Journal C'est à Dire 192 - Octobre 2013

É C O N O M I E

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Le robot de traite sur le banc des accusés Agriculture La question d’utiliser le robot de traite dans la filière comté suscite toujours autant de débat. Elle se règle parfois au tribu- nal comme c’est le cas au G.A.E.C. Jeanningros à Ouvans.

“O n est dans l’at- tente des conclu- sions de l’exper- tise pour savoir si le robot est compatible avec l’A.O.P. comté. Les résultats devraient nous être communi- qués dans les mois qui viennent” , indique Éric Jeanningros qui espoir que la procédure enga- gée depuis un an au tribunal de grande instance leur donne rai- son. “On reçoit beaucoup d’ap- pels d’autres producteurs inté- ressés par ce système de traite. C’est rassurant et encourageant.” En 2009, ils décident de se moderniser en construisant un nouveau bâtiment équipé d’un robot de traite. Là où certains trouveraient cela risqué, eux se sentent dans leur bon droit. “On travaille avec son frère Bertrand sur un G.A.E.C. de 350 000 litres de lait à comté. Les deux associés ont bon I l y a de l’avenir dans le nor- dique jurassien. Le bilan de la saison 2012-2013 le prouve avec un chiffre d’af- faires de 2,421 millions d’euros au niveau des redevances. Soit une progression de 14 % par rapport à l’hiver précédent. “Le Jura reste le second massif nor- dique français derrière les Alpes du Nord” , confirme Nicolas Gotorbe de l’Espace Nordique Jurassien. Cette progression coïncide avec une réelle volon- té de dépoussiérer l’image du ski nordique, de le mettre à la page des tendances. Cette démarche s’était tradui- te l’an dernier par le lancement de la marque Montagnes du Jura. Elle se poursuit avec le projet cartographique porté par différents acteurs, à savoir Ski de fond

n’est pas contre le cahier des charges. Au contraire, on le défend. Ici, à l’exception du tour- teau, toute l’alimentation du trou- peau laitier est produite sur l’ex- ploitation” , souligne Bertrand Jeanningros. “Le robot n’est pas interdit dans le cahier des charges. Ce qui est imposé, c’est

salles de traite et personne ne s’en plaint.” Les deux frères sont dans l’impossibilité de traire avec le robot en raison du refus de leur coopérative. Ils conti- nuent à travailler avec l’ancien système de traite en attendant de pouvoir exploiter complète- ment leur nouvelle stabulation. “On reste confiant. C’est le pro- jet de notre vie” , conclut Éric Jeanningros.

l’obligation de traire deux fois par jour à heures régu- lières matin et soir. Ce robot reste avant tout un outil pour enlever de la péni-

Éric et Bertrand Jeanningros ont investi dans un nouveau bâtiment équipé d’un robot de traite qu’ils n’ont pas le droit d’utiliser.

“C’est le projet de notre vie.”

Claude Vermot-Desroches : “Le robot, c’est du n’importe quoi” Le président du C.I.G.C. reste farouchement opposé à l’arrivée du robot de traite dans le comté. Une question de goût, de qualité de lait et de cohérence avec la nature même du comté. Le point de vue du C.I.G.C.

Zoom Gruyère

bilité au travail. On n’a pas l’in- tention de produire plus mais mieux. Et ce n’est pas la façon de traire qui donne le goût du lait mais l’alimentation” , com- plète son frère Éric. Au cours de ces dernières années, la filière comté n’a cessé de se moderniser avec par exemple la généralisation des robots de cave sans que la qualité du froma- ge n’en soit affectée. “On auto- matise partout même dans les

C.V.-D. : On n’est pas contre la modernité mais on veut aussi être honnête avec le consom- mateur. On n’a jamais eu tant de pression avec des gens qui contestent ou remettent en cau- se les fondamentaux. Comme la filière va bien, tout leur est dû. Étonnant de voir à quel point ce qui est envié par beau- coup peut être décrié par les gens de l’intérieur. Càd : Personne ne se plaint pourtant de la mécanisation dans le soin des fromages en cave. C.V.-D. : Non, bien au contrai- re car le robot a permis dans ce cas-là d’améliorer la quali- té contrairement au robot de traite qui lui, supprime la qua- lité. Propos recueillis par F.C. Le souci nʼest pas tant dans la machine proprement dite mais dans le principe de la traite en continu qui impacte la qualité de la matière grasse. “Suite à un gros couac dans une fro- magerie, trois études ont été réalisées et toutes ont mis en évidence ce mauvais goût de “rance” des fromages au lait de robot. Cʼest le pire des défauts. Au bout du compte, cʼest aux nouvelles technolo- gies de sʼadapter au produit et pas le contraire.” A.O.C. suisse : même combat A près avoir toléré lʼinstal- lation de robots sur une dizaine dʼexploitations, lʼinterprofession du gruyère A.O.C. suisse a fait marche arrière en imposant une inter- diction de traite de manière automatique et continue. “On a pris cette décision car le robot posait des problèmes dʼap- plication avec le cahier des charges qui spécifie de livrer le lait deux fois par jour immé- diatement après les traites” , indique Philippe Bardet, le directeur lʼinterprofession du gruyère A.O.C. suisse.

Le nordique interactif Les sites nordiques jurassiens disposent désormais d’une couverture cartographique et numérique complète et harmonisée. Un packaging unique en France.

1/300 000 ème complète l’ensemble disponible sous coffret au prix de 19,50 euros” , poursuit Nico- las Gotorbe. L’innovation, c’est bien sûr, la carte interactive avec applica- tion smartphone pour Androïd et Apple. L’exploitation de la base de données associée à l’ou- til ouvre de nombreuses pos- sibilités. “On peut orienter sa recherche en fonction des pres- sur la G.T.J. par exemple.” Le dernier volet correspond au nouveau site internet de l’Es- pace nordique jurassien qui devient en quelque sorte le bot- tin du nordique en version numérique. Le montant glo- bal du projet s’élève à 213 137 euros dont 155 598 euros sous forme d’aides des collectivités Europe, État, Région, Départements. Le res- te est financé par les partenaires et les sites nordiques. tataires, des services, de la typologie des pistes ou du bulletin d’enneige- ment. C’est l’outil idéal pour préparer une sortie

l’E.N.J., l’association Grandes Traversées du Jura, le collectif Montagne du Jura et le Parc naturel régional du Haut-Jura.

“On a fait trois constats de base. La cartographie actuelle a besoin d’être réactualisée car la der- nière version remonte à

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1995. On déplore un manque de lisibilité entre les sites. Certains n’ont même pas un plan de pistes. Il est également urgent de moderniser les outils en pas- sant notamment aux supports numériques.” La réponse mise en place se décline en plusieurs volets. D’abord une nouvelle collection de 11 plans au 1/50 000 ème qui couvrent le massif. “On a les pistes de fond au recto et de raquettes au verso. Une carte au

Pour Claude Vermot-Desroches, les choses sont claires : “Le lait de robot n’est pas compatible avec les pâtes pressées cuites.”

C’ est à dire : On reproche souvent au C.I.G.C. son attitu- de conservatrice, qu’en pen- sez-vous ? Claude Vermot-Desroches : La filière comté n’a jamais été aussi moderne. Globalement, c’est dans les exploitations agri- coles en lait à comté qu’il y a le plus de modernisation. Càd : Pourquoi les robots n’ont pas leur pla- ce dans la filière comté ? lait car les fromages ont un goût de rance. Pour qu’un robot fonc- tionne bien, il faut beaucoup de surface à proximité. Avec 80 vaches, cela signifie 60 hectares accessibles à moins de 500 m de la stabulation. Beaucoup d’exploitations ne répondent à ce critère. On est alors obligé d’attirer les vaches avec du C.V.-D. : Les robots ne sont pas compa- tibles en matière de

concentré mais quand on vend un morceau de comté, on vend des vaches qui vont pâturer. Je suis également scandalisé par la pression de certains fabri- cants de robots qui veulent pro- fiter de l’opulence du comté. Càd : Que dit le cahier des charges vis-à-vis du robot ? C.V.-D. : Il précise que la trai- te doit se faire deux fois par jour, le matin et le soir à des

heures régulières. Ce qui est interdit, c’est la traite en libre-ser- vice. Quand un agri- culteur prétend qu’il respectera le cahier

“Les fromages ont un goût de rance.”

des charges avec le robot, c’est du n’importe quoi. À part une ou deux exceptions, on sait éga- lement très bien que le cahier des charges ne sera pas res- pecté. Càd : Certains estiment que le C.I.G.C. cherche à dia- boliser le robot.

Nicolas Gotorbe présente le nouveau site de l’Espace Nordique Jurassien où chacun peut trouver toutes les informations nécessaires.

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