Journal C'est à Dire 192 - Octobre 2013

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D O S S I E R

Les Plains-et-Grands-Essarts Le cimetière des “ânes” et des mennonites Au lieu-dit “la Mine” à la sortie des Plains-et-Grands- Essarts se cache un cimetière où vécut une commu- nauté anabaptiste jusqu’au début du XXème siècle. Cer- tains de leurs descendants ont émigré aux États-Unis où ils ont fondé la communauté Amish. Il existe le même cimetière à Montsassier, près de Fessevillers.

rés… car à cette altitude, la cul- ture de la terre était plus diffi- cile.” En décembre 1994, des descen- dants américains sont (re)venus à Montsassier sur la terre de leurs ancêtres pour raviver le souvenir de ce mouvement social et religieux. “On estime que les anabaptistes sont partis avant la première guerre mondiale car leur religion leur refusait l’usage des armes” conclut Jean-Michel Blanchot. Ils émigrèrent aux États-Unis, en Russie, au Mexique, laissant derrière eux un pan de leur histoire. Le Haut- Doubs est en passe de l’oublier. E.Ch. introduit chez nous une vache venue de lʼOberland suisse qui a donné naissan- ce à la vache montbéliarde. Ils ont irrigué les terres et défriché. Le marquis de Maîche a dʼailleurs fait appel à une de ces familles pour gérer une partie de ses terres. À la Révolution en 1793, le marquis pour échap- per à la mort se réfugie en Suisse… accueilli par la famille anabaptiste. Zoom D’excellents agriculteurs L es mennonites ou ana- baptistes, et notamment un certain “Graber”, ont

P aysage étrange. Perdu dans un champ à la sor- tie des Plains-et- Grands-Essarts où pais- sent des vaches montbéliardes, un carré de terrain entouré d’un muret abrite une pierre tom- bale en son centre. Dans l’un des quatre coins, un immense sapin semble protéger ce lieu aux allures mystiques fermé par une porte en fer rouillée par le temps. C’est ici que reposent

les corps des familles Widmer, Graber, Muller, Roth, Ramseyer et Richard. Les noms gravés sur la pierre noircie sont encore visibles, preuve que si les habi- tants du Haut-Doubs ont oublié cette partie de leur histoire, la terre a gardé une empreinte de ces familles pas comme les autres. Toutes étaient anabap- tistes, venues pour la plupart de Suisse, d’Allemagne voire de Hollande après avoir été chas-

L’historien Jean-Michel Blanchot dans le cimetière des “anabaptistes” situé à la sortie des Plains-et-Grands-Essarts.

sées du royaume de France sui- te à l’ordonnance de 1712 inter- disant la présence des menno- nites. De religion protestante (luthériens), ces personnes de langue germanique refusaient notamment le baptême de l’enfant, qui ne recevait le sacre- ment qu’entre 13 et 15 ans, après avoir acquis la culture religieuse. Le curé est nommé “ancien”. Cela leur a valu l’isolement au point qu’en 1869, Joseph Ram- seyer, qui est alors le repré- sentant de cette communauté anabaptiste, “fait une demande à la commune des Plains-et- Grands-Essarts pour établir un cimetière sur le terrain dont il est le propriétaire” rappelle

l’historien Jean-Michel Blan- chot qui ne tarit pas d’anecdotes sur ce cimetière si différent des autres. Joseph Ramseyer décé- dera et sera enterré en 1880 dans “son” cimetière avec sa famille. Une pierre gravée le rappelle. “Il n’y a une pierre tom- bale par personne. Toutes sont enterrées ensembles et les funé- railles se font dans la plus gran- de simplicité. Ce cimetière à l’époque, les habitants l’appelaient le cimetière des “ânes” pour ana- baptistes” relate Jean-Michel Blanchot. Très rigoristes, les anabaptistes et mennonites se réfèrent à la Bible au pied de la lettre. Excel- lents agriculteurs, ces habitants

sont tolérés par la population mais ne sont pas intégrés. Très souvent, ils parlaient l’allemand comme le rappellent les ins- criptions sur la pierre tombale. Mieux, les familles se guéris- saient elles-mêmes sans deman- der l’aide du médecin local au point que les villageois prêtaient à cette communauté des pou- voirs de guérisseurs. En 1851, 350 anabaptistes étaient dénombrés dans le Doubs dont une grande partie à Mont- béliard, l’autre dans le Haut- Doubs, dans le canton de Saint- Hippolyte et 3 à Mont-de-Vou- gney. Cela représente 66 familles et 40 fermes. “Au-dessus de 750 mètres d’altitude, ils étaient tolé-

Un cimetière perdu et oublié.

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