La Presse Bisontine 79 - Juillet-Août 2007

LE GRAND BESANÇON

La Presse Bisontine n°79 - Juillet-août 2007

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SCIENCE

Il sonde la glace

Y aura-t-il de la neige à Noël ? À 31 ans, le Doubiste Frédéric Parrenin est climatologue-glaciologue à Gre- noble. Il a effectué une mission de plus de deux mois en Antarctique pour retirer de la calotte glaciaire les archives sur le climat des époques passées afin de faire le point sur le réchauffement de la planète. Rencontre avec un garçon que la santé de la terre ne laisse pas de glace.

Frédéric Parrenin repartira en Antarctique dans quelques mois pour une nouvelle mission scientifique.

“A lors, comment va la ter- re ?” À la question, Fré- déric Parrenin réplique par un sourire. Pour le climato- logue-glaciologue qu’il est, l’in- terrogation est trop vaste pour y répondre par des formules aussi simplistes que : elle va bien, mal ou ça pourrait être pire. De toute évidence, pour un scien- tifiquequi passe son temps àécou- ter la planète, évoquer l’état de santé de l’astre impose un dis- cours plus étayé qui tiendra dif- ficilement en une heure. Toute- fois, en pédagogue - et parce qu’il est nécessaire de communiquer aujourd’hui sur le sujet - il tente de résumer la situation. “La ter- re, on lui marche dessus, dans tous les sens du terme. Notre civi- lisation empiète sur le fonction- nement naturel d’un ensemble. Le climat se réchauffe. Il n’y a plus de doute sur ce point.” La ques-

tion est de savoir si les homo sapiens que nous sommes sont les seuls éléments perturbateurs d’un système dont ils font partie intégrante. Les suspicions sont fortes, mais le ton n’est pas alar- miste pour autant. Frédéric Parrenina 31 ans.Après des études poussées en mathé- matiques, il a décidé de mettre ses connaissances au service des sciences de la vie et de la terre, un secteur de recherche qui lui paraissait moins “marginal” par rapport aux enjeux de société, et donc plus intéressant pour réali- ser sa thèse. Il s’est réorienté en 1999, “alors que l’on commençait à parler des problèmes clima- tiques” dit-il. Son champ d’inves- tigation : les carottes de glace qui nous racontent l’histoire des cli- mats passés. Ce sujet lui a ouvert les portes du laboratoire de gla- ciologie de Grenoble (une anten-

ne duC.N.R.S.) pour lequel il tra- vaille désormais. C’est donc en allant inspecter les zones les plus froides de la pla- nète que le chercheur peut avan- cer des hypothèses sur les futurs changements climatiques. C’était d’ailleurs tout l’objet de la mis- sion franco-italienne à laquelle il a participé en 2005. Un groupe descientifiquesestpartienAntarc- tique prélever des échantillons de glace. Une aventure de deux mois et demi, sur la base de Talos Dome plantée à 2 500 m d’alti- tude sur ce continent blanc et froid battu par le vent, comparable “à une grande plaque de verglas.” C’était ennovembre, l’été au pôle sud. La période la plus chaude de l’année durant laquelle le soleil ne se couche jamais : “Il fait le tour de l’horizon.” La tempéra- ture flirte avec les 0 °C sur la côte et les - 40 °C dans “les terres.” À

ces latitudes, il n’y a pas de végé- tation, et pas d’odeur, si ce n’est celle de la fiente des manchots comme sur l’île françaiseDumont d’Urville qui abrite une colonie de 30 000 individus. C’est dans cet univers, pur en apparence, qu’avec ses collabo- rateurs Frédéric Parrenina effec- tué des forages. Ils ont carotté la calotte glacière sur 600mde pro- fondeur. Les résultats ne sont pas très encourageants. C’est sûr, le cli- mat se réchauffe. Le phénomène va s’accentuermais dans des pro- portions différentes d’après les spécialistes. Tout dépend de l’évo- lutionde l’activitéhumaine. “Notre destin est entre nos mains” rap-

pelle le climatologue. La com- munauté scientifique a élaboré plusieurs scénarios. Le scénario optimiste parle d’une hausse d’un peu plus de 2 °C d’ici à l’horizon 2100. Le pire prévoit un réchauf- fement de la planète de l’ordre de 6,4 °C sur la période. “Cela signi- fie par exemple qu’en 2050, il n’y auraplus de banquise en été.” Par inertie, même si on décidait de stopper toute activité, l’émission de gaz à effet de serre est telle que dans tous les cas, le globe continuerait de se réchauffer. “L’Hommemodifie la terre, il faut s’en faire une raison. Il s’adapte- raà la situation, c’est certain.Mais économiquement, nous n’avons pas intérêt à ce que le climat se

réchauffe. Le niveau des mers va monter, les pluies diluviennes seront plus fréquentes, et les cani- cules aussi. Ensuite, d’un point de vue environnemental, la haus- se des températures va s’accom- pagner de la disparitiond’un cer- tain nombre d’espèces. En supprimant de la biodiversité, on va supprimer de la vie. Au regard de la tempêtemédiatique qui défer- le sur le sujet, je pense qu’on va régir. C’est bon signe.” Alors comment va la terre ? Elle tousse, et le diagnostic confirme que son état de santé restera au mieux stationnaire et au pire… Il faut s’attendre à vivre dans le Doubs comme sur laCôte d’Azur. C’est dire. T.C.

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