Jounal C'est à Dire 145 - Juin 2009

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S P É C I A L T O U R D E F R A N C E

Entretien avec Christian Prudhomme, directeur du Tour de France “50 derniers kilomètres splendides” Le directeur du Tour de France se confie avant l’arrivée de la 14 ème étape à Besançon, le samedi 18 juillet. Parcours, dopage, retour d’Armstrong et possibilité d’accueillir un prologue dans la capitale bisontine sont passés au crible.

Cinq fois vainqueur du Tour Bernard Hinault : “Pas de souvenir de Besançon” Cinq fois vainqueur du Tour de France, l’ancien cycliste Bernard Hinault n’est pas tendre avec la jeune génération. E n juin, BernardHinault est venu à Besan- çon lancer le cycloparc, manifestation cycliste à destination des jeunes scolaires. Cinq fois vainqueur du Tour de France (1978, 1979, 1981, 1982 et 1985), il n’a jamais rem- porté d’étapes en Franche-Comté, “ou tout du moins, je ne m’en souviens pas” dit-il en souriant. L’ancien cycliste qui dit encore par- courir 100 kilomètres trois fois par semaine à une moyenne de 30 kilomètres par heure n’est pas tendre avec la jeune génération. “Aucun Français n’est capable de gagner le vainqueurs. Il faut que les cyclistes français arrêtent de se prendre pour des champions !” , dixit l’ancien “Blaireau”, surnom donné lors- qu’il dominait son sport (de 1978 à 1986). L’homme n’est pas tendre avec la jeune géné- ration tant et si bien que ses rapports avec cette dernière se sont nettement dégradés. Son pronostic : une victoire de l’Espagnol Alberto Contador (Astana) et à l’instar de nombreux spécialistes, il attend une arri- vée au sprint à Besançon. Comme le direc- teur du Tour de France, il aimerait que les oreillettes disparaissent : “Avec ces oreillettes, les coureurs sont devenus des machines à péda- ler ! Ils n’ont pas la science de la course.” E.Ch. “Des machines à pédaler.” Tour de France ! Il vaudrait mieux qu’ils essayent de gagner des étapes que vou- loir absolument terminer dans le top 10. On ne retient pas le nom du 4 e du Tour de Fran- ce 2008 mais seulement les

C’ est à dire : Revenir à Besançon après la fabu- leuse fête que fut le contre-la-montre remporté par Lance Armstrong en 2004, était- ce voulu ? Christian Prudhomme : C’était un choix. Il y avait une volonté de ma part d’aller dans les Vosges car j’aime les massifs intermédiaires. En sortant des Vosges pour aller dans les Alpes, il y avait un chemin natu- rel… C’était Besançon. Càd : Parce que vous y êtes bien accueilli ? C.P. : Besançon est une ville qui aime le sport et le vélo, on s’y sent bien. On sera là avec le Tour mais aussi avec le Tour de l’Avenir (mois de sep- tembre). Il y a une tradition qui per- Càd : En terme d’organisation, jugez-vous la ville prête et au vu des conditions économiques, était- il plus difficile de trouver des partenaires ? C.P. : Avec Micropolis, il y a déjà un espace préétabli pour la salle de pres- se, ce lieu s’imposait. Je ne suis pas inquiet pour l’organisation et il n’a pas été plus difficile de trouver des partenaires. Càd : Doit-on s’attendre à une arrivée au sprint à Besançon dure, avec Morgan Kneisky notamment, votre champion du Monde sur piste. Le vélo a reconquis sa place dans la ville et c’est le cas ici.

après 199 km de course ? C.P. : Il faudra que le groupe d’échappés profite des routes étroites de la mi-étape pour prendre beau- coup, beaucoup, d’avance sur le pelo- ton. Les 50 derniers kilomètres sont splendides en termes d’images avec la vallée du Doubs mais j’ai bien peur que les échappés voient arriver un tsunami derrière eux. Car rappelons que la veille dans les Vosges, les sprin- ters n’auront pas été à la noce et le lendemain au départ de Pontar- lier, ils ne le seront pas… Càd : Il y a peu d’étapes pour les sprinters. C.P. : Il y en a autant que d’habitude mais elles sont espacées. Je préfè- re un sprinter qui gagne deux ou trois étapes et qu’il arrive aux Champs-Elysées qu’un sprin- ter comme Cippolini qui gagne quatre étapes de sui- te qui ne passe pas les Alpes. Quand on fait le Tour, c’est pour aller jusqu’au bout ! J’ai envie que les baroudeurs soient récompensés. Càd : Y a-t-il encore des barou- deurs français, ou un Français capable de gagner le Tour ? C.P. : Aucun Français n’est capable de gagner. S’il y avait un Bernard Hinault dans le peloton, cela se sau- rait. Des baroudeurs, il y en a : Sté- phane Augé, Thomas Voeckler… Càd : Et Christophe Moreau, notre Franc-Comtois ?

C.P. : On n’a pas un coureur comme Christophe qui dans son meilleur niveau était tout proche du podium. Une étape, c’est possible. Càd : Le retour d’Armstrong, c’est une bonne chose pour le vélo… C.P. : Ce n’est ni une bonne, ni une mauvaise chose. Càd : Peut-il gagner ? C.P. : J’ai été stupéfait de son retour. Il est monté en puissance sur le Giro (Tour d’Italie) et notamment dans la dernière semaine de course. Il sera là. Peut-être pas en dominateur mais avec des ambitions. Je suis curieux de voir ce qui va se passer dans son équipe. Càd : Quels sont vos rapports avec lui ? C.P. : Je l’ai relativement peu vu, seulement durant deux ans. La réa- lité d’un directeur du Tour : c’est que l’on voit plus les élus que les cou- reurs. Càd : Le Belge Tom Boonen, contrôlé positif à la cocaïne, sera- t-il au départ ? C.P. : Je suis d’accord avec le pré- sident de l’U.C.I. (Pat Mac Quaid) pour dire qu’il a sali l’image du cyclis- me. L’U.C.I. doit trancher. Càd : Quelle est votre position concernant l’utilisation des oreillettes en course ? C.P. : Daniel Bilalian (directeur des sports à France Télévision) a deman-

dé à l’U.C.I. de supprimer les oreillettes. On pourrait avoir une voire deux étapes sans oreillettes sur ce Tour. Càd : Sur quelles étapes ? C.P. : Je ne peux pas le dire mais sûrement sur des étapes de moyen- ne montagne. En haute montagne, il n’y aurait pas d’intérêt. Christian Prudhomme estime que Lance Armstrong sera prêt pour ce Tour 2009. Les oreillettes pourraient être interdites sur deux étapes.

“Le vélo du facteur…”

Propos recueillis par E.Ch.

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