Mon expérience de Satprem

En même temps je voyais ici et là que les uns ou les autres se sentaient encouragés par ses paroles ou ses lettres à « percevoir » un ennemi – à identifier les « faussaires » et les « serpents ». L’on doit parfois poser des questions difficiles : les disciples de Mère n’ont visiblement pas toujours été « à la hauteur » - d’aucuns parmi les plus respectables « chargés de mission » se sont mangé le nez à coups de procès les plus calculateurs et mesqu ins qui soient, une habitude très indienne d’ailleurs ; mais certains ont aussi joué des rôles en quelque sorte déformateurs, très déterminants pour le chemin à parcourir. Je m’aventurerai ici à tracer un parallèle entre deux déformations qui ont été lourdes de conséquence pour tous les Aurovilliens. Deux « déformations », deux attrayantes torsions qui chacune sembla avoir eu pour objectif d’intéresser le vital au travail à faire : l’une introduite par Roger A lorsqu’il a modifié le plan initial d’un rayonn ement immobile de la ville, un rayonnement dans toutes les directions également, en un mouvement tournoyant de nébuleuse; la seconde introduite par Satprem lorsqu’il a désigné les « ennemis » et ceux dont il fallait se garder, alors que l’amour et l’appe l de Mère était pour tous également et à jamais. Les deux ont permis un engagement émotionnel là où peut-être la nature du travail serait demeurée soit trop abstraite, soit trop ingrate, soit encore trop héroïque – une sorte de romantisme et d’esthétisme v ital est alors venu encourager les esprits, au détriment d’une compréhension plus profonde et plus large. L’imposition du plan de la Galaxie sur tout le développement futur d’Auroville, se réclamant d’une inspiration divine directe, a justifié les actions les plus bornées et les plus limitatives et causé des béances et des divisions au sein de l’expérience collective qui sont encore loin, aujourd’hui, d’être résolues. Jamais le plan initial n’aurait pu donner vie à tant de heurts, de jugements et d’incompré hensions.

Ainsi, le caractère de la cause à servir s’étoffait d’une émotion pernicieuse qui, en fait, susciterait plus de division que d’unité. Et cette adhésion à une sorte de drapeau, d’étendard, culminerait dans la phrase : « si tu n’es pas avec nous, tu es contre nous… ».

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