Journal C'est à Dire 258 - Octobre 2019

É C O N O M I E

FUSION BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ : QUEL BILAN ? La Chambre régionale des comptes a rendu public son rapport d’observations relatif aux impacts de la réforme territoriale ayant entraîné la fusion des deux régions voisines, Franche-Comté et Bourgogne début 2016. Débat Trois ans après, la fusion des Régions crée toujours de la division

D’un côté une majorité défendant son action et mettant en avant les points positifs relevés par la Chambre régionale des comptes et de l’autre une opposition préférant mettre en lumière les coûts engendrés par la fusion. Classique opposition lors du débat public au Conseil régional le 11 octobre dernier à Dijon.

P our Marie-Guite Dufay, la présidente de Région, “les économies ne peu- vent pas s’évaluer au bout de deux ans à peine. Avant de voir ce que la fusion aurait coûté, il est intéressant de regar- der ce que le rapprochement de la Bourgogne et de la Franche- Comté a permis” avance-t-elle.

La présidente énumère dès lors des actions qui auraient été “impossibles à mettre en œuvre sans la fusion” : la nouvelle filière hydrogène, la réalisation d’une dorsale numérique très haut débit, la carte avantages jeunes étendue à toute la nouvelle région, l’aide au permis de conduire, l’aide au contrat de

professionnalisation, le dispositif Effilogis, les plus de 230maisons de santé implantées sur le ter- ritoire, l’aide aux acteurs cultu- rels qui peuvent désormais se produire sur toute la grande région, l’investissement dans les lycées passé de 70millions d’eu- ros en cumulé des deux anciennes Régions à 100millions

Le bilan des trois premières années de fusion a été défendu par la présidente Marie-Guite Dufay en séance publique.

Qu’a dit la Chambre régionale des comptes ? Analyse La juridiction financière régionale met en lumière les masses financières en jeu depuis la fusion des deux Régions. Avec quelques mises en garde.

avec la nouvelle Région, la capa- cité de mobiliser de l’emprunt à taux très bas à la B.E.I., la contractualisationmise en place sur tous les territoires, etc., etc. “Nous sommes le premier inves- tisseur public local, bien au-delà des deux précédents budgets sépa- rés. Tout cela est dû à nos bons ratios financiers que la Chambre régionale des comptes nemanque pas de rappeler.” La lecture du rapport de la Chambre n’est pas du tout la même du côté de l’opposition régionale, notamment de son chef de file François Sauvadet (U.D.I.). “Le bilan de la fusion est très éloigné de ce que vos amis socialistes nous ont vendus” a- t-il interpellé à l’occasion de la séance publique duConseil régio- nal le 11 octobre dernier, avan- çant un coût de la fusion à “ 23millions d’euros.” Il poursuit sa charge : “Avec le fonctionne- ment en bi-site entre Besançon et Dijon, on a abouti à un fonc- tionnement dégradé, à de la vacance de postes.Et nous n’avons toujours pas à ce jour de coût précis concernant le transfert de la compétence transports sco- laires.” “Vous l’aurez à la pro- chaine commission” promet Marie-Guite Dufay. L’opposition fustige également, même si tous les élus y ont eu droit, la hausse des indemnités des élus décidée au moment de la fusion début 2016. “Nous avions voté contre” rappelle M. Sauvadet.Au chapitre de l’impact financier des politiques publiques menées par laRégion,l’opposition fustige “un manque de transpa- rence de la majorité qui ne com-

munique pas les éléments en com- mission. C’est même de l’obstruc- tion démocratique” caricature le chef de file de la droite. La caricature a été maniée de main demaître par JulienOdoul, le chef de file du Rassemblement national, avant même sa charge ultra-médiatisée contre la mère de famille voilée. Dès le matin, il avait dénoncé “ces techniciennes de surface qui font le ménage au Conseil régional voilées” avant d’enchaîner, sans transition, sur le fait que “cette fusion n’a été qu’une gigantesque trahison” , mais sans plus d’arguments. Jérôme Durain, le président du groupe socialiste a dénoncé quant à lui le “disque rayé” des argu- ments de François Sauvadet, reprenant point par point les arguments avancés par laCham- bre régionale des comptes qui a souligné que “les deux Régions sont allées le plus loin possible dans l’anticipation de la fusion” et que “malgré les dépenses induites, la Région a fait baisser ses charges de fonctionnement” et “développé des outils permet- tant la rationalisation des dépenses.” La Chambre des comptes évoque également “une trajectoire claire” citeM. Durain, dénonçant la posture des deux leaders de droite François Sau- vadet et Alain Joyandet : “Vous faites un peu anciens combat- tants. Le débat pour savoir si la fusion est bien ou pas est loin derrière nous. Le refrain selon lequel les méchants Bourgui- gnons auraient dépouillé les gen- tils Francs-Comtois est conster- nant !” juge Jérôme Durain. n J.-F.H.

l La rationalisation des moyens généraux. LaChambre régionale des comptes souligne que des économies ont été réalisées, de l’ordre de 420 000 euros, soit - 10%, concer- nant le budget “moyens généraux” de la collectivité. Il s’agit par exemple de la ges- tion de l flotte automobile, de l’évolution desmoyens de reprographie,des fournitures de bureau, la gestion des prestations de restauration… Un bon point pour la col- lectivité régionale. La juridiction estime cependant que ces économies “ne sont pas à la mesure de l’enjeu de maintien d’un bon niveau d’épargne.” Elle réclame notam- ment “une plus grande sélectivité des aides à projets, voire leur suppression dans des domainesmoins stratégiques.” La Chambre relève enfin certaines dépenses à venir comme ces 2,2 millions d’euros rien que pour le flocage des T.E.R. à l’enseigne de la nouvelle Région. l Les effectifs. L’effectif de la Région, lié notamment à la prise de nouvelles compétences,a augmenté de 213 équivalents temps plein entre 2015 et 2018. Mais “la région n’a pas été en mesure de justifier les 93 E.T.P. supplé- mentaires recensés sur les dix premiers mois de l’année 2018.” l Un fonctionnement des services en mode dégradé . Un fonctionnement des services en mode dégradé a perduré pen- dant les deux premières années suivant la fusion note la Chambre. Ce qui a contri- bué au retard accumulé par la collectivité dans l’instruction de dossiers d’aides et dans la conduite de certains projets, et au mauvais taux d’exécution de certaines catégories de dépenses comme les fonds européens par exemple. n

l L’impact financier de la fusion La fusion a des conséquences financières significatives au cours des premières années de sa mise en œuvre (coûts de transition), que la chambre a évalué, en l’absence d’un suivi formalisé par la collectivité, à 23mil- lions d’euros environ (dont 17 millions d’euros correspondant à l’acquisition d’un bâtiment permettant de regrouper les ser- vices bisontins de la Région en un seul site, près de la gare Viotte, à compter de 2020).Demanière pérenne, la fusion pèsera sur les budgets régionaux, notamment du fait de l’harmonisation du régime indem- nitaire des agents, de la revalorisation des indemnités des élus et des coûts liés au fonctionnement bi-site (impact budgétaire annuel de l’ordre de 3,5 millions d’euros). l La chambre a pu aussi relever les efforts d’économies réalisés par la Région , notamment dans le domaine des achats, à la faveur de la massification de ses commandes et d’une approche plus économique dans la sélection des fournis- seurs, mais aussi la gestion des moyens généraux de l’administration.Les économies dégagées, cependant, évaluées à environ 1,5million d’euros, comme celles projetées par la Région (3,5 millions d’euros sur divers marchés de biens et de fournitures à venir),portent à ce stade sur desmontants non significatifs par rapport à un total de charges de gestion du budget régional de plus de 882 millions d’euros (dépenses réelles de fonctionnement 2017).

l L’impact du transfert de la compé- tence transport. Même si le transfert a fait l’objet d’une compensation financière intégrale l’année de samise enœuvre, les options déjà prises par la collectivité en matière tarifaire (extension de la gratuité dans les transports scolaires, tarification attractive dans l'in- terurbain) vont représenter dès 2019 une charge nouvelle pour le budget régional. l Les perspectives financières régio- nales. De la prospective financière réalisée par la chambre il ressort que, même si la Région parvenait effectivement à contrain- dre l’évolution de ses dépenses de fonc- tionnement autour d’1,2 %, c’est-à-dire autour de l’objectif d’évolution imposé par le contrat financier qu’elle a signé avec l’État en 2018, elle verrait son épargne se dégrader pour atteindre un niveau d’environ 16 % fin 2021. Dans ces condi- tions, son endettement augmenterait for- tement pour dépasser 1,2 milliard d’euros en 2021 et sa capacité de désendettement serait de plus de 6 années. Dès lors, “le maintien de ratios financiers meilleurs supposerait pour la collectivité de procéder à des arbitrages sur le niveau d’intervention de certaines de ses politiques, les démarches d’économie sur les coûts de gestion de l’administration n’étant pas, pour nécessaires qu’elles soient, suffisantes pour cela” prévient la Chambre des comptes.

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