Journal C'est à Dire 258 - Octobre 2019

É C O N O M I E

La forêt comtoise terrassée par les scolytes Nature De la basse vallée du Doubs et de l’Ognon à la haute chaîne jurassienne, aucun secteur n’a été épargné par les attaques des scolytes. Les dégâts sont considérables au point de remettre en cause le modèle économique des communes forestières. Lesquelles réclament des aides d’urgence qui tardent à venir.

D u jamais vu. “La situation actuelle combine trois scéna- rios simultanés qui affectent les peuplements d’épicéas, de sapins et, phénomène nouveau, de hêtres”, explique Sabine Lefèvre, cor- respondante du Pôle santé Forêt à la chambre d’agriculture 25-90. Pour cette conseillère forestière, tout est parti de la sécheresse 2018 à l’origine d’un stress typographes ont vu le jour contre deux habituellement. Les arbres affaiblis n’avaient plus les ressources pour résis- ter à une seconde sécheresse comme celle de l’été 2019. Les dégâts sont considérables sur tout le Grand Est de la France. Selon l’état des lieux dressé par l’O.N.F., ils représentent 710 000m 3 de hêtre dépérissant, soit l’équivalent d’une année de récolte sur l’ensemble de la Bourgogne-Franche-Comté. “Au niveau des résineux blancs, la récolte hydrique d’une rare inten- sité. “C’est l’année la plus chaude jamais mesurée depuis 1885.” Trois générations de scolytes

de produits accidentels en région s’élève à 360 000 m 3 en forêt publique contre une moyenne annuelle hors crise de 40 000 m 3 ” , complétait Marc Nouveau, le directeur de l’O.N.F. du Doubs lors de la réunion de crise organisée les communes forestières du Doubs àVal- dahon le 12 septembre dernier. Assez curieusement, la carte corres- pondant aux dégâts montre que la constate aussi des dégâts. Que faire de tous les produits ? “L’écoulement par la filière locale au travers d’accords- cadres et des contrats d’approvision- nement s’avère insuffisant car les scieurs locaux ne peuvent pas acheter que ces produits-là. On a donc cherché des débouchés hors région” , poursuit le directeur départemental de l’O.N.F. Du bois jurassien a donc été expédié dans les Landes et en Bretagne qui sont en pénurie de matière première. haute chaîne semble relati- vement épargnée. L’impact du réchauffement climatique est sans doute atténué par l’altitude, même si on

“Si le ministère de l’agriculture ne réagit pas, nous solliciterons peut-être celui de la Transition écologique au titre de l’impact sur le CO2 lié à cette crise forestière”, suggère Christian Coutal, le président des communes forestières du Doubs.

“Aidez-nous !”, lance Claude Courvoisier.

Quid des bois verts ? Pas d’autre choix préconise l’O.N.F. que de continuer à appliquer la stratégie collective d’ajus- tement de l’offre aumarché qui a permis de limiter l’impact de la crise sur les cours. Il est donc suggéré de récolter seulement les coupes prioritaires sur le plan sylvicole et d’ajourner les coupes recommandées.Une telle stratégie n’est pas sans incidence au niveau des com- munes forestières. “Il faut un vrai plan Marshall de la forêt française. Cet état des lieux effectué dans le Doubs a aussi pour objectif de susciter une vraie prise de conscience au niveau du ministère

abonde : “On est en situation d’incer- titude totale. la stratégie proposée par l’O.N.F. n’a de sens que si l’on peut conti- nuer au même niveau d’où le soutien demandé à l’État quand on sait que les ressources forestières peuvent représenter 30 à 40 % du budget.” Des aides au transport versées aux propriétaires de bois sont sur le point d’aboutir. On parle de 15 euros par m 3 . En revanche, l’État semble beaucoup plus réticent à accorder des prêts- relais. n F.C.

de l’Agriculture et de la forêt. Si aucune mesure n’est prise, on pourrait alors solliciter le ministère de la Transition écologique et solidaire car la forêt est aussi un puits de carbone pour lutter contre les effets de serre” , suggère Chris- tian Coutal, le président des communes forestières du Doubs. Toutes estiment nécessaires un soutien de l’État sous forme d’aide à la trésorerie ou de prêts-relais. “Aidez-nous !, lance Claude Courvoisier, en expliquant : “Je ne mets seulement la moitié des bois vert en vente comment je vais financer l’autre moitié ?” Christian Coutal

Forêt privée ou publique, même combat Profession Les propriétaires de forêt privée sont confrontés aux mêmes dilemmes qu’en forêt publique : évacuer, vendre, reconstituer. Pour ce faire, bon nombre d’entre eux sollicitent l’expertise du Centre Régional de la Propriété Forestière.

Zoom La forêt privée brûle à l’heure de sauver l’Amazonie “L e financement du C.N.P.F. est en chute continue. Ses effectifs ont été réduits de 10 % depuis 2012. Aujourd’hui, le projet de budget de l’État pour 2020 prévoirait à nouveau de réduire significativement ses ressources. Il amputerait notamment de 15 % la part de la taxe sur le foncier non bâti, payée par les propriétaires, ainsi que la subvention de charge de service public qui constituent ses ressources de base et plus des deux tiers de son budget. Moins d’argent, moins de personnel, moins de conseils et des risques de laisser la forêt privée française à l’abandon.” Extrait du communiqué de presse diffusé en septembre par l’Union Nationale des Syndicats Autonomes. n

L a forêt privée couvre 46 % de la surface boi- sée en Franche-Comté. “Depuis 2018, le volume de bois scolytés en forêt privée sur la Bourgogne-Franche-Comté est estimé à 332 000m 3 .Ce chiffre concerne seulement les propriétés de plus de 25 hectares qui sont

dant non commercial accom- pagne la gestion des forêts appar- tenant à des particuliers. Il valide les plans de gestion, diffuse des solutions techniques, aide les propriétaires qui veulent se ras- sembler pour mutualiser des récoltes, créer des voiries fores- tières… “La situation est très

compliquée. Comme le stipule l’arrêté préfectoral de lutte contre les scolytes, on recommande aux propriétaires d’évacuer les bois. On les oriente au besoin vers des entreprises de travaux forestiers en sachant que c’est difficile de mobiliser les petits propriétaires pour seulement quelques bois

soumises à des plans simples de gestion. Les dégâts sont donc for- cément supérieurs si l’on prend en compte l’ensemble des par- celles privées” , explique Olivier Moyse, technicien forestier à l’antenne du C.R.P.F. à Pontar- lier. Cet organisme public indépen-

touchés.” L’accompagnement du C.R.P.F. s’étend aussi lors de la recons- titution qui prendra forcément en compte le changement cli-

lyte.” Comme d’autres forestiers, Oli- vier Moyse n’est pas très opti- miste pour l’année 2020 qui reflé- tera aussi la sécheresse de cet

matique. Des conseils qui portent sur les essences, les méthodes de sylvicul- ture, l’utilisation des outils de diagnostic du sol. “Il y a toujours une

été. Il craint que la démo- tivation s’amplifie chez les petits propriétaires découragés devant l’ef- fondrement des prix. Entre un bois vert à

Faut-il couper des bois verts ?

“La forêt encaisse les coups à l’image d’un boxeur et finit par s’affai- blir”, explique Olivier Moyse qui craint que l’impact soit encore plus marqué en 2020.

50 euros le m 3 et un bois sec qui vaut tout au plus 5 euros le m 3 , on peut les comprendre. Faut-il couper des bois verts avant qu’ils ne subissent les attaques d’in- sectes comme certains le sug- gèrent ? “C’est un pari à double tranchant que doit faire le pro- priétaire. On préconise malgré tout un report de coupe en sachant qu’il est très compliqué de conseiller.” n

part d’incertitude quand il s’agit de se projeter sur plusieurs décen- nies. Il est primordial de ne pas se précipiter, de commencer par étudier le sol. La régénération peut aussi se faire de façon natu- relle. On privilégie le mélange des essences, ce qui ne signifie pas que c’est la fin des résineux dans le massif du Jura. Les peu- plements sur la haute chaîne sont moins touchés par le sco-

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