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ÉDITO NUMÉRO 200 8

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La pointe des Poulains et son phare, à la proue de Belle-Île. Ce site sauvage avait subjugué la tragédienne Sarah Bernhardt, qui y acquit un fortin. Du lieu, elle disait: « J’y découvris à l’extrémité la plus venteuse un fort, un endroit spécialement inaccessible, spécialement inhabitable, spécialement inconfortable. Et qui, par conséquent, m’enchanta. »

Hervé Ronné

U N M O N D E F A I T D E L É G E N D E S

sombre d’une forêt, musé dans un ourlet de la lande ou étrillé sans pitié par un grand vent de kornog sur l’estran d’une grève, partez à la rencontre de ces lieux « habités », tous sens en alerte. Les pierres levées, mégalithes de Locmariaquer, les futaies touffues de Brocéliande ou les chaos ro- cheux moussus de Huelgoat, le Youdig des monts d’Arrée où rôdent dans les tourbières les ensorce- leuses « Lavandières de la nuit », la cité engloutie d’Ys entre les baies de Douarnenez et des Trépassés, les grèves venteuses des naufrageurs ou quelques « enfers » (les phares de hautemer) dans lesquels re- tentit la plainte des âmes en partance pour l’au- delà… vous embarqueront alors vers un ailleurs. Cette Bretagne-là existe. Poussez quelques portes imaginaires et vous entrerez à votre tour dans la légende. « Pour accéder à moi-même en ta bonne com-

Armor, pays de la mer ; Argoat, pays des bois. Deux Bretagne, deux visages, deux tempéraments. Mais la même prédilection pour les mystères immémo- riaux. La preuve? Les Bretons chevillent leur quoti- dien sur le socle de vieilles légendes. Ils tutoient le monde de l’occulte et côtoient, comme si la chose était naturelle, la figure effrayante de la mort : l’Ankou, le « Grand Faucheur » dont les grincements lugubres de la charrette ont terrorisé des générations. On dit aussi que la terre d’Armorique serait animée de cou- rants telluriques extraordinaires, insufflant aux pay- sages une dimension magique, transfigurant la pierre d’apparence la plus banale en minéral sacré. On dit encore que sa nature « merveilleusement primitive » trace « la frontière intime de l’âme », selon l’expres- sion de Julien Gracq. On dit… Mais que ne dit-on pas ! Folklore que tout cela? Oubliée, morte, figée dans le passé, cette culture de l’oralité, ces gwerzioù et ces contes fertilisant le terreau d’un imaginaire, où le merveilleux n’étonne personne? Des lieux où la magie vous transporte corps et âme, il en existe tant à découvrir entre Armor et Argoat. Pourquoi sont-ils légendaires? Mystère… À vous, plus sûrement, de le dire, de l’éprouver, de le comprendre. Embusqué dans le repli d’un chemin creux, tapi dans l’épaisseur

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pagnie, passagère ou passager, je m’applique à tirer des bords dans le lit des risées sucrées salées du temps qui passe, et sur mer dans le lit du vent – avel en breton. » C’est un Breton qui vous le dit: Yann Queffélec.

P A R D O M I N I Q U E R O G E R RÉDACTEUR EN CHEF

Bertrand Rieger / Détours en France

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www.detoursenfrance.fr / Juin 2018 / 208

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