mètres de long, jusqu’à 230 membres d’équipage… C’est peu de dire que ce navire géant a fait l’événement, au pied du pont Guillaume-le-Conqué- rant où il était amarré, rive gauche. Le Sedov, c’est une histoire de guerre et de paix. Navire de commerce allemand sorti des chantiers navals de Kiel en 1921, il porte alors le nom de Magdalene Vinnen et voyage au long cours entre l’Allemagne et le Chili, transportant du nitrate. Après un changement d’armateur en 1936, on le rebaptise Kommodore Johnsen. Il est, à cette époque, affecté au transport de marchandises avec l’Australie. Le second conflit mondial achevé, le navire est remis en 1949 par l’Allemagne à l’Angleterre. Au titre des dommages de guerre, les Britanniques le donnent à l’URSS un an plus tard. Renommé Sedov, en hommage à l’explorateur polaire russe, le voilier va dès lors servir comme bateau océanographique, jusqu’en 1966. Il sera par la suite réaménagé en navire-école de pêche et affecté jusqu’en 1981 au port de Riga, en Lettonie. UN NAVIRE-ÉCOLE EXCEPTIONNEL Après l’effondrement de l’Union soviétique et l’indépendance de la Lettonie en 1991, les Russes le rapatrient dans le port de Mourmansk. Il y est désormais le plus souvent attaché et sert de navire-école pour les élèves-officiers de la marine russe, issus de différentes institutions navales du pays (Mourmansk, Kaliningrad, etc.). Le Sedov forme des cadets aux métiers de marin civil et d’ingénieur de pêche. En plus d’un équipage d’une soixantaine de marins, il peut embarquer jusqu’à 164 cadets (élèves-officiers), pour des périodes de navigation de trois mois. C’était sa première apparition à l’Armada.

Engagé dans des navigations au long cours, on retrouvera le Sedov à Las Palmas, avant qu’il ne prenne le large pour Montevideo, la Géorgie du Sud puis l’Afrique du Sud, l’île Maurice, l’Inde…

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Jamais, dans l’histoire, nous n’avons eu de conflit avec les Français.

À 23 ans, la jeune femme, pull marine à épaulettes d’officier et écusson du Sedov en vue, a de qui tenir : son père et sa mère, navigants, se sont connus à bord d’un navire. Pour celle qui voulait pourtant devenir architecte, l’appel de la mer aura été le plus fort. Avec cinq ans de navigation à son actif, dont presque deux sur le Sedov, la jeune Russe n’est ni plus ni moins que la numéro 3 du bateau, juste derrière le capitaine et son second. C’est aussi l’une des vingt femmes à bord, sur un équipage de cinquante-huit marins auxquels s’ajoutent les 111 cadets présents lors de l’Armada. Ses responsabilités ne l’empêchent pas de considérer avec recul la vocation du navire et les messages de paix que représentent ses voyages à travers le monde. «Le Sedov est peu connu en Russie car les gens ne s’intéressent pas beaucoup aux bateaux. Mais dès que nous sommes à l’étranger, l’enthousiasme du public me surprend toujours! Nous étions à Tallin, en Estonie, les gens connaissaient le navire. C’est la même chose à Rouen, où il y a toujours du monde pour monter à bord» , s’étonne l’officier. Son souvenir le plus marquant reste sans doute cette escale à Hambourg, un 9 mai, jour de fête nationale en Russie commémorant la victoire sur l’Allemagne nazie. «Nous avons diffusé l’hymne russe. À bord et sur les quais, le public allemand l’a entonné avec nous avec un enthousiasme incroyable!» , se souvient encore Mukhina. Messager de paixmais aussi émissaire de la connaissance, le Sedov permet à sesmarins d’explo- rer lemonde et de s’ouvrir à d’autres cultures. «J’ai regardé l’itinéraire pour aller à Rouen. Jeme suis renseignée sur l’histoire de la ville, les ponts, Jeanne d’Arc… J’ai hâte de découvrir les boutiques de mode et de parfums» , s’enflamme-t-elle. Fière d’être à Rouen? «Oui, je suis très contente de repré- senter mon pays ici parce que jamais, dans l’histoire, nous n’avons eu de conflits avec les Français.»

MUKHINA ELIZOVETA OFFICIER N°3 DE BORD DU SEDOV

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EL GALEÓN , LE GRAND TÉMOIN HISTORIQUE Il ressemble à un bateau de pirates mais ce n’en est évidemment pas un. Avec sa coque sombre et son air de conquistador, le navire espagnol El Galeón, amarré rive droite à deux pas du Panorama XXL, a étonné bien des visiteurs de l’Armada. Comme son nom l’indique, El Galeón est un galion espagnol, réplique d’un bateau du XVII e siècle ayant navigué entre l’Espagne et les Amériques puis vers les Philippines, formant la célèbre flotte des Indes. Cette route était à l’époque la plus longue en termes de distance et de durée. Construit en 2009-2010 à Huelva, au bord du golfe de Cadix, le navire est la propriété de la fondation Nao Victoria, spécialisée dans la promotion et la diffusion d’événements histo- riques. Entre 2010 et 2016, il a parcouru plus de 48000 miles nautiques à travers les océans du monde entier, faisant escale dans plus de cent ports, sur tous les continents. AMBASSADEUR DE LA COMMUNAUTÉ AUTONOME D’ANDALOUSIE Le navire est présent lors des grandes manifestations maritimes. Il a notamment été vu à l’Exposition universelle de 2010 à Shanghai, au côté du pavillon espagnol. Il véhicule des valeurs patrimoniales qui transcendent le passé maritime du pays et permettent au public de se réapproprier un pan majeur de son histoire navale. Musée flottant, mais aussi navire-école, El Galeón, ancré habituellement à Séville – ville reliée à l’Atlantique par le Guadalquivir, d’où sont partis tant d’explorateurs ! – peut embarquer jusqu’à trente navigants.

CE QU’EN DIT MATTHIEU

Souvenirs d’Armada… ∫

Je me rappelle être allé à toutes les édi- tions. Quand on est Rouennais, l’événement est assez long pour que l’on ait le temps de s’y rendre. Quel enfant ne serait pas fasciné par ces bateaux? À 17 ans, un an après un rassemblement scout national, j’ai invité des copains du camp à planter la tente dans le jardin familial à Mont-Saint-Aignan. C’était en 2008, pour la 5 e Armada. L’aventure à domicile ! Nous en avons profité comme jamais, en étant toujours sur les quais, avec les marins et dans les bars éphémères…

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Un souvenir important de ce que fut la conquête du Nouveau Monde.

Futur marin professionnel, Francisco Cabezos, originaire de Valence et étudiant à Murcie, a été engagé à bord du Galeón deux mois seulement avant l’Armada. Si le jeune homme a pour objectif de gagner de l’expérience, il a aussi pleinement conscience de la vocation du bateau et de son rôle d’ «agent de transmission» auprès du grand public. «Nous sommes là pour expliquer à quoi servait ce type de bateaux autrefois. L’Espagne doit se réapproprier son passé maritime, moins connu que le vôtre en France, me semble-t-il. El Galeón est un témoignage historique important de ce que fut la conquête du Nouveau Monde. Il illustre l’essor des échanges à travers lemonde et lamanière dont les Européens ont traversé les océans pour créer des liens avec d’autres continents, sans occulter bien sûr les effets néfastes de ces conquêtes» , témoigne le garçon. À bord, le navire est avant tout un musée vivant. Ses objets, ses meubles, ses armes, plongent dans ce XVII e siècle où l’on était prêt à sacrifier sa vie «pour du commerce et des relations hu- maines» , ajoute Francisco Cabezos. L’autre mission du Galeón est plus éducative. En tant que bateau de formation, il prépare de jeunes Espagnols à exercer leur futur métier de marin. Un apprentissage de la naviga- tion, certes, mais aussi d’homme à tout faire, capable de peindre, visser, démonter et réparer n’importe quelle pièce du galion. Les visiteurs de l’Armada ont pu s’apercevoir à quel point le navire était superbement entretenu… donnant l’illusion d’être prêt à appareiller pour les Amériques.

FRANCISCO CABEZOS MEMBRE D’ÉQUIPAGE DU GALEÓN

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LE SHTANDART , RÊVÉ PAR PIERRE LE GRAND

Trois-mâts carré russe à l’allure d’un bateau de pirates, le Shtandart fait toujours recette auprès du public des Armada (2013-2019). Réplique exacte d’une frégate imaginée par le tsar Pierre 1 er , c’est à la fois un navire-école et un bateau musée. 1697. Aux docks de Deptford en Angleterre, Pierre Mikhaïlov n’est qu’un ouvrier parmi d’autres, un charpentier qui construit un bateau. Ce Russe discret, qui manie parfaitement la langue de Shakespeare, ne se fait remarquer que par sa surprenante taille de deux mètres. Mikhaïlov n’est qu’un pseudonyme, son vrai nom est Romanov et, en Russie, Pierre est le tsar. Pourquoi cet incognito ? Désireux d’arracher le pays qu’il gouverne à ce qu’il nomme la « barbarie asiatique », il voyage discrètement en Europe pour étudier culture et réussite occidentales. Il souhaite développer sa marine de guerre et veut que ses hommes acquièrent auprès des Hollandais et des Anglais les méthodes de construction navale qui ont permis à leurs pays de devenir de puissants empires. L'ÉTENDARD Depuis 1703, l’étendard de Pierre 1 er le Grand arbore fièrement le symbole de la mer Baltique aux côtés des trois autres mers qui bordent son pays. En l’honneur de ce nouvel étendard, le premier vaisseau de sa flotte s’appelle «Shtandart » (Штанда́рт) qui signifie donc « éten- dard». Avec d’autres frégates, ce trois-mâts aux voiles carrées qui porte vingt-huit canons doit défendre la nouvelle capitale Saint-Pétersbourg des attaques suédoises. Le bateau est construit en six mois, sous la direction d’un maître hollandais Vive Girense et de son homologue russe Ivan Nemstov. Cinquante charpentiers, vingt forgerons, des peintres, des voiliers… suivent les ordres de Pierre le Grand qui a lui-même orchestré les plans de son vaisseau-amiral. Maîtrisant quinze métiers manuels, le tsar supervise chaque infime détail de la construction. Durant des années, le Shtandart, engagé dans de nombreuses batailles navales, sert fière- ment son pays. Le tsar donne l’ordre de le garder ad vitam æternam comme le premier-né de la flotte et monument du génie maritime. Mais le bois pourrit et la frégate ne survit pas après son décès.

La réplique du Shtandart  fut réalisée en cinq ans,

de 1994 à 1999, par le Centre d'éducation maritime de Saint- Petersbourg dans le cadre du Shtandart Project.

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 Une réplique pour l’ouverture au monde.

1727. Veuve du tsar, Catherine 1 re émet un édit de reconstruction du navire. Édit qui reste lettre morte.

1994. «Venez bâtir un navire, membrure après membrure, bordage après bordage, et faites- le voguer jusqu’aux bords de l’Europe, vers les pays d’ailleurs ! Cette frégate sera la preuve de ce dont l’homme est capable quand il se laisse pousser des ailes, quand il a le courage de croire en ses rêves les plus fous. » Surfeur passionné de voile, Vladimir Martus multiplie les appels lyriques aux bonnes volontés. Sans un rouble en poche, il veut recréer le Shtandart. Avec ce fameux « système D russe» de récupération de matériaux en tout genre, aidé par un groupe de passionnés, il met cinq ans à faire revivre les 34,50 mètres de la frégate. La construction s’effectue au Centre d'éducation maritime de Saint-Pétersbourg dans le cadre du Shtandart Project qui consiste à former de jeunes Russes à la construction navale en bois et à la navigation traditionnelle à la voile. Une initiative sponsorisée par les gouvernements russe, britannique et par des dons venant de l’étranger, notamment de Hollande, en hommage à ses origines. «Construit avec un esprit de solidarité et d’initiative, ce bateau est l’ambassadeur de la nou- velle Russie, porteur d’espoir et d’ouverture » , raconte son capitaine Vladimir Martus. Auréo- lé de son chapeau de pirate, de sa barbe et de ses longs cheveux blanchis par ses 52 ans, le fougueux Russe souhaite que le public visite son navire « pour en apprendre davantage sur notre patrimoine. Et notre équipage international apprend aussi des cultures de tous les pays où nous faisons escale. » Malgré un apprentissage payant, les mousses se bousculent pour travailler à bord de la fameuse frégate.

Né à l’heure de la Perestroïka et de la chute de l’URSS, le nouveau Shtandart est le symbole de cette liberté, de cette communion avec l’Occident recherchée par Pierre le Grand.

VLADIMIR MARTUS, CAPITAINE DU SHTANDART

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LE TENACIOUS, LES «HANDIS» PASSENT LE CAP

Le Tenacious , magnifique voilier britannique de 65 mètres, n'est pas un navire comme les autres. La raison ? Cabines aménagées, pont équipé de points d’arrimage pour les fauteuils, plaques des portes signalées en braille… Dès sa conception en 2000 par l’armateur Jubilee Sailing Trust, il a été imaginé pour les personnes en situation de handicap (à mobilité réduite et malvoyantes). Elles peuvent ainsi naviguer en équipage avec des personnes valides. Ce parti pris fait écho à l’initiative de sept Caisses locales du Crédit Agricole de l’agglomération rouennaise, lors de l’Armada. Le jeudi 13 juin, elles avaient affrété un bateau de la compagnie Vedettes Jolie France. Objectif : une croisière pour 280 personnes en situation de handicap, issues d’une dizaine d’associations locales. «La balade leur a permis d’aller à la rencontre des voiliers et des bateaux militaires de l’Armada. Il s’agissait d’une première, qui s’est déroulée dans une belle atmosphère d’échanges» , souligne Lionel Chavigny, Directeur d’agence à Grand-Quevilly. Réussi, ce challenge témoigne de l’engagement de la banque en faveur de la lutte contre le handicap.

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LA SNSM EN VEILLE PERMANENTE

Debout à la barre du bateau semi-rigide de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), Sandrine Dossier scrute les quais. Attentive au moindre faux pas de la foule, elle repère les dangers potentiels. Avec sa vingtaine d’années d’expérience de sauveteuse, la jeune femme sait que le risque est présent : «Cette année, une dame est tombée d'un bateau en prenant une photo, raconte-t-elle . Elle reculait pour en prendre une d’un voilier.» Quelques dizaines de secondes sont nécessaires au bateau des sauveteurs pour intervenir et remonter immédiatement la personne tombée à l’eau. Sept kilomètres de quais à surveiller, ainsi que les vedettes de tourisme qui font des navettes pour observer de plus près la flotte de l’Armada… Sandrine et son équipe sont épaulées : «Nous fonctionnons en équipe, toujours en coordination avec les pompiers. Six bateaux de surveillance sont répartis sur des zones spécifiques. » Directrice adjointe du centre de formation et d'intervention de Rouen de la SNSM, Sandrine est bénévole. Professeur des écoles le jour, sauveteuse après sa journée de travail. Même si ses doubles journées sont fatigantes, Sandrine ne manquerait aucune Armada, un «événe- ment gai, joyeux, convivial et qui, surtout, fait renouer Rouen avec son passé maritime». ? UNE MUTUALISATION QUI SAUVE DES VIES Lorsque Guillaume Masclet, administrateur et membre de la SNSM de Poses, a proposé au Crédit Agricole Normandie-Seine de soutenir l’association, c’est tout naturellement que quatre Caisses locales ont répondu présentes. Cette mutualisation a permis d’offrir à la SNSM un défibrillateur automatique, appareil capital qui permet de sauver des vies. Pour sceller un peu plus ce partenariat, la SNSM a initié clients et salariés administrateurs aux gestes de premiers secours. LE SAVIEZ- VOUS

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