La Presse Bisontine 139 - Janvier 2013

La Presse Bisontine n° 139 - Janvier 2013

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INTERVIEW

Piero San Giorgio

“On risque de traverser une période difficile et violente”

Auteur de deux livres sur le survivalisme, ce citoyen suisse redoute que la crise économique aboutisse à des conflits sociaux importants. Comme d’autres, il s’y prépare.

ce il y a malheureusement plusieurs raisons qui peuvent conduire àune situa- tion similaire. L.P.B. : Le principe de solidarité prévaut dans nos sociétés. Ne croyez-vous pas qu’il est pos- sible d’éviter “l’explosion sociale” ? P.S.G. : Lorsqu’il y a eu le tsunami au Japon, il y a eu 10 000 morts. Les gens ont survécu en travaillant ensemble. Ils ont attendu avec résilience les secours car c’est dans la culture japonaise d’être discipliné.À l’inverse en 2005, lorsqu’il y a eu l’ouraganKatrina auxÉtats-Unis, on a vu presque immédiatement des pillards s’attaquer aux magasins. Est- ce qu’en France nous sommes plus près de la culture japonaise, ou plutôt dans des réactions violentes ? Nous n’avons pas la réponse. L.P.B. :Le survivalisme est une règle individua- liste, alors que la solution aux problèmes quels qu’ils soient est sans doute collective. Quel est votre point de vue ? P.S.G. : Vous parlez de solidarité, mais nous vivons dans unmonde qui est deve- nu très individualiste, où l’on consom- me à outrance. Je crois en effet que pour résoudre les problèmes, il faudra se mettre tous ensemble.Mais avant cela,

L a Presse Bisontine : Pour certains, le survivalisme consiste à se préparer à une guérilla urbaine. Pour d’autres,l’ob- jectif est de revenir à une vie proche de la nature. Quelle est votre définition du survi- valisme ? Piero San Giorgio : La difficulté est que cha- cun a sa propre définition du surviva- lisme qui est apparu dans les années cinquante aux États-Unis pendant la guerre froide. L’objectif à l’époque était de se protéger contre des attaques nucléaires. Cela a évolué pour couvrir une palette plus large de personnes.Elle va des apocalyptiques religieux qui croient en la fin du monde, à ceux qui se préparent à faire face à une catas- trophe locale telle qu’un ouragan, un tremblement de terre, ou une période de grande neige qui les couperait du monde pendant une durée plus oumoins longue. Pour ma part, je me prépare à l’effondrement économique. Le survi-

valiste est un adulte responsable et pré- voyant. L.P.B : Votre premier livre s’intitule “Survivre à l’effondrement économique”. Que redoutez- vous au juste et quelles seraient les consé- quences ? P.S.G. : Je rejoins les analyses de beau- coup d’économistes et d’écologistes. Le détonateur des difficultés à venir est la crise économique liée aumontant de la dette des États. Il est tel que le danger est que nous n’ayons pas les moyens de financer ni la paix sociale, ni les solu- tions aux problèmes climatiques.Àmon sens, nous arrivons à une situation où les dix prochaines années risquent d’être difficiles. Ce ne sera pas soudain, les choses se feront lentement comme on le constate aujourd’hui en Grèce. Il n’y a pas encore eu d’explosion sociale dans ce pays, mais la probabilité d’y arriver est forte. Pour moi, je pense qu’en Fran-

De nationalité suisse, Piero San Giorgio est l’auteur de “Survivre à l’effondrement économique” et de “Rues barbares.” Il est photographié devant sa ferme “survivaliste”.

il faut commencer par se préparer soi- même, pour ensuite étendre le cercle à sa famille et à ses amis. Ce n’est qu’à partir dumoment oùnous sommes prêts que l’on peut aider les autres. Le but n’est évidemment pas de s’enterrer dans un bunker ou de se retrancher dans la forêt avec des armes. Le but est juste d’avoir un peu d’autonomie pour ensui- te aider d’autres personnes dans son village, dans son quartier. Je prône le lien social qui ne peut se faire qu’à par- tir d’une démarche personnelle.Le prin- cipe du survivalisme est de rompre avec une mentalité d’assistanat, qui consis- te à penser qu’en cas de problème la société continuera de s’occuper de moi. L.P.B. : Mais le survivalisme n’est pas à la por- tée de tout le monde. Cela coûte de l’argent ? P.S.G. : C’est un fait :plus on a d’argent et mieuxonpeut sepréparer.J’ai eu la chan- ce, c’est vrai, de pouvoir m’acheter une ferme. J’ai mon potager, des boîtes de conserve, des panneaux solaires. Je dis- pose d’un an d’avance de nourriture. Je suis pratiquement autonome. Cela m’a coûté de l’argent. Ce que j’ai mis en pla- ce est un système idéal.Mais finalement, ce que j’explique aussi dansmondernier livre “Rues barbares”, est qu’il est pos- sible de trouver des solutions quand on vit en H.L.M. en organisant un potager urbain, en récupérant l’eau, etc. L.P.B. : Beaucoup de survivalistes disent qu’ils n’inventent rien. Ils reviennent aux sources, à la terre,à la vie de nos grands-parents dans les campagnes qui étaient autonomes pour beau-

coup de choses. Qu’en pensez-vous ? P.S.G. : C’est exactement le sens de mon message. On imagine que ce sera le chaos, un scénario à la Mad Max, mais tout cela est très exagéré. Moi je parle d’un retour au sol local, d’une façon de consommer moins. Je commence à fai- re des conserves de légumes, des salai- sons, à jardiner. Je sais cependant que je ne serai jamais à 100 % autonome. Par exemple, je ne produis pas de lait. En revanche,mes voisins ont des vaches. Ils peuvent me donner du lait en échan- ge d’autre chose. Il y a une solidarité qui existe à la campagne. D’ailleurs en cas de problème, la vie sera beaucoup plus dure à Paris où il y a une forte concentration humaine, qu’à Besançon qui est une ville à la campagne. Nous risquons de traverser une période dif- ficile et violente, mais à terme les gens retrouveront une solidarité naturelle. Nous finirons par aller vers un monde meilleur. L.P.B. : Est-ce qu’on vous traite parfois d’ex- cessif et de pessimiste ? Êtes-vous taxé de jouer sur les peurs lorsque vous intitulés votre der- nier livre “Rues barbares” ? P.S.G. : Que des gens le pensent, c’est certain. J’ai eu des débats houleux par- fois avec mon entourage sur ces sujets. Je constate qu’aujourd’hui, la crainte du lendemain pousse de plus en plus de gens à se constituer des réserves ali- mentaires. D’autres quittent la ville pour s’installer en campagne où le contex- te est meilleur pour survivre. Propos recueillis par T.C.

FRANCE

A 50 kilomètres au sud de Carcassonne Le délire de Bugarach Culminant à 1 230 mètres d’altitude, le pic de Bugarach est considé- ré par ceux qui croient en la théorie de l’apocalypse, comme l’endroit où il faudra être le 21 décembre pour survivre. Pour éviter les pro- blèmes, le préfet de l’Aude a décidé d’en interdire l’accès ce jour-là.

À Bugarach jouit d’une noto- riété internationale. Pour- quoi ? Parce que des hurlu- berlus du monde entier qui annoncent l’apocalypse pour le 21 décembre,prétendent,sur la base d’une interprétation approximati- ve du calendrier Maya, que ce vil- lage de l’Aude, situé au cœur du pays cathare, sera épargné. Pour être plus précis, c’est son pic mys- térieux qui culmine à 1 230 mètres d’altitude, surplombant la bourga- de, qui est considéré comme un des ultimes refuges de l’humanité, du moins de ce qu’il en restera. Depuis de nombreuses années, cet- te montagne est au cœur de tous les fantasmes,alimentant les délires les plus fous. Le pic de Bugarach serait un portail qui s’ouvrirait sur un abri souterrain, d’où se déploie- raient des tunnels filant à travers la planète. Une théorie soutenue que l’ufologue ÉlisabethVan Buren dans un livre paru dans les années quatre-vingt intitulé “Bugarach, le refuge de l’apocalypse”. Mieux, il y aurait une vie sous ce massif. On y aurait entendu des bruits, pro- venant d’un atelier demaintenance de soucoupe volante ! Certains pré- tendent même que le pic va servir de piste d’atterrissage à un gigan- tesque vaisseau spatial qui sau- vera les Hommes. On nage en plein

19 au23 décembre.Ceux qui avaient donc prévu de se réfugier sur les pentes du pic, par conviction ou jus- te pour le fun, devront se résoudre à trouver autre chose.Par cette déci- sion, le préfet entend également couper court au business de la fin du monde à Bugarach où des par- ticuliers seraient prêts à louer appar- tement, maison, et terrain à prix d’or.

dans un scénario de science-fiction ! En attendant, il y a des gens sur cette planète qui prennent cette his- toire très au sérieux. C’est ce qui inquiète les autorités locales. La pression monte au fur et à mesure que l’on approche de la date fati- dique. Pour éviter les problèmes, le préfet de l’Aude a annoncé que l’ac- cès à Bugarach serait interdit du

Le pic de Bugarach nourrit tous les

fantasmes depuis de nombreuses années.

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